Transmission des parts sociales en présence d'une « clause de désignation de successeur »

Transmission des parts sociales en présence d'une « clause de désignation de successeur »

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– « Choisir les siens » en société civile. – La nécessité de préserver le fort intuitus personae qui caractérise les sociétés civiles a conduit le législateur à permettre, en matière de transmission de parts sociales par décès, des stipulations tout à fait originales, qui ne sont pas toujours suffisamment mises à profit par la pratique. Le troisième alinéa de l'article 1870 du Code civil dispose ainsi qu'« il peut (…) être convenu que la société continuera soit avec le conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne désignée par les statuts ou, si ceux-ci l'autorisent, par disposition testamentaire ».
Ce que nous appellerons ici la « clause de désignation de successeur » permet de choisir le ou les nouveaux titulaires des parts de l'associé décédé. Il s'agit en réalité d'une variante de la clause de continuation évoquée plus haut1034, qui présente toutefois la particularité d'opérer une sélection parmi les continuateurs de la personne du défunt. S'il peut s'agir du conjoint survivant ou d'un ou plusieurs héritiers, cette sélection peut même conduire à voir les parts se transmettre en dehors du cercle des successeurs proprement dit puisque la loi vise « toute autre personne »1035.
– Intérêt pratique. – L'intérêt de la « clause de désignation de successeur » est double. Positivement, il s'agit de choisir la ou les personnes les plus aptes à succéder à l'associé décédé. Cette faculté s'avérera particulièrement utile dans les sociétés civiles ayant un objet dont la réalisation fait appel à des compétences particulières ou nécessite une forme d'engagement en faveur du projet sociétaire. On pense, par exemple, à une société constituée en vue de la mise en valeur d'un monument historique. Négativement, la « clause de désignation de successeur » va permettre d'écarter les héritiers « non désirables »1036, donc de limiter le risque de voir la société en proie à un conflit interne suite au décès d'un associé. Cette faculté pourrait, par exemple, être utilisée pour éviter une confrontation entre le conjoint survivant et les enfants non communs.
– Originalité du régime. – La « clause de désignation de successeur » est soumise à un régime juridique original, en ce sens qu'il connaît plusieurs variantes tant en ce qui concerne les modalités (Section I) que les effets de la désignation (Section II).
Modalités de la désignation
– Deux variantes possibles. – Le législateur pousse ici particulièrement loin la liberté de « choisir les siens », en prévoyant deux modalités bien distinctes de désignation des successeurs. Le choix peut en effet être opéré dans les statuts (§ I), mais il peut également s'effectuer par testament (§ II).
Effets de la désignation
– Deux variantes possibles. – La « clause de désignation de successeur » peut se concevoir seule ou combinée avec une clause d'agrément. Dans le premier cas, les associés survivants n'ont pas leur mot à dire ; dans le second cas, ils ont le dernier mot. Étudions les effets de la clause de désignation de successeur en l'absence de clause d'agrément (§ I) et en présence d'une clause d'agrément (§ II).