Les couples de femmes

Les couples de femmes

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Un nouveau mode d'établissement sui generis . – En ouvrant l'AMP aux couples de femmes, le législateur a dû repenser les règles d'établissement de la filiation pour l'enfant issu d'une AMP exogène. En effet, le modèle du « ni vu, ni connu » reposant sur le secret de la conception et du recours au tiers donneur ne leur était effectivement pas adapté1024. Puis, dans la mesure où l'une des deux femmes n'accouche pas de l'enfant, l'article 311-25 du Code civil lui est inapplicable pour établir un lien de filiation. Sans remettre en cause l'adage mater semper certa est, il convenait de permettre la création d'un second lien de filiation maternelle – en dehors de l'adoption – et de sécuriser celui-ci. Lors des travaux préparatoires sur la loi relative à la bioéthique, quatre options ont été envisagées, lesquelles conduisaient, excepté pour la première, « à dissocier radicalement les fondements biologique et juridique de la filiation d'origine, en prévoyant une double filiation maternelle »1025. Le législateur a finalement décidé de créer un nouveau mode d'établissement de la filiation sui generis pour mettre en place cette double filiation maternelle : la reconnaissance conjointe anticipée. Désormais, l'article 310-1 du Code civil prévoit que « la filiation est légalement établie (…) par la reconnaissance conjointe », laquelle est établie en la forme authentique. Le notaire est au cœur de l'établissement de cette filiation.
– Deux reconnaissances conjointes. – Si le législateur a créé la reconnaissance conjointe anticipée (RCA) pour établir le lien de filiation à l'égard de la mère qui n'a pas accouché à la suite d'une AMP, il a également prévu, dans le cadre de la loi bioéthique du 2 août 2021, une mesure temporaire dite de « rattrapage » consistant en une reconnaissance conjointe a posteriori, laquelle a pris fin le 3 août 2024. En conséquence, il ne sera fait état que de la reconnaissance conjointe anticipée. Seront étudiés successivement ses caractères (Sous-section I) et ses effets (Sous-section II) avant de s'intéresser au rôle de l'officier d'état civil (Sous-section III). Puis, seront abordées les difficultés soulevées par la RCA (Sous-section IV).

Les caractères de la reconnaissance conjointe anticipée

– Un acte destiné exclusivement aux couples de femmes. – L'article 342-11 du Code civil précise que le couple de femmes reconnaît conjointement l'enfant lors du recueil du consentement prévu à l'article 342-10 du même code. Sont visés uniquement les couples de femmes. Les couples de personnes de sexe différent et la femme non mariée sont exclus de ce dispositif.
– Un acte reçu par-devant notaire. – La circulaire du 21 septembre 2021 précise que la RCA est reçue « en la forme authentique par le notaire après que celui-ci a informé le couple de ses conséquences sur le plan de la filiation »1026. Ce praticien est seul compétent pour recevoir un tel acte.
– Un acte obligatoirement établi dans le cadre d'une AMP. – Cet acte n'est établi que lorsqu'une AMP doit être réalisée. Si l'enfant est conçu dans le cadre d'une assistance amicale à la procréation (AAP)1027, il n'est pas possible d'établir une reconnaissance conjointe pour créer un lien de filiation à l'égard de la mère qui n'aura pas accouché. Le notaire sollicité pour rédiger un tel acte doit refuser de prêter son concours.
– Un acte reçu lors du recueil de consentement. – Cette reconnaissance de l'enfant par le couple de femmes a lieu lors du recueil du consentement. Il s'agit donc d'une reconnaissance anticipée car l'enfant dont il est question n'est pas encore né, ni même conçu. En effet, le recueil de consentement doit obligatoirement être reçu par-devant notaire préalablement à toute insémination ou tout transfert d'embryons. L'AMP n'est pas encore mise en œuvre lors de la signature de cet acte et, par conséquent, lors de la reconnaissance conjointe. Aux termes de cet acte, un couple de femmes reconnaît un enfant qui n'existera peut-être jamais si l'AMP se solde par un échec ou si elle n'est tout simplement pas réalisée. Mme Nathalie Baillon-Wirtz définit cet acte comme « un pacte sur naissance future »1028. Elle précise d'ailleurs que la reconnaissance conjointe se distingue ainsi de l'acte de reconnaissance volontaire prévu à l'article 316 du Code civil. En effet, si ce dernier peut être fait avant la naissance de l'enfant, celui-ci doit être conçu1029.

