La famille aidante
La famille aidante
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Les multiples incarnations de l'entraide familiale. – L'entraide est consubstantielle à la famille : nos actions, animées par l'amour que nos proches nous inspirent et par le devoir de conscience qui nous lie à eux, nous conduisent le plus souvent à mettre de côté nos intérêts propres pour favoriser ceux des personnes que l'on aime. Comme les manifestations d'amour, les actions de bienfaisance entre membres d'une même famille prennent les formes les plus diverses.
On se demande même s'il est possible de toutes les dénombrer tant celles-ci dépendent des configurations familiales et des nécessités qui affectent chacun. Cependant, pour se fixer rapidement l'esprit, tout en se convainquant de la diversité des situations, il est possible de citer les exemples suivants : l'entraide familiale peut s'incarner dans le fait de loger un membre de sa famille, dans l'aide financière apportée à un proche, dans le fait de se porter garant des engagements de son enfant, dans la gestion des affaires d'un parent vieillissant, etc. Ces quelques exemples illustrent la richesse des circonstances dans lesquelles l'entraide familiale peut s'épanouir.
Mais cette variété n'est pas seulement tributaire de la nature de l'aide procurée. Elle tient également au bénéficiaire de l'aide. En effet, dans certains cas, l'aide pourra être procurée à un membre de la famille en particulier, tandis que dans d'autres cas elle profitera à la collectivité des membres de la famille. À cela s'ajoute que la solidarité familiale pourra témoigner de l'existence d'un intérêt familial commun ou pourra au contraire révéler une crispation familiale tenant au fait que le profit de l'un aura fait le dommage de l'autre.
– Le juriste déstabilisé par la variété des situations. – L'extraordinaire richesse des configurations dans lesquelles un membre de la famille prend en charge les intérêts d'un autre ne peut que désarçonner le juriste. Comment attribuer une qualification juridique à tous ces « arrangements » de famille dont la survenance dépend des mobiles qui animent leurs auteurs, mais également des nécessités qui les affectent ? Faut-il y voir une simple entraide liée à des sentiments d'affection que le juriste doit se garder de passer au crible des qualifications juridiques ? Après tout, aimer est irréfléchi… Ou faut-il déceler dans ces actions d'entraide des obligations naturelles, voire des obligations alimentaires ? Et que dire de ces manifestations de solidarité qui sont essentiellement gratuites, tel un prêt à usage ? Faut-il considérer qu'elles sont le vecteur d'une libéralité ? S'agissant des contrats à titre onéreux, tels un bail ou une vente entre membres de la famille, qui sont fréquemment conclus à des conditions plus favorables que celles qui dominent les contrats négociés entre personnes étrangères, dans quelle mesure sont-ils soumis sur le plan juridique et fiscal aux valeurs de marché ?
– Un sujet impossible à délimiter. – Toute tentative de délimitation des situations d'entraide familiale paraît artificielle au premier abord. Il est vain en effet de vouloir recenser toutes les circonstances qui peuvent conduire des membres d'une famille à prendre en charge les intérêts d'un autre membre, tant celles-ci dépendent des mobiles poursuivis, mais également des vicissitudes qui ont provoqué la nécessité de l'entraide familiale.
– Sujets non traités. – La protection des majeurs incapables ne sera pas abordée dans les pages de ce rapport. En effet, une très grande attention a déjà été apportée aux personnes vulnérables par les précédents Congrès des notaires135. Par ailleurs, un récent rapport de l'Institut d'études juridiques du Conseil supérieur du notariat a souligné les principales difficultés suscitées par le mandat de protection future et a suggéré un certain nombre de propositions destinées à améliorer le régime juridique de cet instrument. Parmi ces propositions, figure la possibilité d'autoriser conventionnellement les actes de disposition relatifs au logement de la personne protégée136.
– Plan. – Notre deuxième partie a pour ambition d'apporter de la clarté sur un certain nombre de phénomènes d'entraide qui se jouent dans ce théâtre particulier qu'est la famille. Disons-le d'emblée : l'écart est stupéfiant entre la perception que les Français se font de ces questions et la manière avec laquelle les juristes les résolvent. Le propos sera divisé en deux temps : l'aide exclusive de tout transfert patrimonial (Titre I) et l'aide résultant d'un transfert patrimonial (Titre II).
L'aide exclusive d'un transfert patrimonial
– Plan. – L'entraide familiale correspond le plus souvent à des situations de la vie courante telles que mettre un logement à la disposition d'un membre de la famille (Sous-titre I) ou se porter garant des engagements d'un membre de la famille (Sous-titre II). Au gré de la présentation de chacune de ces manifestations d'entraide, nous examinerons les contours juridiques et fiscaux qui se cachent derrière elles, et dont nos concitoyens n'ont le plus souvent qu'une perception confuse.
L'aide résultant d'un transfert patrimonial
– Introduction. – Le sous-titre précédent a dépeint des phénomènes d'entraide entre membres d'une famille dont le déploiement n'impliquait pas de transfert patrimonial. Néanmoins, ces actions de bienfaisance ne peuvent couvrir l'ensemble des besoins qui viennent à naître au sein d'une famille. Les troubles incessants provoqués par les fluctuations de l'économie, alliés à la marche irrésistible de certains facteurs sociologiques tels que l'allongement de la durée de vie, semblent travailler de concert pour diminuer le pouvoir d'achat de nos proches.