Maintenir les liens
Maintenir les liens
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– La propriété à l'épreuve du deuil. – Bouleversement familial, psychologique, et affectif, le décès est également un bouleversement juridique. Souvent la propriété d'un seul appelle une vocation collective : partenaire ou conjoint, enfants, parents, voire simples amis. Les intérêts divergent et les besoins aussi. En l'absence de l'être cher, il faut bien arbitrer. C'est le rôle du droit des successions.
– Arbitrage du droit successoral. – Le droit des successions figure au sein du livre troisième du Code civil, consacré aux « différentes manières dont on acquiert la propriété ». C'est dire la place centrale qu'occupe ici le droit de propriété. Mode d'acquisition de la propriété, l'héritage est aussi souvent le siège d'une mutation du droit de propriété, en ce sens qu'il impose généralement le passage d'une propriété unique à une propriété plurale. En droit des successions, cette mutation se conçoit essentiellement de deux manières, qui ne sont d'ailleurs pas exclusives l'une de l'autre : soit l'on confère à une pluralité de titulaires des droits de même nature – c'est l'indivision ; soit l'on confère à une pluralité de titulaires des droits de nature différente – c'est le démembrement de propriété. Suivant le cas, l'arbitrage entre les intérêts des héritiers se traduit donc juridiquement soit par une concurrence, soit par un antagonisme, soit par les deux à la fois. Toutes ces situations ont en commun de porter en elles une menace potentielle pour les liens unissant le groupe familial, ce qui pose la question du maintien de ces liens par-delà le décès.
– Maintenir les liens par-delà le décès. – « Le droit des successions et ses deux satellites, les libéralités et le partage, n'ont pas qu'une valeur apaisante. Ils peuvent au contraire produire des déchirures ». Comment prévenir ces déchirures ? Comment « raccommoder » les membres du groupe familial ? Tels sont les principaux défis que le notaire se doit de relever. Toute la difficulté consiste alors à mettre en cohérence l'arbitrage objectif que porte en lui le droit successoral avec la subjectivité des liens d'affection. Depuis la réforme des successions de 2006, la matière se prête plus que jamais à cet exercice d'équilibriste. Comme le relevait Malaurie : « La loi donne un nouveau visage au droit des successions et des libéralités, celui, vivifiant, de la liberté. La liberté a ses risques et n'est pas du tout fait. Elle impose à chacun (…) de prendre ses responsabilités ». Ce sont ces principes de liberté et de responsabilité que le notaire se devra de s'approprier pour accompagner les familles face à l'épreuve de la propriété collective (Titre I) et de la propriété démembrée (Titre II).
La famille à l'épreuve de la propriété collective
– Relever le défi de la propriété collective. – L'apparition d'une indivision sur les biens de l'hérédité force les héritiers à faire l'expérience de la propriété collective. Toute la difficulté consiste alors à trouver un modus vivendi permettant d'assurer autant que possible la cohésion du groupe familial, dans le respect des intérêts de chacun. Plusieurs moyens s'offrent aux héritiers pour relever ce défi.
La famille à l'épreuve de la propriété démembrée
– Fonction du démembrement en droit des successions. – En droit des successions, le démembrement remplit une fonction particulière, consubstantielle à sa nature viagère : assurer la temporisation de la transmission du patrimoine du défunt. C'est dire qu'ici, la mobilisation de l'institution procède moins de la volonté de répartir les utilités de la chose entre plusieurs titulaires que de permettre la succession de plusieurs « propriétaires » sur une même chose.
Pour aller plus loin