La RCA est reçue concomitamment à l'acte de consentement à l'AMP

Certains couples de femmes demandent à signer l'acte de consentement à l'AMP tout en souhaitant différer, à une date ultérieure, celle de l'acte de reconnaissance conjointe. Une telle demande ne peut évidemment pas aboutir. En effet, l'article 342-11 du Code civil précise que la reconnaissance est faite « lors du recueil du consentement ». Le législateur n'a donc pas envisagé que celle-ci puisse être différée. Il s'agit d'ailleurs d'une reconnaissance anticipée. En outre, les conséquences d'un tel report pourraient être dramatiques tant pour le couple de femmes que pour l'enfant à naître. En effet, la filiation ne serait pas établie avec la femme qui n'a pas accouché si celle-ci décède avant la signature de l'acte de reconnaissance. Elle ne le serait pas davantage si le couple de femmes se sépare après la naissance de l'enfant et que la mère qui a accouché refuse de signer la reconnaissance conjointe. Le notaire serait susceptible d'engager sa responsabilité.
– Un acte établi conjointement par le couple de femmes. – L'acte de reconnaissance doit être fait conjointement par les deux femmes. Il consacre la volonté d'établir une double filiation maternelle même s'il ne produit d'effets qu'à l'égard de la femme qui n'aura pas accouché. Cet acte se distingue à nouveau de la reconnaissance volontaire de l'article 316 du Code civil qui est un acte unilatéral.
– Un acte illimité dans le temps. – La RCA n'a pas de durée de validité dans le temps.
– Un acte distinct du recueil de consentement. – Dès l'entrée en vigueur de la loi, les praticiens se sont interrogés sur la possibilité d'établir un seul et même acte contenant à la fois le recueil des consentements à l'AMP et la reconnaissance conjointe. Si certains auteurs l'envisagent1030, d'autres considèrent, au contraire, que deux actes distincts doivent être rédigés et signés par les parties1031. L'article 342-11 du Code civil manque de précision à ce titre. À notre sens, deux actes doivent être établis, l'un pour le consentement à l'AMP et l'autre pour la reconnaissance conjointe de filiation, et ce, pour trois raisons. Premièrement, ces actes ont des finalités différentes : le premier permet de constater que le couple consent à ce que l'une des deux femmes soit inséminée avec les gamètes d'un tiers ou accueille un embryon tandis que le second permet d'établir la filiation entre l'enfant issu de l'AMP et la mère qui n'a pas accouché. Deuxièmement, ces actes ne sont pas destinés, en raison de leur finalité, aux mêmes personnes. Le premier acte est donné à l'équipe médicale qui le conserve avec d'autres pièces dans le respect de leur confidentialité1032. Le second est remis à l'officier d'état civil qui le conserve dans ses archives. Or, il est recommandé, notamment par la circulaire précitée de 2021, de ne délivrer qu'une seule copie authentique de ces actes. Troisièmement, lors de l'entrée en vigueur de la loi bioéthique, l'article 847 bis du Code général des impôts exonérait de droits d'enregistrement les actes prévus à l'article 342-10 du Code civil. L'acte de reconnaissance conjointe n'était pas visé par ce texte de sorte que celui-ci était soumis au droit fixe d'enregistrement de 125 €. À la suite de contestations, cet article a été modifié par le législateur qui a précisé que sont également exonérés de droits d'enregistrement les actes de reconnaissance établis conformément à l'article 342-9 dudit code. Si le législateur a prévu deux tarifs spécifiques pour ces actes et s'il est intervenu expressément pour exonérer la reconnaissance conjointe de filiation de droit d'enregistrement, sa volonté était certainement bien celle d'établir deux actes distincts. Une réponse ministérielle du 3 octobre 2023 a précisé que « le notaire doit établir deux actes distincts : l'acte de consentement, identique aux couples hétérosexuels, et un acte de reconnaissance conjointe anticipée (RCA) »1033.
– Un acte de reconnaissance conjointe par procuration ? – La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique n'a prévu aucune règle spécifique quant à la possibilité de signer un acte de reconnaissance conjointe par procuration, laissant la question ouverte. Pour y répondre, on peut être tenté de se référer à la reconnaissance volontaire de l'article 316 du Code civil et à la possibilité de recourir ou non à une procuration authentique. En raison de la lecture qui doit être faite à l'auteur de la reconnaissance des articles 371-1 et 371-2 du Code civil relatifs à l'autorité parentale lors de son établissement1034, elle ne devrait pas pouvoir être souscrite par procuration authentique. Cette impossibilité d'agir par procuration authentique pour la reconnaissance volontaire peut-elle être étendue à la reconnaissance conjointe de l'article 342-11 du Code civil ? Si la pratique notariale a pris pour habitude, lors de la signature de cet acte, de reproduire textuellement le contenu des articles 371-1 et 371-2 du Code civil et de les porter à la connaissance des couples de femmes par leur lecture, aucun texte légal ne l'impose. Les dispositions de l'article 62 du Code civil ne sont pas applicables à la RCA1035. Néanmoins, en raison de l'importance de cet acte qui repose exclusivement sur la volonté du couple de créer un lien de filiation entre la femme n'ayant pas accouché et l'enfant issu de l'AMP et de l'obligation faite au notaire de porter à la connaissance des deux femmes les conséquences de leur acte au regard de la filiation, la lecture des articles 371-1 et 371-2 du Code civil s'impose à juste titre lors de la signature de cet acte1036.
