Les effets de la reconnaissance conjointe anticipée

Les effets de la reconnaissance conjointe anticipée

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– La finalité de la RCA. – En ouvrant l'AMP aux couples de femmes, l'un des objectifs du législateur était de leur permettre de devenir légalement les deux mères de l'enfant issu de l'AMP exogène « de la même façon et dans le même trait de temps afin que l'une ne soit pas, davantage que l'autre ou l'une avant l'autre, considérée comme parent de l'enfant »1047. La RCA est remise à l'officier d'état civil, dès la naissance de l'enfant, qui la porte dans l'acte de naissance. Elle permet d'établir la filiation pour les deux mères en même temps, c'est-à-dire lors de la naissance de l'enfant1048.
– Le décès de la mère ne portant pas l'enfant survenu avant la naissance. – Le décès de la mère n'ayant pas porté l'enfant survenu avant la naissance de celui-ci ne constitue pas un obstacle à l'établissement de la filiation à son égard pour deux raisons. D'une part, la RCA peut être remise par l'une des deux femmes ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance. Il n'y a aucune obligation que cet acte soit remis par la mère n'ayant pas accouché. D'autre part, il s'agit d'une reconnaissance anticipée faite par les deux membres du couple sans précision sur l'identité de la mère qui portera l'enfant. Dès lors que l'AMP exogène est réalisée du vivant des deux membres du couple1049, la RCA remise à l'officier d'état civil établit nécessairement la maternité à l'égard de la mère qui n'a pas accouché, et ce, même si cette dernière y faisait volontairement obstacle à la naissance de l'enfant. Son décès avant la naissance de l'enfant n'empêche donc pas l'établissement de la filiation à son égard.
– Un acte irrévocable et non privé d'effet. – Contrairement à l'acte de consentement à l'AMP, la reconnaissance conjointe est irrévocable et ne peut pas être privée d'effet. Elle établit la maternité de celle qui fait obstacle à la RCA qui engage alors sa responsabilité1050.
– Une dissociation pour l'établissement des filiations maternelles. – Même si la reconnaissance est établie de façon conjointe par les deux femmes, elle ne produit finalement ses effets qu'à l'égard de celle qui n'a pas accouché. Pour la mère qui a accouché de l'enfant, le lien de filiation reste établi par sa désignation dans l'acte de naissance.
– Conséquences sur la dévolution du nom. – Lorsque la filiation est établie dans les conditions prévues à l'article 342-11 du Code civil par reconnaissance conjointe, les femmes qui y sont désignées choisissent le nom de famille qui est dévolu à l'enfant1051. La double filiation maternelle étant établie au jour de la naissance, le choix du nom de l'enfant a lieu au plus tard au moment de la déclaration de naissance. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier d'état civil sur le choix du nom de l'enfant, ce dernier prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille de chacune d'elles, accolés selon l'ordre alphabétique1052.
En cas de choix du nom lors de la déclaration de naissance En cas d'absence de choix lors de la déclaration de naissance
• Soit le nom de l'une d'elles.L'enfant portera le nom de chacune d'elles.
Le nom précédemment dévolu ou choisi pour l'enfant commun s'applique à l'ensemble de la fratrie.
– Conséquences sur l'autorité parentale. – Selon l'article 372 du Code civil, « l'autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l'article 342-11 du Code civil », c'est-à-dire en cas de RCA. Ainsi, pour les enfants nés d'une AMP exogène réalisée depuis le 4 août 2021, l'autorité parentale s'exerce bien conjointement par les deux mères. En revanche, seule la mère ayant accouché sera investie de l'exercice de celle-ci dans l'hypothèse où la mention de la RCA serait apposée à la demande du procureur de la République. Il s'agit de l'hypothèse où la femme qui, après avoir consenti à l'AMP mais n'ayant pas accouché, a fait obstacle à la remise à l'officier de l'état civil de la reconnaissance conjointe1053.

Reconnaissance conjointe et autorité parentale

– Une mesure temporaire dite de « rattrapage ». Lors des travaux préparatoires de la loi bioéthique du 2 août 2021, il a été constaté que « deux à trois mille femmes françaises » passaient « les frontières chaque année pour accéder aux techniques d'assistance médicale à la procréation »1054. Pour celles ayant réalisé une AMP à l'étranger, l'adoption demeurait le seul outil juridique permettant de créer un lien de filiation avec la femme qui n'avait pas accouché. Conscient des difficultés afférentes à la procédure d'adoption, laquelle est longue, coûteuse et éprouvante, le législateur a instauré, dans la loi du 2 août 2021, une mesure dite de « rattrapage ». Le IV de l'article 6 de ladite loi prévoyait que pendant trois ans à compter de sa publication, soit à partir du 3 août 2021, le couple de femmes qui avait eu recours à une AMP à l'étranger avant cette date pouvait faire, par-devant notaire, une reconnaissance conjointe de l'enfant dont la filiation n'était établie qu'à l'égard de la femme qui avait accouché. Cette mesure temporaire de trois ans permettait d'établir la filiation à l'égard de l'autre femme qui n'avait pas accouché mais qui avait participé au projet parental, et ce, sans recourir à l'adoption. Elle a pris fin le 3 août 2024.
– Conséquences de la reconnaissance conjointe a posteriori sur l'autorité parentale. La loi bioéthique n'a prévu aucune règle spécifique quant à l'autorité parentale en cas de reconnaissance conjointe a posteriori mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant. Or, selon l'article 372, alinéa 2, du Code civil, « lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un [des parents] plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale ». En conséquence, les deux mères exercent en commun l'autorité parentale si le second lien de filiation a été établi moins d'un an après la naissance de l'enfant. À défaut, seule la femme ayant accouché l'exercera à l'égard de l'enfant. L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe adressée par les deux mères au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales1055. Si aucune obligation d'information relative à l'exercice de l'autorité parentale ne semblait peser sur le procureur de la République à l'égard des deux femmes, il a été indiqué que « le notaire [avait] tout intérêt à rappeler ces règles juridiques dans l'acte de reconnaissance conjointe a posteriori surtout lorsque la signature de celui-ci [intervenait] quelques semaines avant les douze mois de l'enfant »1056. En présence d'un couple de femmes dont la filiation a été établie à l'égard de la mère n'ayant pas accouché par une reconnaissance conjointe a posteriori après les douze mois de l'enfant1057, il est recommandé au notaire, si celui-ci est consulté, d'interroger les deux mères pour savoir si une déclaration conjointe a bien été adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou si une décision a été rendue par le juge aux affaires familiales relativement à l'exercice de l'autorité parentale. À défaut, il devra les informer dans le cadre de son devoir de conseil.