La femme non mariée

– Application de l'adage mater semper certa est . – À l'occasion de l'ouverture de l'AMP avec tiers donneur aux femmes non mariées, le législateur n'a prévu aucune disposition spécifique quant à l'établissement de la filiation. La circulaire du 21 septembre 2021 a rappelé que « pour la femme non mariée qui recourt à l'AMP, la filiation s'établit par sa désignation dans l'acte de naissance de l'enfant, du fait de son accouchement, conformément à l'article 311-25 du code civil ». La mère est donc celle qui accouche, peu importe que l'AMP soit réalisée uniquement avec des gamètes d'un homme tiers donneur ou avec un double don de gamètes – spermatozoïdes et ovocytes – ou avec un don d'embryon.

– Une branche de filiation laissée vacante ab initio . – La femme non mariée qui a réalisé seule une AMP avec tiers donneur a laissé une branche vacante. En aucun cas, celle-ci ne pourrait être comblée par le tiers donneur en raison de l'article 342-9 du Code civil. Le Conseil d'État considère qu'il est « logique (…) de laisser vacante la filiation dans la branche paternelle pour permettre un établissement postérieur de la filiation par un homme dépourvu de lien biologique à l'égard de l'enfant, ce dans l'intérêt de ce dernier »¹⁰¹⁵. En raison de la conception binaire et hétéronormative de la filiation, on songe à ce que l'autre branche soit comblée par un homme. Mais la mère ayant accouché peut souhaiter qu'un second lien de filiation soit établi à l'égard d'une femme.

– Une branche de filiation comblée par une autre femme. – Si la femme non mariée qui a réalisé seule une AMP exogène est en couple avec une autre femme, cette dernière ne pourra recourir qu'à l'adoption si elle souhaite créer un lien de filiation entre elle et l'enfant issu de l'AMP. En effet, l'article 320 du Code civil interdit qu'une double filiation maternelle soit établie à l'égard de l'enfant en dehors de toute procédure d'adoption ou de reconnaissance conjointe anticipée. Depuis le 23 février 2022, le législateur permet d'adopter l'enfant de son conjoint, partenaire ou concubin¹⁰¹⁶. En revanche, il ne lui sera pas possible de recourir à l'acte de reconnaissance conjointe de filiation pour établir celle-ci puisque les conditions pour y recourir sont strictement encadrées¹⁰¹⁷.

– Une branche de filiation comblée par un homme. – Si la femme non mariée qui a réalisé seule une AMP exogène est en couple avec un homme, aucune règle juridique ne contraindra le partenaire ou le concubin à établir un lien de filiation avec l'enfant issu de l'AMP. La femme non mariée a en effet imposé l'arrivée d'un enfant au sein d'un couple sans que ce projet parental ait été porté par les deux membres du couple. La filiation n'est légalement établie qu'à l'égard de la femme non mariée. En revanche, si ce dernier souhaite établir un lien de filiation avec l'enfant, la doctrine est partagée sur les moyens pour y parvenir. Pour certains auteurs, la branche vacante pourra « être occupée par un homme, qui peut reconnaître l'enfant (…). Le droit commun de la filiation permet en effet à des hommes de reconnaître des enfants qu'ils n'ont pas conçus avec, en sous-texte, l'idée qu'il est préférable qu'un enfant ait deux parents, et un père même si ce n'est pas son géniteur »¹⁰¹⁸. Pour d'autres, l'enfant étant issu des gamètes d'un tiers, il ne peut pas être rattaché au concubin ou au partenaire par la reconnaissance prévue à l'article 316 du Code civil qui serait mensongère, ni par la possession d'état¹⁰¹⁹. La Cour de cassation a rappelé, dans un avis du 5 avril 2023, que la reconnaissance peut toujours être contestée dans les conditions et dans les délais strictement définis par la loi si la preuve de l'absence de vérité biologique est rapportée¹⁰²⁰. En raison de la fragilité du lien de filiation créée tant par la reconnaissance que par la possession d'état, l'adoption reste l'outil juridique le plus approprié pour sécuriser et stabiliser le lien de filiation entre l'enfant et le nouveau compagnon de la mère.

– Une primauté dans l'établissement de la filiation paternelle. – En permettant d'établir une filiation entre un enfant issu d'une AMP exogène et un homme qui n'a pas participé au projet parental par la reconnaissance, voire la possession d'état, il est constaté une supériorité de ces modes légaux de filiation par rapport à la reconnaissance conjointe anticipée ainsi qu'une primauté de la filiation paternelle. Comme le souligne un auteur, les hommes pourront « facilement accéder à la paternité, sans fondement biologique, tant qu'il ne s'agit pas d'en tirer des bénéfices notamment ceux liés au séjour ou à la nationalité »¹⁰²¹. En revanche, pour les femmes, elles ne pourront créer un lien de filiation qu'en recourant à l'adoption. La filiation se trouve néanmoins fragilisée pour les hommes en raison du risque possible de contestation alors qu'elle se trouve consolidée pour les femmes.

– Changement de situation matrimoniale. – Dans l'acte de consentement reçu en application de l'article 342-10 du Code civil, il sera précisé que la femme non mariée consent expressément à ce qu'une AMP nécessitant l'intervention d'un tiers donneur lui soit fournie dans le cadre d'un projet parental qu'elle réalise à titre individuel. Le notaire doit en outre lui rappeler que tout changement dans sa situation matrimoniale peut entraîner des conséquences sur la réalisation de l'AMP. Dans l'hypothèse où elle envisagerait finalement de la réaliser en couple – Pacs ou concubinage –, un nouvel acte de consentement à l'AMP devra obligatoirement être signé par les deux membres du couple par-devant notaire pour constater le projet parental commun. À défaut, la filiation ne pourra être établie qu'à l'égard de la femme non mariée qui sera considérée comme ayant réalisé seule l'AMP exogène. Si elle se marie entre la signature de l'acte de consentement à l'AMP avec tiers donneur et la réalisation de l'insémination ou de l'accueil de l'embryon – une longue période pouvant effectivement s'écouler entre ces deux événements¹⁰²² – l'équipe médicale ne devrait pas, en principe, réaliser l'AMP. Encore faut-il que celle-ci soit informée de la situation. Selon un auteur, « les équipes médicales se trouvent dans une situation délicate, car la légalité de leur intervention est subordonnée à la connaissance d'une information à laquelle elles n'ont pas aisément accès »¹⁰²³.

– Conséquences de l'établissement de la filiation sur la dévolution du nom. – L'article 311-23, alinéa 1^er, du Code civil prévoit que l'enfant porte le nom de son parent lorsque la filiation n'est établie qu'à son égard.