Le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, a été interrogé sur les difficultés rencontrées par les couples de femmes françaises vivant à l'étranger lorsqu'elles souhaitent établir une RCA. Ce mécanisme, qualifié de « discriminatoire » par l'auteur de la question, « représente déjà une contrainte additionnelle » pour les couples de femmes résidant en France1037. Or, la situation est encore plus problématique pour les couples de femmes françaises vivant à l'étranger, car elles doivent se rendre chez un notaire en France pour signer un tel acte. Aux termes d'une réponse du 21 septembre 2023, le ministre délégué rappelle que les RCA ne peuvent plus être reçues dans les postes consulaires dans la mesure où les consuls de France n'exercent plus de fonctions notariales depuis le 1er janvier 2019. En revanche, il précise que les ressortissantes françaises domiciliées hors de France ont « la faculté de les souscrire par procuration authentique auprès d'un notaire en France, sans avoir à se déplacer »1038. S'agissant d'une procuration, elle pourrait être reçue par comparution à distance conformément à l'article 20-1 du décret no 71-941 du 26 novembre 19711039. La procuration devrait alors être établie conjointement par le couple de femmes en la forme authentique. Toutefois, la RCA suppose que l'acte de consentement à l'AMP exogène ait été reçu au préalable. Si la réponse ministérielle se prononce sur la possibilité de recourir à une procuration authentique pour la RCA, elle n'aborde absolument pas la question de l'acte de consentement à l'AMP. Or, il nous semble difficile d'admettre que celui-ci puisse faire l'objet d'une procuration authentique. Cet acte peut tout d'abord être qualifié, comme la reconnaissance conjointe, d'acte strictement personnel1040. Il s'agit en effet d'un acte d'une certaine gravité, intimement lié aux personnes qui consentent à l'AMP exogène. Aucun texte spécial ne prévoit, en outre, la possibilité de recourir à une procuration authentique pour la signature d'un tel acte. Enfin et surtout, l'article 1157-2 du Code de procédure civile impose que le consentement soit recueilli par acte authentique « hors la présence de tiers ». Pour ces raisons, l'acte de consentement à l'AMP exogène apparaît comme un acte exigeant la comparution personnelle des clients devant le notaire1041. Une telle position a d'ailleurs déjà été retenue par le CRIDON Sud-Ouest, lequel a précisé que « le procédé [de la procuration authentique] n'est pas possible » pour l'acte de consentement à l'AMP1042. En conséquence, même si la reconnaissance conjointe pourrait éventuellement être reçue par procuration authentique selon la réponse ministérielle ci-dessus, qui nous semble contestable, il n'est pas possible d'y recourir pour l'acte de consentement à l'AMP exogène. Le couple de femmes françaises vivant à l'étranger devra donc se rendre chez un notaire en France pour la signature de ces deux actes avant la mise en œuvre de l'insémination ou du transfert d'embryon.
– La tarification. – La RCA prévue à l'article 342-11 du Code civil donne lieu à la perception d'un émolument fixe de 75,46 € hors taxes1043. Des émoluments de formalités devront également être prélevés – archivage de l'acte et délivrance d'une copie authentique. Aucun honoraire ne doit être réclamé pour l'établissement de cet acte. Par ailleurs, cet acte est exonéré du droit d'enregistrement de 125 €1044. Il a été affirmé que le caractère payant de la reconnaissance conjointe constituerait une discrimination par rapport aux couples de personnes de sexe différent ayant recours à une AMP exogène. Une réponse du ministre de la Santé en date du 3 octobre 2023 a précisé que « tous les actes de reconnaissance notariés (reconnaissance conjointe anticipée, reconnaissance de paternité ou de maternité faite par acte authentique) donnent lieu à la perception d'un émolument fixe de 75,46 euros »1045. Toutefois, si le ministre rappelle les conditions tarifaires de cet acte, il ne se prononce pas sur une éventuelle discrimination entre les couples ayant recours à une AMP exogène. Or, la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 mai 2024, relève une « éventuelle atteinte au principe d'égalité et au principe fondamental reconnu par les lois de la République de gratuité de l'établissement des actes de l'état civil », laquelle pourrait résulter « du caractère payant de l'acte notarié de la reconnaissance conjointe anticipée »1046.

