L'établissement de la filiation en cas d'AMP avec tiers donneur
L'établissement de la filiation en cas d'AMP avec tiers donneur
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– AMP endogène. – Dans l'AMP endogène999, l'enfant est conçu à l'aide d'un procédé médical avec les gamètes du couple. Dès lors, l'enfant est biologiquement celui de ses deux parents et le droit commun de la filiation s'applique, qu'il s'agisse d'établir ou de contester la filiation1000.
– AMP exogène et le modèle du « ni vu, ni connu ». – Pour l'AMP avec l'intervention d'un tiers donneur, « le législateur estimait qu'il était important de pouvoir croire, ou même de pouvoir faire semblant de croire, qu'il était issu de ceux que la loi instituait comme son père et sa mère »1001. Pour autant, la filiation de l'enfant issu d'une telle technique doit être établie sans qu'elle puisse être remise en cause ultérieurement en raison de l'absence de lien biologique avec ceux à l'initiative du projet parental. C'est pourquoi le législateur a pris le parti de recourir à certains mécanismes du droit commun de la filiation tout en prévoyant des règles spécifiques en raison de l'intervention d'un tiers donneur1002. La filiation est établie à l'égard de l'enfant issu d'une AMP exogène « comme si » l'enfant était issu d'une procréation charnelle du couple. Il a ainsi consacré pleinement le modèle du « ni vu, ni connu » mis en place en France par les médecins dès 1973. Celui-ci consiste à ne pas trahir le secret de la conception de l'enfant issu d'une AMP avec tiers donneur, à cacher le recours au don et « à faire passer le père stérile pour le géniteur » de l'enfant1003.
– Critiques du modèle. – Le modèle du « ni vu, ni connu » qui a été considéré « dans un premier temps comme une garantie de bien-être des parents et de sécurisation des donneurs » a été fortement critiqué et remis en cause à l'étranger1004. Il est en effet apparu que l'intérêt de l'enfant issu de l'AMP pouvait ne pas coïncider avec celui de ses parents. Les médecins ont alors invité ces derniers à ne plus cacher, à leur enfant, les modalités de sa conception car ce secret peut entraîner « des facteurs de risque physique et psychique » pour celui-ci1005.
– Une filiation établie différemment selon les bénéficiaires de l'AMP. – À l'occasion de l'ouverture de l'AMP exogène aux couples de femmes et à la femme non mariée, le législateur aurait pu repenser l'ensemble des règles relatives à l'établissement de la filiation à l'égard de l'enfant issu d'une telle technique médicale. Cependant, ce n'est pas la voie qu'il a empruntée1006. Il a préféré maintenir les règles d'établissement de la filiation pour les couples de personnes de sexe différent en les étendant à la femme non mariée. Pour eux, l'établissement de la filiation relève des règles du droit commun, c'est-à-dire des modes traditionnels d'établissement de la filiation par le sang sans aucune référence au don. En revanche, pour les couples de femmes, un nouveau mode d'établissement de la filiation a été créé : la reconnaissance conjointe anticipée (RCA). Par ailleurs, a été réaffirmée solennellement, par la création d'un article 6-2 du Code civil, l'égalité des droits entre tous les enfants dès lors que leur filiation est légalement établie, et ce, quel que soit son mode d'établissement.
– Plan. – Si le notaire doit informer, dans l'acte de consentement, tous les bénéficiaires de l'AMP exogène des conséquences de leur acte au regard de la filiation, il n'intervient pas en principe dans l'établissement de celle-ci pour les couples de personnes de sexe différent et la femme non mariée. Cependant, il est tenu d'en connaître les règles afin d'informer les clients. Elles seront rappelées pour les couples de personnes de sexe différent (Section I) puis pour la femme non mariée (Section II) avant d'aborder celles d'établissement de la filiation pour les couples de femmes, le notaire étant alors au cœur de ce dispositif (Section III).
Les couples de personnes de sexe différent
– Application de la présomption de paternité à l'AMP exogène. – La présomption de paternité posée à l'article 312 du Code civil est applicable au couple marié, de sexe différent, qui a recours à une AMP avec tiers donneur, quand bien même les gamètes utilisés ne sont pas ceux de l'époux. En conséquence, lorsqu'un tel couple a donné son consentement à l'AMP avec tiers donneur dans les conditions de l'article 342-10 du Code civil, l'adage mater semper certa est entraîne ipso facto l'application de la présomption de paternité.
La femme non mariée
– Une branche de filiation comblée par une autre femme. – Si la femme non mariée qui a réalisé seule une AMP exogène est en couple avec une autre femme, cette dernière ne pourra recourir qu'à l'adoption si elle souhaite créer un lien de filiation entre elle et l'enfant issu de l'AMP. En effet, l'article 320 du Code civil interdit qu'une double filiation maternelle soit établie à l'égard de l'enfant en dehors de toute procédure d'adoption ou de reconnaissance conjointe anticipée.
Les couples de femmes
– Un nouveau mode d'établissement
sui generis
. – En ouvrant l'AMP aux couples de femmes, le législateur a dû repenser les règles d'établissement de la filiation pour l'enfant issu d'une AMP exogène.