Le tiers donneur dans l'AMP

Le tiers donneur dans l'AMP

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Gratuité et anonymat du don. – Dès 1973, les médecins ont imposé, au sein des CECOS1078, le principe du don de gamètes pour la réalisation d'une AMP nécessitant l'intervention d'un tiers donneur1079. S'agissant d'un don, celui-ci est gratuit. Il permet d'éviter toute marchandisation du corps humain ainsi que tout risque de trafic. Ce principe de gratuité a eu pour corollaire celui de l'anonymat. Celui-ci s'est imposé comme une évidence par référence au modèle du don de sang et d'organes, même si sa finalité est différente1080. Cette règle a favorisé les dons. Elle garantit aussi la paix de toutes les familles : celle des receveurs comme celle des donneurs. Par ailleurs, les principes d'anonymat et de gratuité visent aussi « à garantir l'égalité de tous les couples demandeurs devant le don, qu'il s'agisse de la rapidité à son accès ou, entre guillemets, de sa qualité »1081. Les parents ne peuvent donc pas choisir leur donneur selon des caractéristiques physiques ou intellectuelles, ni faire appel à un donneur connu1082. Toute pression est ainsi évitée.
– Deux principes inscrits dans le Code civil. – Ces principes de gratuité et d'anonymat issus de la pratique médicale ont été repris en 1994 dans deux articles du Code civil1083. Tout d'abord, a été créé l'article 16-6 relatif à la gratuité du don. En ouvrant l'AMP avec tiers donneur aux couples de femmes et à la femme non mariée, le législateur avait conscience de l'impact sur les délais d'attente pour mettre en œuvre une AMP en raison de la possible pénurie de gamètes1084. Si plusieurs pistes ont été évoquées pour augmenter le stock des gamètes, il n'a pas été envisagé de rémunérer le don, car cela aurait eu pour conséquence de remettre en cause, par la suite, le principe de gratuité pour les autres éléments du corps humain dont les organes. Par ailleurs, a également été intégré un article 16-8 du Code civil relatif à l'anonymat du don. Il est absolu entre le donneur et le receveur. Le donneur ne peut pas connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. La divulgation de données même non identifiantes est également interdite. Le non-respect de l'anonymat est sanctionné pénalement1085. Néanmoins, des exceptions sont admises au profit de l'équipe médicale. En effet, « en cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l'identification de ceux-ci »1086.
– Une interdiction de divulguer les données personnelles d'un donneur jugée compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme. – Ce qui s'est toutefois imposé à l'origine comme une évidence a été progressivement remis en cause lorsque les premiers enfants conçus par AMP avec tiers donneur ont atteint l'âge adulte. Certains ont souhaité avoir accès, lorsqu'ils avaient connaissance des modalités de leur conception, à des informations qu'ils estimaient indispensables à la construction de leur identité1087. Ils ont alors saisi les tribunaux pour les obtenir, mais les juges français n'y ont pas répondu favorablement. Même si la Cour européenne des droits de l'homme considère l'accès aux origines comme un élément du droit au respect de la vie privée prévu à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme1088, le Conseil d'État a estimé, dans un avis rendu le 13 juin 2013, que l'interdiction posée par le législateur de divulguer toute information sur les données personnelles d'un donneur de gamètes n'était pas incompatible avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales1089. Cette position a été maintenue par la suite1090.
– La consécration de l'accès aux origines. – La loi no 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a modifié les règles concernant l'accès aux origines personnelles pour les enfants issus d'une AMP nécessitant l'intervention d'un ou de deux tiers donneurs1091. Si le principe de l'anonymat posé aux articles 16-8 du Code civil et L. 1211-5 du Code de la santé publique persiste entre donneurs et receveurs, a été consacré, à l'article 16-8-1 du Code civil, pour les enfants issus d'une telle technique, un droit d'accès, à leur majorité s'ils le souhaitent, aux données non identifiantes ou à l'identité du tiers donneur1092.
– Le rôle du notaire. – Depuis le 4 août 2021, à l'occasion de l'acte de consentement visé à l'article 342-10 du Code civil, le notaire a l'obligation d'informer les bénéficiaires de l'AMP des conditions dans lesquelles l'enfant pourra, s'il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur. L'acte de consentement doit d'ailleurs mentionner que cette information a été donnée. Les conditions de mise en œuvre du droit d'accès aux origines ne sont pas si simples en pratique et doivent être connues du notaire pour répondre aux éventuelles interrogations des clients.
– Un régime différent selon la date du don. – Pour l'accès aux données non identifiantes du tiers donneur ou à son identité, il convient de distinguer selon que le don de gamètes ou l'accueil d'embryons a été réalisé à compter du 1er septembre 2022 ou avant cette date. Il sera abordé, dans un premier temps, les conditions relatives au consentement du tiers donneur selon la date de son don, ce qui entraîne des conséquences pour l'enfant issu d'une AMP exogène sur l'accès à ses origines (Section I). Dans un second temps, il sera rappelé que l'accès aux origines est sans effet sur les règles d'établissement de la filiation et qu'à ce titre, aucun lien de filiation ne peut, en principe, être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu d'une AMP exogène (Section II)1093.
La nécessité d'un consentement du tiers donneur
– Plan. – Depuis le 1er septembre 2022, le consentement du tiers donneur est indispensable et doit intervenir préalablement au don. On aurait alors pu penser que tout enfant conçu par AMP depuis cette même date aurait la possibilité d'accéder à ses origines. Or, il n'en est rien dans la mesure où l'équipe médicale avait l'obligation, jusqu'au 30 mars 2025, d'attribuer en priorité les gamètes donnés ou les embryons proposés à l'accueil avant le 1er septembre 2022.
L'impossibilité d'établir un lien de filiation à l'égard du tiers donneur
– Plan. – Le Code civil a consacré une interdiction absolue d'établir un lien de filiation entre le tiers donneur et l'enfant (Sous-section I) laquelle peut, néanmoins, être contournée par une éventuelle adoption simple (Sous-section II).