Les effets de la reconnaissance conjointe anticipée

– La finalité de la RCA. – En ouvrant l'AMP aux couples de femmes, l'un des objectifs du législateur était de leur permettre de devenir légalement les deux mères de l'enfant issu de l'AMP exogène « de la même façon et dans le même trait de temps afin que l'une ne soit pas, davantage que l'autre ou l'une avant l'autre, considérée comme parent de l'enfant »1047. La RCA est remise à l'officier d'état civil, dès la naissance de l'enfant, qui la porte dans l'acte de naissance. Elle permet d'établir la filiation pour les deux mères en même temps, c'est-à-dire lors de la naissance de l'enfant1048.
– Le décès de la mère ne portant pas l'enfant survenu avant la naissance. – Le décès de la mère n'ayant pas porté l'enfant survenu avant la naissance de celui-ci ne constitue pas un obstacle à l'établissement de la filiation à son égard pour deux raisons. D'une part, la RCA peut être remise par l'une des deux femmes ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance. Il n'y a aucune obligation que cet acte soit remis par la mère n'ayant pas accouché. D'autre part, il s'agit d'une reconnaissance anticipée faite par les deux membres du couple sans précision sur l'identité de la mère qui portera l'enfant. Dès lors que l'AMP exogène est réalisée du vivant des deux membres du couple1049, la RCA remise à l'officier d'état civil établit nécessairement la maternité à l'égard de la mère qui n'a pas accouché, et ce, même si cette dernière y faisait volontairement obstacle à la naissance de l'enfant. Son décès avant la naissance de l'enfant n'empêche donc pas l'établissement de la filiation à son égard.
– Un acte irrévocable et non privé d'effet. – Contrairement à l'acte de consentement à l'AMP, la reconnaissance conjointe est irrévocable et ne peut pas être privée d'effet. Elle établit la maternité de celle qui fait obstacle à la RCA qui engage alors sa responsabilité1050.
– Une dissociation pour l'établissement des filiations maternelles. – Même si la reconnaissance est établie de façon conjointe par les deux femmes, elle ne produit finalement ses effets qu'à l'égard de celle qui n'a pas accouché. Pour la mère qui a accouché de l'enfant, le lien de filiation reste établi par sa désignation dans l'acte de naissance.
– Conséquences sur la dévolution du nom. – Lorsque la filiation est établie dans les conditions prévues à l'article 342-11 du Code civil par reconnaissance conjointe, les femmes qui y sont désignées choisissent le nom de famille qui est dévolu à l'enfant1051. La double filiation maternelle étant établie au jour de la naissance, le choix du nom de l'enfant a lieu au plus tard au moment de la déclaration de naissance. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier d'état civil sur le choix du nom de l'enfant, ce dernier prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille de chacune d'elles, accolés selon l'ordre alphabétique1052.
En cas de choix du nom lors de la déclaration de naissance En cas d'absence de choix lors de la déclaration de naissance
• Soit le nom de l'une d'elles.L'enfant portera le nom de chacune d'elles.
Le nom précédemment dévolu ou choisi pour l'enfant commun s'applique à l'ensemble de la fratrie.
– Conséquences sur l'autorité parentale. – Selon l'article 372 du Code civil, « l'autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l'article 342-11 du Code civil », c'est-à-dire en cas de RCA. Ainsi, pour les enfants nés d'une AMP exogène réalisée depuis le 4 août 2021, l'autorité parentale s'exerce bien conjointement par les deux mères. En revanche, seule la mère ayant accouché sera investie de l'exercice de celle-ci dans l'hypothèse où la mention de la RCA serait apposée à la demande du procureur de la République. Il s'agit de l'hypothèse où la femme qui, après avoir consenti à l'AMP mais n'ayant pas accouché, a fait obstacle à la remise à l'officier de l'état civil de la reconnaissance conjointe1053.

Reconnaissance conjointe et autorité parentale

– Une mesure temporaire dite de « rattrapage ». Lors des travaux préparatoires de la loi bioéthique du 2 août 2021, il a été constaté que « deux à trois mille femmes françaises » passaient « les frontières chaque année pour accéder aux techniques d'assistance médicale à la procréation »1054. Pour celles ayant réalisé une AMP à l'étranger, l'adoption demeurait le seul outil juridique permettant de créer un lien de filiation avec la femme qui n'avait pas accouché. Conscient des difficultés afférentes à la procédure d'adoption, laquelle est longue, coûteuse et éprouvante, le législateur a instauré, dans la loi du 2 août 2021, une mesure dite de « rattrapage ». Le IV de l'article 6 de ladite loi prévoyait que pendant trois ans à compter de sa publication, soit à partir du 3 août 2021, le couple de femmes qui avait eu recours à une AMP à l'étranger avant cette date pouvait faire, par-devant notaire, une reconnaissance conjointe de l'enfant dont la filiation n'était établie qu'à l'égard de la femme qui avait accouché. Cette mesure temporaire de trois ans permettait d'établir la filiation à l'égard de l'autre femme qui n'avait pas accouché mais qui avait participé au projet parental, et ce, sans recourir à l'adoption. Elle a pris fin le 3 août 2024.
– Conséquences de la reconnaissance conjointe a posteriori sur l'autorité parentale. La loi bioéthique n'a prévu aucune règle spécifique quant à l'autorité parentale en cas de reconnaissance conjointe a posteriori mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant. Or, selon l'article 372, alinéa 2, du Code civil, « lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un [des parents] plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale ». En conséquence, les deux mères exercent en commun l'autorité parentale si le second lien de filiation a été établi moins d'un an après la naissance de l'enfant. À défaut, seule la femme ayant accouché l'exercera à l'égard de l'enfant. L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe adressée par les deux mères au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales1055. Si aucune obligation d'information relative à l'exercice de l'autorité parentale ne semblait peser sur le procureur de la République à l'égard des deux femmes, il a été indiqué que « le notaire [avait] tout intérêt à rappeler ces règles juridiques dans l'acte de reconnaissance conjointe a posteriori surtout lorsque la signature de celui-ci [intervenait] quelques semaines avant les douze mois de l'enfant »1056. En présence d'un couple de femmes dont la filiation a été établie à l'égard de la mère n'ayant pas accouché par une reconnaissance conjointe a posteriori après les douze mois de l'enfant1057, il est recommandé au notaire, si celui-ci est consulté, d'interroger les deux mères pour savoir si une déclaration conjointe a bien été adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou si une décision a été rendue par le juge aux affaires familiales relativement à l'exercice de l'autorité parentale. À défaut, il devra les informer dans le cadre de son devoir de conseil.

