La contractualisation du droit de la famille

La contractualisation du droit de la famille

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Un savoir technique, une émanation culturelle. – Le droit est tout à la fois un savoir technique et une émanation de la culture. Comme l'évoque de manière très claire Alain Supiot, « pour contribuer à la connaissance de l'humain, l'analyse juridique doit donc être attentive non seulement à l'architecture formelle du droit, mais également aux valeurs qui l'animent et aux faits qu'il vise à régir »119. Le droit reflète largement notre civilisation et les aspirations que nous avons pour elle. Les grands juristes qui ont façonné notre droit moderne, de Montesquieu à Carbonnier en passant par Pothier, Portalis, Aubry et Rau, ont insufflé, au-delà de la technique, une certaine idée du droit français120. En droit de la famille, cette dimension transcendantale est peut-être plus importante encore, parce qu'elle touche à l'intime des relations humaines.
Si les praticiens ressentent la légitimité d'apporter leur regard critique sur le savoir technique, ils craignent en revanche de bouleverser l'équilibre anthropologique du droit. Le mariage, la filiation, le divorce, l'héritage, la propriété collective sont des institutions qui fondent la société. C'est donc d'une main tremblante que l'équipe « intellectuelle » du 121e Congrès a écrit ces lignes. Elle a recherché un équilibre en faisant le lien entre un idéal subjectif et une réalité définissant la voie étroite du bien commun121. Les statistiques exposées ont guidé la réflexion. Mais, au-delà des chiffres, la volonté est de dégager un projet, une cohérence. Les notaires ne souhaitent ni « enregistrer passivement » les mutations opérées par les mœurs, ni « ignorer les réalités de notre temps »122. À propos de ce nécessaire et difficile exercice d'équilibre, Bernard Beignier rappelle qu'« observer la famille aujourd'hui en ignorant le droit est une coupable cécité ; vouloir comprendre le droit en l'isolant des autres sciences humaines et sociales est un ostracisme intellectuel qui en fausse le sens »123.
– Famille, droits et contrats. – La recherche de cet équilibre délicat conduit naturellement à réfléchir à la place du contrat en droit de la famille. Les propos se concentreront sur la contractualisation du seul droit de la famille, même si ce rapport ne se limite pas – loin s'en faut – à cette discipline, le notaire ne pouvant accompagner les familles qu'en maîtrisant également les concepts du droit des sociétés, du droit fiscal, du droit des biens, des obligations, etc. Par ailleurs, le notaire sait bien qu'une telle contractualisation du droit de la famille n'est pas une fin en soi : c'est un moyen mis à la disposition des familles dont il ne doit être fait usage que de manière raisonnée et dans le respect des principes d'ordre public, d'éthique, de responsabilité comme de dignité de la personne. L'analyse portera d'abord sur la contractualisation raisonnée (Sous-titre I), avant d'aborder la contractualisation encadrée par la créativité notariale (Sous-titre II).
La contractualisation raisonnée
– Définition et étendue du champ d'étude. – La contractualisation est l'action de régler une difficulté par un contrat.
La contractualisation encadrée
– L'intérêt de la créativité. – La contractualisation est un des effets du déclin de l'ordre public provoquant le désengagement du judiciaire et l'assouplissement des règles légales. Progressivement, le notariat s'est vu confier de nouvelles missions et s'est révélé un acteur de confiance pour encadrer ce mouvement de contractualisation.