– Plan. – Nous allons envisager successivement les effets de la mutation du régime matrimonial entre les époux (Sous-section I) puis à l'égard des tiers (Sous-section II).
Les effets de la mutation du régime matrimonial
Les effets de la mutation du régime matrimonial
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Effets entre époux
– Date d'effet. – Une fois que le changement de régime matrimonial est acquis, soit parce qu'il n'a fait l'objet d'aucune opposition, soit parce que l'homologation a été obtenue, la convention modificative devient définitive et déploie ses effets à la date figurant dans l'acte notarié ou à la date à compter du jour où le jugement d'homologation est passé en force de chose jugée. Il développe l'ensemble de ses effets à compter de cette date.
Les époux doivent donc avoir conscience que la composition des masses ne peut pas avoir changé avant l'homologation, ce qui peut créer rétroactivement des flux financiers et des causes de récompenses ou de créances entre époux. Par ailleurs, tous les actes qu'ils peuvent accomplir avant le jugement d'homologation doivent respecter les règles de leur régime matrimonial antérieur, ce qui peut aboutir si ce n'est pas le cas à la nullité de certains actes passés avant l'homologation, voire à l'engagement de leur responsabilité. La prudence commande donc aux époux d'attendre l'expiration du délai d'opposition pour appliquer les changements dont ils ont convenu.
– Absence de rétroactivité de principe. – Sauf volonté contraire des époux, le changement de régime matrimonial n'a d'effet que pour l'avenir. Dès lors, par exemple, si une communauté est dissoute par un changement de régime vers la séparation de biens, les biens anciennement communs dépendent de l'indivision post-communautaire à défaut d'avoir été partagés entre les époux092. Cela étant, les époux peuvent, sous réserve du droit des tiers, conférer une portée rétroactive à leur changement.
– Recours. – Même devenu définitif, le changement de régime matrimonial n'est pas à l'abri d'une éventuelle remise en cause par l'un des époux. Ceux-ci peuvent agir en nullité en se fondant sur le droit commun des contrats, et arguer d'un défaut de capacité ou d'un vide de consentement. Ils peuvent aussi se plaindre, au regard des conditions spécifiques entourant le changement de régime matrimonial, de l'absence de liquidation si celle-ci s'avérait nécessaire à leurs yeux. Il en va de même lorsque la convention modificative a été homologuée par le juge, puisque la jurisprudence considère que l'homologation laisse subsister le caractère contractuel du changement de régime matrimonial, de sorte qu'elle demeure annulable pour de semblables motifs093.
Effets à l'égard des tiers
– Formalités à accomplir. – Le changement de régime matrimonial ne devient opposable aux tiers que trois mois après sa mention sur l'extrait d'acte de mariage (C. civ., art. 1397, al. 6). Dans l'hypothèse où la mention a été omise, le changement demeure opposable aux tiers si les époux ont déclaré dans les actes passés avec ces derniers leur changement de régime matrimonial.
L'accomplissement de ces formalités ne doit pas être négligé, sans quoi les tiers pourraient agir en se fondant sur le régime précédent. L'effet peut être dévastateur pour des époux qui, en passant de la communauté à un régime séparatiste, pensaient protéger le patrimoine familial contre une activité professionnelle risquée094. Du reste, il convient d'avoir à l'esprit que le changement de régime matrimonial n'empêche pas un créancier de poursuivre l'un des époux, même après que le changement lui est opposable, sur le fondement d'un engagement contracté par l'autre époux sous l'empire de l'ancien régime095.
– Publicité foncière. – Lorsque la convention modificative comporte la mutation d'un droit réel immobilier, elle doit être publiée obligatoirement au service de la publicité foncière compétent, et ce, à peine d'inopposabilité aux tiers des stipulations qu'elle contient au regard des biens et droits immobiliers. C'est le cas, notamment, mais pas seulement, du transfert d'un bien immobilier du patrimoine propre d'un époux à la masse commune ou, inversement, de l'attribution d'un bien indivis ou commun à l'un des époux.
– Recours. – Les tiers qui prendraient conscience tardivement de l'atteinte à leurs intérêts du fait du changement de régime matrimonial disposent, pour certains d'entre eux, de la faculté d'agir. C'est le cas pour les créanciers non opposants, qui peuvent arguer d'une fraude à leurs droits en usant de la faculté d'exercer l'action paulienne de droit commun prévue à l'article 1341-2 du même code (C. civ., art. 1397, al. 9). La preuve de cette fraude peut être apportée par tout moyen et peut être caractérisée au moyen d'indices révélés postérieurement à la mutation du régime.
En revanche, ce n'est pas le cas pour les créanciers qui se sont déjà opposés à la modification et qui ont vu leur contestation rejetée par le juge. Il est dès lors naturel qu'ils ne soient plus admis à agir à nouveau par la voie de l'action paulienne.