Le rôle de l'officier d'état civil

– Remise de l'acte à l'officier d'état civil. – La circulaire du 21 septembre 2021 préconise au notaire de ne délivrer qu'une seule copie authentique de la reconnaissance conjointe. Celle-ci doit être remise par l'une des deux femmes ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance à l'officier d'état civil. Ce dernier conserve la copie authentique. Il la mentionne dans l'acte de naissance1058.

Remise d'une seule copie authentique de la RCA

La remise d'une seule copie authentique de la RCA aux couples de femmes s'impose au notaire. Cet acte est établi pour un seul et même parcours d'AMP exogène. Il ne doit pas pouvoir être utilisé par le couple de femmes pour déclarer, ultérieurement, les naissances d'autres enfants qui ne seraient pas conçus par AMP. Or, en délivrant plusieurs copies authentiques du même acte, il peut être tentant, pour le couple de femmes, d'établir la filiation entre la mère n'ayant pas accouché et l'enfant qui serait issu, non pas d'une AMP, mais d'une procréation naturelle. Le danger d'une telle situation réside dans la possibilité de contester ultérieurement le lien de filiation à l'égard de la mère n'ayant pas accouché dans la mesure où l'enfant n'est pas issu d'une AMP exogène. On peut dès lors imaginer les conséquences sur le règlement de la succession de la mère n'ayant pas accouché si le lien de filiation venait à être contesté à l'égard de certains de ses enfants.
– Naissance gémellaire ou multiple. – En cas de naissance gémellaire ou multiple, la RCA sera mentionnée sur chaque acte de naissance des enfants. Ce même acte permet d'établir la filiation de tous les enfants nés du même processus d'AMP.
– Les conséquences de l'absence de remise à l'officier d'état civil. – Si, lors de la naissance de l'enfant, la RCA n'est pas remise à l'officier d'état civil, elle peut lui être communiquée par le procureur de la République à la demande de l'enfant majeur, de son représentant légal s'il est mineur ou de toute autre personne ayant intérêt à agir. La RCA est alors portée en marge de l'acte de naissance.

