La prise en charge de l'enfant par les tiers

La prise en charge de l'enfant par les tiers

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Filiation et autorité parentale. – Selon l'article 371-1 du Code civil, « l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant ». Elle est une « fonction » qui n'appartient qu'aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de leur enfant. L'autorité parentale est l'une des conséquences directes de la filiation. Dès que le lien de filiation est établi à l'égard du ou des deux parents, ces derniers sont automatiquement titulaires de l'autorité parentale. Néanmoins, il convient de distinguer entre titularité et exercice de l'autorité parentale.
– Distinction entre titularité et exercice. – Si un parent est seul titulaire de l'autorité parentale, il l'exerce seul. Lorsque les deux parents sont titulaires de l'autorité parentale, l'article 372 du Code civil pose un principe d'exercice en commun de celle-ci1483. Cependant, il est des cas où l'autorité parentale ne sera exercée que par un seul d'entre eux. Tout d'abord, l'article 372, alinéa 2, du Code civil prévoit que « lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale ». Cet exercice de l'autorité parentale par l'un des parents n'est évidemment pas définitif. Les deux parents peuvent en effet adresser une déclaration conjointe au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire pour permettre un exercice en commun de cette autorité parentale1484. À défaut de déclaration conjointe, le parent qui souhaite exercer l'autorité parentale conjointement avec l'autre peut saisir le juge aux affaires familiales qui pourra rendre une décision en ce sens1485. Par ailleurs, selon l'article 373 du Code civil, « est privé de l'exercice de l'autorité parentale le père ou la mère qui est hors d'état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause ». De même, si l'article 373-2 du Code civil rappelle que « la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale »1486, le juge peut toutefois décider de confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux si l'intérêt de l'enfant le commande1487. Enfin, dans des cas graves visés aux articles 378 et 378-1 du Code civil, le ou les parents peuvent se voir retirer l'exercice de l'autorité parentale, si ce n'est l'autorité elle-même. L'exercice peut également être suspendu de plein droit jusqu'à la décision du juge pour le parent « poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l'autre parent »1488.
– Le rôle des parents. – En application de l'article 371-1 du Code civil, les parents doivent protéger leur enfant « dans sa sécurité, sa santé et sa moralité ». Ils sont tenus de répondre à ses besoins matériels et moraux. À ce titre, ils ont l'obligation de le nourrir, de l'habiller, de solliciter tout acte médical ou intervention chirurgicale nécessaires1489, de veiller à ses relations, etc. Les parents doivent également « assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Ils l'accompagnent dans son développement physique, moral et intellectuel et doivent lui « apporter tout ce qui est nécessaire pour qu'il devienne un adulte accompli, intellectuellement, économiquement, juridiquement… »1490. Les parents ont aussi le pouvoir de fixer la résidence de l'enfant qu'il ne peut quitter sans permission1491. Cette autorité parentale doit être exercée par le parent unique ou les deux parents « sans violences physiques ou psychologiques », en associant l'enfant « aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité »1492.
– Distinction entre les actes usuels et les actes graves. – Si les parents doivent prendre ensemble toutes les décisions relatives à l'enfant1493, l'article 372-2 du Code civil énonce qu'à « l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ». Si un parent est présumé avoir l'accord de l'autre pour réaliser un acte usuel, il ne l'a pas pour un acte grave de sorte que les deux parents doivent agir ensemble. En posant cette présomption, le législateur n'a pas pour autant défini l'acte usuel1494. La cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans une décision du 28 octobre 2011, a tenté de définir les actes usuels comme des « actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n'engagent pas l'avenir de l'enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l'enfant, ou encore, même s'ils revêtent un caractère important, des actes s'inscrivant dans une pratique antérieure non contestée »1495. Par une lecture a contrario, les actes non usuels seraient ceux qui engagent l'avenir de l'enfant ou qui présentent un risque grave apparent pour celui-ci ou qui ne s'inscrivent pas dans une pratique antérieure1496. En cas de désaccord entre les parents, il revient au juge aux affaires familiales de se prononcer.
– Plan. – Dans certaines configurations familiales, des tiers peuvent jouer un rôle important dans la vie d'un enfant en prenant en charge son éducation et son entretien aux côtés du ou des parents. Toutefois, comme il n'est pas toujours opportun ou possible d'établir un lien de filiation avec ces tiers – ces derniers peuvent d'ailleurs ne pas y songer –, il convient d'envisager d'autres moyens pour formaliser cette prise en charge. Bien que l'autorité parentale appartienne exclusivement aux parents de l'enfant, il est tout à fait possible d'aménager son exercice au profit de tiers sans pour autant porter atteinte au principe d'indisponibilité de celle-ci posé à l'article 376 du Code civil. Il convient d'examiner tout d'abord les outils juridiques proposés par la loi pour l'exercice de l'autorité parentale par les tiers (Chapitre I), pour analyser ensuite leurs conséquences (Chapitre II).
L'aménagement de l'exercice de l'autorité parentale au profit des tiers
– Un principe d'indisponibilité de l'autorité parentale. – L'autorité parentale fait partie de l'état des personnes. Elle est d'ordre public et échappe par conséquent à la volonté des parents. Selon l'article 376 du Code civil, « aucune renonciation, aucune cession portant sur l'autorité parentale, ne peut avoir d'effet, si ce n'est en vertu d'un jugement » dans des cas expressément prévus par la loi. De même, l'article 1388 du Code civil interdit aux époux de déroger aux devoirs et aux droits qui résultent de l'autorité parentale.
Les conséquences de la prise en charge par les tiers
– Plan. – Il convient de s'interroger sur les droits et devoirs des tiers à l'égard de l'enfant de leur conjoint, partenaire ou concubin tant au cours de l'union (Section I) que lors de la fin du couple (Section II).