La mutation du régime matrimonial
La mutation du régime matrimonial
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Une mutation à double visage. – Le patrimoine conjugal a vocation à se développer et à se transformer au fur et à mesure de l'union et parallèlement les aspirations du couple évoluent au fil de leur vie à deux, au gré de leurs projets tant professionnels que personnels. De nombreux facteurs motivent ainsi les clients à réfléchir à l'opportunité d'aménager ou, plus radicalement, de changer leur organisation patrimoniale.
Selon la volonté des époux, le notaire sera amené soit à apporter une modification au régime matrimonial existant soit à le transformer en choisissant un autre régime. Dans la première situation, la convention modificative s'intitulera « aménagement de régime matrimonial » et dans la seconde « changement de régime matrimonial ». À ce jour, il existe une procédure unique quelle que soit l'importance des modifications effectuées. Une réflexion pourrait être menée sur l'opportunité de créer une procédure simplifiée pour certains aménagements ne touchant pas la structure du régime du vivant des époux. Que l'on songe notamment à la faculté d'opposition des créanciers prévue en cas de changement de régime matrimonial, en raison des effets éventuels de celui-ci sur le gage des créanciers, notamment en cas de passage d'une communauté à une séparation de biens. Une telle opportunité est-elle pertinente lorsque l'aménagement du régime matrimonial a pour objet d'apporter aux époux des instruments de protection en cas de décès, comme l'insertion d'une clause de préciput ?
– La libéralisation de la procédure de modification du régime matrimonial. – La faculté d'aménager ou de changer le régime matrimonial nous semble aujourd'hui comme une évidence. Pour autant, il ne faut pas omettre qu'en 1804, le principe d'immutabilité du régime interdisait aux époux de le modifier en cours d'union. Mais cette rigidité était rapidement apparue comme inadaptée aux fluctuations de la vie. Néanmoins, il a fallu attendre la réforme des régimes matrimoniaux du 13 juillet 1965060 pour qu'une première entorse soit apportée au principe d'immutabilité, lequel a ainsi perdu son caractère absolu. Néanmoins, au lendemain de la réforme, le changement de régime était toujours judiciaire061. Et depuis, le législateur a procédé à de nombreuses reprises à l'assouplissement de son régime juridique. Cette évolution est marquée par une libéralisation de la procédure de changement de régime matrimonial avec en corollaire le recul de l'office du juge au bénéfice du notaire, dont le rôle est aujourd'hui devenu prégnant. Pour autant, la procédure actuelle reste assez strictement encadrée.
– L'internationalisation de la procédure de modification du régime matrimonial. – En raison de la mondialisation et de la circulation des personnes, le notaire est régulièrement confronté à des dossiers présentant un élément d'extranéité soit actuel, qu'il doit alors prendre en considération, soit futur, qu'il doit anticiper. Les motifs sont nombreux : mutation professionnelle, recherche d'un paradis fiscal pour retraités, ou encore installation dans le pays choisi par leurs enfants pour fonder leur famille. Face à un projet d'aménagement et de changement, le notaire ne peut faire l'économie d'une réflexion sur l'efficacité de son acte comprenant l'aménagement ou le changement de régime matrimonial sur le plan international, et ce même si ses clients n'ont pas un projet de déménagement à l'étranger062. D'ailleurs, dans la pratique, le notaire a adopté certains réflexes, notamment en désignant la loi applicable au régime matrimonial. Pour autant, l'insertion d'une telle clause ne règle pas toutes les difficultés, notamment lors d'un départ vers des terres lointaines en dehors de l'Union européenne.
– Changement pacsimonial. – À l'instar des époux, les partenaires peuvent être animés de la volonté de faire évoluer leur régime patrimonial pour des raisons diverses, motivés tant par de nouvelles aspirations personnelles que professionnelles. Les motifs récurrents rencontrés dans la pratique notariale sont liés à la perte de la convention sous seing privé de Pacs, la méconnaissance de régime de l'indivision d'acquêts, l'investissement immobilier dans des proportions différentes en raison de l'emploi de fonds propres, ou encore la souscription ou l'acquisition de parts de société. En pratique, nous constatons que cette volonté, voire ce besoin, est souvent soufflée aux partenaires par le notaire lors d'un investissement patrimonial.
La loi ne prévoit nullement le changement pacsimonial et n'envisage que la modification de la convention. Deux remarques peuvent être faites, de fond et de forme.
Sur le fond, passer d'un régime d'indivision d'acquêts à un régime séparatiste (la réciproque étant vraie) s'apparente plus à une notion de changement que de modification. Le notaire, qui est à l'initiative d'une telle modification, s'interroge légitimement sur la nécessité de liquider le « régime » antérieur. Contrairement au changement de régime matrimonial où l'absence de liquidation est une cause de nullité, aucune obligation ne s'impose en cas de modification.
Sur la forme, c'est bien l'autorité qui a initialement enregistré le Pacs qui enregistre les modifications. Un notaire ne peut enregistrer un acte authentique modificatif que s'il a initialement enregistré le Pacs. La souplesse n'est pas au rendez-vous, ce qui ne manque pas de surprendre s'agissant d'un mode de conjugalité exclusivement fondé sur un accord de volontés.
– Plan. – Nous allons successivement aborder, au sein d'un plan classique, les conditions (Section I), la procédure (Section II) et les effets (Section III) de la mutation du régime matrimonial.
Les conditions de la mutation du régime matrimonial
– Double condition. – L'aménagement ou la modification du régime matrimonial repose sur des conditions de droit (Sous-section I) et sur des conditions d'opportunité (Sous-section II).
Pour aller plus loin
La procédure de mutation de régime matrimonial
– Assouplissement des formes. – Les réformes successives en la matière ont abouti à un assouplissement des formes. Le principe est aujourd'hui celui du changement de régime par un simple acte notarié (Sous-section I), qui nécessite une information aux tiers (Sous-section II) et qui doit être contrôlé (Sous-section III).
Pour aller plus loin
Les effets de la mutation du régime matrimonial
– Plan. – Nous allons envisager successivement les effets de la mutation du régime matrimonial entre les époux (Sous-section I) puis à l'égard des tiers (Sous-section II).
Pour aller plus loin