Les difficultés liées à la reconnaissance conjointe anticipée

Les dérives de la reconnaissance conjointe anticipée

– Assistance amicale à la procréation. – En pratique, la RCA établie par le notaire peut aboutir à des situations que le législateur n'avait pas imaginées ou n'avait pas souhaité envisager. En raison du délai relativement long pour pratiquer une AMP ou pour d'autres raisons de pure convenance personnelle, des couples de femmes recourent à une assistance amicale à la procréation (AAP). Ces femmes se rendent alors chez un notaire pour obtenir un acte de consentement à l'AMP ainsi qu'une RCA. Ensuite, l'enfant est conçu selon une « insémination artisanale ». À sa naissance, les deux femmes produisent la RCA à l'officier d'état civil qui l'inscrit en marge de l'acte de naissance de l'enfant. L'existence d'une RCA fait présumer le recours à une AMP exogène. La filiation est ainsi établie à l'égard de la mère qui a accouché en vertu de l'article 311-25 du Code civil et à l'égard de celle qui n'a pas accouché en vertu de la RCA, et ce, sans avoir eu recours à une AMP.
– Inapplicabilité des textes relatifs à l'AMP. – Les articles 342-9 et suivants du Code civil relatifs à l'AMP ne s'appliquent pas puisque l'enfant n'est pas issu d'une technique médicale, mais d'une procréation naturelle de sorte que les conséquences à l'égard de cet enfant sont les suivantes :
  • un lien de filiation peut être établi entre l'auteur du don – le géniteur – et l'enfant ;
  • la responsabilité de l'auteur du don – le géniteur – peut être engagée ;
  • toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation peut être exercée.
– Contestation du lien de filiation par le géniteur. – Le géniteur est en droit de contester la filiation établie entre la mère qui n'a pas accouché et l'enfant pour établir sa propre filiation. En principe, en vertu de l'article 320 du Code civil, il devrait, pour respecter le principe chronologique de la filiation, la contester en justice pour pouvoir établir la sienne légalement. Néanmoins, pourrait-il être envisagé de l'établir par un acte de reconnaissance volontaire, sans pour autant contester la double filiation maternelle déjà établie, en considérant tout simplement que la branche paternelle est vacante ? En d'autres termes, l'enfant pourrait-il avoir deux mères et un père biologique sans recourir à la procédure d'adoption ? La situation semble difficilement envisageable en l'état actuel du droit français1059.
– Contestation du lien de filiation par l'une des mères. – Si la mère n'ayant pas accouché peut également être tentée de contester la filiation à l'égard de l'enfant, l'action pourrait venir de celle qui lui a donné naissance en cas de séparation du couple.
– Le fondement de la contestation. – Selon l'article 332 du Code civil, « la maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n'a pas accouché de l'enfant ». La mère qui a établi sa filiation par la RCA n'a pas accouché. Dès lors que la preuve en est rapportée et dans la mesure où la filiation peut être contestée à l'égard de celle qui n'a pas accouché en l'absence d'AMP, sa filiation devrait pouvoir être anéantie.
– Une application des articles 333 et 334 du Code civil ? – Les dispositions des articles 333 et 334 du Code civil pour exercer une action en contestation de filiation sont-elles applicables à la situation susvisée ? Dans l'affirmative, les conditions pour agir vont dépendre selon que le titre – l'acte de naissance de l'enfant établi en vertu d'une RCA frauduleuse – est corroboré ou non par une possession d'état1060. Si la possession d'état a duré moins de cinq ans, la filiation peut toujours être contestée. En revanche, si elle a duré au moins cinq ans depuis la naissance de l'enfant, le lien serait alors inattaquable1061. Néanmoins, est-ce dans l'intérêt supérieur de l'enfant de le priver d'établir une filiation à l'égard de son père biologique ? Si la RCA a été établie frauduleusement, l'adage fraus omnia corrumpit ne devrait-il pas anéantir la filiation à l'égard de la mère n'ayant pas accouché ?
– L'action du ministère public. – Reste alors l'article 336 du Code civil qui permettrait au ministère public de contester toute filiation, qu'elle soit corroborée ou non par la possession d'état, en cas de fraude à la loi. On peut alors imaginer que celui-ci, informé d'une difficulté, saisirait le tribunal judiciaire pour trancher la contestation relative à la filiation. Par ailleurs, si la contestation de la filiation provient de la mère qui n'a pas accouché, pourrait-elle être condamnée à verser des dommages et intérêts à l'enfant au même titre que le parent qui a réalisé sciemment une reconnaissance mensongère et qui la conteste ultérieurement ?
– Et l'intérêt de l'enfant ? – Le droit de la filiation repose sur trois piliers que sont l'égalité, la vérité et la stabilité. Or, le détournement frauduleux de la RCA par les couples de femmes conduit à remettre en cause deux de ces grands principes que sont la vérité – l'enfant n'est pas conçu par une AMP de sorte qu'il a le droit d'établir un lien de filiation avec son géniteur – et la stabilité – celle-ci n'est pas garantie puisqu'elle peut être contestée. Si une contestation est portée devant les tribunaux, les juges devront se prononcer en fonction de l'intérêt de l'enfant. Le lien de filiation créé à l'égard de la mère qui n'a pas accouché doit-il être anéanti alors qu'elle s'est occupée de l'enfant au quotidien pour établir une filiation à l'égard du géniteur qui ne correspond pas nécessairement au vécu familial ? Ou devront-ils maintenir la filiation initialement établie qui ne correspondait pas, dans tous les cas, à la vérité biologique ? Comme le soulignent des auteurs, « « l'intérêt de l'enfant » est une construction biaisée, fût-ce en toute bonne foi : il est l'intérêt d'un adulte »1062.

Le rôle du notaire

Si le notaire est informé de la volonté du couple de femmes de recourir à une assistance amicale à la procréation, il doit bien évidemment refuser de recueillir l'acte de consentement à l'AMP ainsi que la RCA. Néanmoins, il est à craindre que ces couples de femmes se gardent de lui communiquer une telle information.

