La société, bien plus que le véhicule d'un projet professionnel ou patrimonial
La société, bien plus que le véhicule d'un projet professionnel ou patrimonial
Rapport du 118e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2022
– Le constat. – Il est aujourd'hui un constat qui peut être partagé par tout le monde : la place de l'entreprise au sein de la société se modifie en profondeur. Il n'y a pas un jour qui s'écoule sans que l'on évoque les nouveaux enjeux et les nouvelles attentes à son sujet, qu'il s'agisse des enjeux sociaux, sociétaux ou environnementaux, des nouvelles règles de gouvernance, ou bien encore de la place des « parties prenantes »865. Ces nouveaux enjeux constituent maintenant une thématique à part entière pour le chef d'entreprise qui, demain, pour ne pas dire déjà aujourd'hui, ne pourra plus lever de financement s'il n'a pas mis en place une politique RSE866, ne pourra plus candidater à des appels d'offres s'il n'a pas complètement sourcé sa chaîne d'approvisionnement, ne pourra plus attirer de collaborateurs s'il n'a pas défini la raison d'être de son entreprise. La société est en quête de sens dans toutes ses dimensions et l'entreprise, lieu majeur pour le développement d'une société harmonieuse, ne peut plus s'en affranchir.
– Les origines. – On pourrait penser que ce mouvement est relativement récent, mais il puise ses origines chez un économiste américain, Howard R. Bowen, qui publie en 1953 un ouvrage intitulé Social responsabilities of the businessman fondant le concept de responsabilité sociale de l'entreprise. Cet ouvrage pose les bases d'un capitalisme éthique au regard des valeurs du protestantisme.
En France, ce mouvement arrive à la fin du XX
e siècle et connaît sa première consécration législative au travers de la loi no 2001-420 du 15 mai 2001, dite « loi NRE », sous la forme d'une obligation de reporting pour les grandes entreprises. Par suite de réformes successives, ces obligations seront codifiées à l'article L. 225-102-1 du Code de commerce pour donner naissance, au sein du rapport de gestion, à un paragraphe dédié aux performances extra-financières867.
Plus tard, le rapport de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, remis le 9 mars 2018 et intitulé « Entreprise et intérêt général », inspirera de nombreuses dispositions contenues dans la loi no 2019-486 du 22 mai 2019, dite « loi Pacte »868, et notamment la modification des articles 1833, alinéa 2869 et 1835, alinéa 2870 du Code civil, mais aussi la création de la société à mission par l'article L. 210-10 du Code de commerce.
– Plan. – Ce titre, traitant des nouvelles dimensions de l'entreprise, comprendra donc quatre sous-titres consacrés respectivement à la raison d'être (Sous-titre I), à la société à mission (Sous-titre II), au fonds de pérennité (Sous-titre III) et enfin aux fondations et fonds de dotation (Sous-titre IV).
La raison d'être
Des exemples de raison d’être
Pour donner des exemples de raison d'être, nous pouvons citer :
- Lego : « Inspirer et développer les constructeurs de demain » ;
- Decathlon : « Le sport partout, pour tous » ;
- Google : « Rendre les informations accessibles et utiles à tous » ;
- Essilor : « Améliorer la vision pour améliorer la vie » ;
- Danone : « Apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre » ;
- EDF : « Construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement grâce à l'électricité et à des solutions et services innovants » ;
- Icade : « Concevoir, construire, gérer et investir dans des villes, des quartiers, des immeubles qui soient des lieux innovants, des lieux de mixité, des lieux inclusifs, des lieux connectés et à l'empreinte carbone réduite. Des lieux où il fait bon vivre, habiter, travailler. Telle est notre ambition, tel est notre objectif. Telle est notre raison d'être » ;
- Carrefour : « Notre mission est de proposer à nos clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous à travers l'ensemble des canaux de distribution. Grâce à la compétence de nos collaborateurs, à une démarche responsable et pluriculturelle, à notre ancrage dans les territoires et à notre capacité d'adaptation aux modes de production et de consommation, nous avons pour ambition d'être leader de la transition alimentaire pour tous » ;
- Michelin : « Offrir à chacun une meilleure façon d'avancer ».
La société à mission
– Fondement légal. – Autre dispositif destiné à accompagner la mutation de l'entreprise : la société à mission. L'article L. 210-10 du Code de commerce prévoit expressément qu'une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission si elle remplit un certain nombre de conditions.
Le fonds de pérennité
Après la raison d'être et la société à mission, et toujours dans l'idée qu'un projet d'entreprise doit pouvoir s'inscrire dans le temps long, la loi Pacte a créé un nouvel outil destiné à stabiliser le capital social des entreprises. Il s'agit du fonds de pérennité, structure juridique de droit privé ad hoc.
Pour aller plus loin