Les difficultés en présence d'un élément d'extranéité

– La présence d'éléments d'extranéité. – Dans le cadre de la mise en œuvre d'une AMP, des éléments d'extranéité peuvent exister : le couple ou la femme non mariée résident habituellement à l'étranger, le processus médical est réalisé hors de France, les deux membres du couple n'ont pas la même nationalité, l'enfant est né à l'étranger, etc.
– L'absence de règle de conflit de lois relative à l'établissement de la filiation pour les couples de femmes. – Les règles de droit international privé relatives à la filiation sont issues de la loi du 3 janvier 19721063. Pour déterminer la loi applicable à la filiation, l'article 311-14 du Code civil prévoit que celle-ci est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant. Toutefois, si cette dernière n'est pas connue, c'est alors la loi personnelle de l'enfant qui s'impose. Ce critère de rattachement pour l'établissement de la filiation s'applique que l'enfant soit issu d'une procréation charnelle ou d'une AMP, que cette dernière ait lieu avec ou sans l'intervention d'un ou de deux tiers donneurs. Il n'est ainsi fait aucune différence sur le mode de conception de l'enfant. Ce rattachement à la nationalité de la mère apparaissait en 1972 « comme le plus clair et le plus pratique », car l'identité de cette dernière est « généralement indiscutable »1064. Cependant, il fait l'objet aujourd'hui de nombreuses critiques en raison des nouveaux modèles familiaux. Si le texte de l'article 311-14 du Code civil s'applique sans difficulté aux couples de personnes de sexe différent et à la femme non mariée ayant recours à une AMP, il l'est difficilement aux couples de femmes. Le législateur a souhaité que les deux femmes soient considérées comme les mères de l'enfant ab initio 1065. Cependant, si les deux femmes n'ont pas la même nationalité, devons-nous retenir, pour l'établissement de la filiation, la loi nationale de celle qui a porté l'enfant ou la loi nationale de celle qui n'a pas accouché ? Il est regrettable que le législateur, en créant un mode d'établissement de la filiation sui generis, n'ait envisagé aucune règle de conflit de lois spécifique pour la filiation d'un enfant né d'une AMP avec tiers donneurs dans le cadre de la loi bioéthique du 2 août 2021.
– Une application de l'article 311-17 du Code civil ? – L'article 311-17 du Code civil pose une règle de conflit relative à « la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité ». Si ce texte a été conçu à une époque où la reconnaissance conjointe n'existait pas, il est tentant d'assimiler celle-ci à la reconnaissance dite « volontaire »1066. En conséquence, la règle de conflit prévue à l'article 311-17 du Code civil pourrait s'appliquer, sauf décision contraire des tribunaux1067.

Cas pratiques

<strong>– Premier cas : Deux femmes ont la nationalité française. Elles ont fixé leur résidence habituelle commune à l'étranger. Elles réalisent une AMP à l'étranger où l'enfant y est né. Comment la filiation sera-t-elle établie ou reconnue en France à l'égard des deux mères ?</strong> Dès lors que l'enfant est né à l'étranger, il convient de distinguer deux cas :

• une déclaration de naissance est faite au consulat à l'étranger. Pour établir la filiation des deux mères à l'égard de l'enfant, il convient de déterminer la loi applicable à l'établissement de la filiation. Selon l'article 311-14 du Code civil, « la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ». Pour la mère qui a accouché, la loi française s'applique. Sa désignation dans l'acte de naissance établit sa filiation à l'égard de l'enfant. Pour celle qui n'a pas accouché et si l'on se réfère à l'article 311-17 du Code civil, « la reconnaissance (…) est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ». C'est également la loi française qui s'applique pour celle qui n'a pas accouché<sup class="note" data-contentnote=" L&#039;enfant qui sera issu de cette AMP sera également de nationalité française en vertu de l&#039;article 18 du Code civil.">1068</sup>. Pour établir la filiation à son égard, la RCA prévue à l'article 342-11 du Code civil est obligatoire ;

• l'acte de naissance de l'enfant a été établi à l'étranger et sa filiation est établie à l'égard de ses deux mères conformément au droit local. Le couple de femmes a toujours la possibilité de demander la transcription de l'acte de naissance étranger sur les registres de l'état civil français. Néanmoins, en raison de la nouvelle rédaction de l'article 47 du Code civil qui impose que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité, laquelle est appréciée au regard de la loi française, il n'est pas certain que ce couple puisse y procéder. Il leur est donc conseillé de signer, en France, un acte de consentement à l'AMP et une RCA avant la mise en œuvre de cette technique médicale à l'étranger.

Avant toute mise en œuvre d'une AMP exogène à l'étranger, il est conseillé aux couples de femmes, toutes deux de nationalité française, de consentir à celle-ci en application de l'article 342-10 du Code civil et de signer une RCA en vertu de l'article 342-11 du Code civil pour établir la filiation entre l'enfant qui sera issu d'une telle technique et la mère qui n'aura pas accouché. Elles devront par conséquent se rendre en France pour la signature de ces deux actes<sup class="note" data-contentnote=" V. &lt;em&gt;supra&lt;/em&gt;, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; , pour l&#039;impossibilité de signer une procuration authentique à distance pour la régularisation de ces deux actes.">1069</sup>. Ces préconisations sont identiques dans l'hypothèse où, au sein du couple, l'une des deux femmes a la nationalité française et l'autre une nationalité étrangère.

<strong>– Deuxième cas : Un couple de femmes dont l'une est de nationalité française, l'autre de nationalité étrangère, a réalisé une AMP à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi bioéthique du 2 août 2021. L'enfant est né à l'étranger. La filiation établie à l'étranger à l'égard des deux mères est-elle reconnue en France alors que le dispositif transitoire prévu à l'article 6, IV de la loi du 2 août 2021 a expiré ?</strong> Un acte de naissance de l'enfant a été établi à l'étranger de sorte que c'est une question de transcription de cet acte sur les registres de l'état civil français qui se pose et non d'établissement d'un lien de filiation en France. Il n'est donc pas nécessaire de déterminer, au préalable, la loi applicable. En raison de la nouvelle rédaction de l'article 47 du Code civil, la transcription ne pourra être que partielle à l'égard de la mère, de nationalité française, qui a accouché. Pour l'autre mère, elle ne pourra recourir qu'à l'adoption de l'enfant ; étant précisé que les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant en application de l'article 370-3 du Code civil<sup class="note" data-contentnote=" V. &lt;em&gt;infra&lt;/em&gt;, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; .">1070</sup>.

<strong>– Troisième cas : les deux femmes ont la nationalité française. Elles ont fixé leur résidence habituelle commune en France ou à l'étranger. Elles ont réalisé une AMP exogène à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi bioéthique du 2 août 2021. </strong>Ces deux femmes avaient-elles la possibilité de signer un acte de reconnaissance conjointe <em>a posteriori</em> ? Comme indiqué ci-dessus, il semble possible de recourir à l'article 311-17 du Code civil. En conséquence, les deux femmes ayant la nationalité française, la loi française est compétente pour établir la filiation. Elles avaient donc la possibilité, jusqu'au 2 août 2024, de réaliser une reconnaissance conjointe <em>a posteriori</em>. La question aurait pu être plus délicate si l'une des deux femmes n'avait pas la nationalité française. Néanmoins, l'article 311-17 du Code civil prévoit que la reconnaissance est également valable selon la loi personnelle de l'enfant. Or, ce dernier a nécessairement la nationalité française puisqu'il est né d'un parent français<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 18.">1071</sup>. Dès lors, la loi française étant applicable, la reconnaissance conjointe <em>a posteriori</em> était possible.

<strong>– Quatrième cas : deux femmes, de nationalité étrangère, souhaitent réaliser une AMP en France ; cette technique étant interdite dans leur pays. Est-il nécessaire de signer un acte de consentement à l'AMP et une RCA ?</strong> Que l'on applique les articles 311-14 ou 311-17 du Code civil, la filiation sera établie selon le droit étranger. Si le recours à l'AMP est interdit dans le pays d'origine de ce couple, la filiation ne sera certainement pas établie entre l'enfant et la mère qui n'a pas accouché. Néanmoins, si ce couple de femmes réside habituellement en France, il lui sera conseillé de signer l'acte de consentement et la RCA. En effet, si le droit d'accès des couples de femmes à l'AMP venait à être envisagé comme une loi de police, cette dernière garantirait alors la validité de la reconnaissance établie en France. Elle suppose alors que le couple de femmes ait un lien étroit avec la France comme, par exemple, sa résidence habituelle. Enfin, la Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 14 décembre 2021, a condamné la Bulgarie qui a refusé de reconnaître le lien de filiation de l'enfant issu d'une AMP pratiquée en Espagne par un couple de femmes en raison de l'interdiction, pour un tel couple, de fonder une famille, que ce soit par adoption ou par AMP<sup class="note" data-contentnote=" V. CJUE, 14 déc. 2021, aff. C490/2. – R. Legendre, &lt;em&gt;Filiation internationale, quelles perspectives en droit européen : AJF&lt;/em&gt; 2023, p. 73.">1072</sup>. Pour la Cour, un tel refus porte une atteinte disproportionnée à la liberté de circulation.

– Une proposition de règlement européen 1073 . – « Si vous êtes parents dans un pays, vous êtes parents dans tous les pays »1074. La Commission européenne a présenté le 7 décembre 2022 une proposition de règlement européen relatif à la compétence, à la loi applicable, à la reconnaissance des décisions, à l'acceptation des actes authentiques en matière de filiation et la création d'un certificat européen de filiation. Ce sujet reste très sensible en raison de la conception que chaque pays peut avoir de la famille ; certains étant très hostiles tant à la famille homoparentale qu'au recours, par exemple, à la gestation pour autrui.
– Un projet de Code français de droit international privé 1075 . – A été remis à la Chancellerie, le 31 mars 2022, un projet de Code français de droit international privé, lequel contient des dispositions relatives à la filiation. Elles s'appliqueraient aux situations présentant un élément d'extranéité et qui seraient hors du champ d'application du droit de l'Union européenne et des conventions internationales1076. Ce Code français de droit international privé est toujours à « l'état de projet » à ce jour1077.