Un consentement a posteriori pour les dons réalisés avant le 1er septembre 2022

Un consentement a posteriori pour les dons réalisés avant le 1er septembre 2022

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Une absence de consentement au moment du don. – Pour le don de gamètes et d'embryons réalisé avant le 1er septembre 2022, les tiers n'ont pas donné, lors de celui-ci, leur consentement exprès à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité aux personnes majeures issues d'une AMP. Et pour cause, le droit d'accès aux origines n'existait pas encore. Or, avec sa consécration par la loi du 2 août 2021, le législateur a été contraint de concilier plusieurs intérêts en présence : la protection des tiers donneurs en leur garantissant leur anonymat, les intérêts des enfants en leur permettant d'accéder à leurs origines personnelles, ainsi que ceux des parents légaux qui n'envisagent pas, pour certains, de révéler le recours au don pour préserver la paix et la tranquillité dans leur famille. C'est pourquoi a été mis en place un processus permettant de solliciter et de recueillir, a posteriori, le consentement du donneur pour les dons réalisés avant le 1er septembre 20221106.
– En cas de consentement a posteriori du tiers donneur. – Tout d'abord, le tiers donneur peut, à tout moment et sur sa propre initiative, s'adresser à la CAPADD afin de consentir auprès de celle-ci à la communication de son identité et de ses données non identifiantes1107. Ce consentement est exprimé par le tiers donneur sans savoir si ses gamètes ont été ou non déjà utilisés et s'ils ont permis de donner naissance à un enfant. Le tiers donneur a également la possibilité d'exprimer ce consentement auprès de la commission après avoir été contacté par celle-ci dans le cadre d'une demande formulée par une personne majeure issue d'une AMP exogène. Le tiers donneur est alors averti que son don a permis la naissance d'un ou plusieurs enfants. La communication de cette information peut avoir un impact psychologique sur lui. Dans les deux cas, la commission recueille ce consentement par écrit. À cette occasion, l'auteur du don est informé que son consentement vaut pour l'ensemble des demandes d'accès formulées par les personnes majeures conçues à partir de ses gamètes ou de ses embryons et qu'il n'est pas révocable. Le tiers donneur doit alors communiquer, dans un délai de trois mois après le recueil du consentement, ses données non identifiantes et celles relatives à son identité à un établissement de santé afin qu'elles soient portées dans le « Registre des dons de gamètes et d'embryons » tenu par l'Agence de la biomédecine. Si le donneur était en couple au moment où il souhaitait réaliser un don, le consentement de l'autre membre était obligatoire1108. Sans celui-ci, le don ne pouvait pas être effectué. Cette obligation a été supprimée par la loi du 2 août 2021. Dans le cadre de l'obtention a posteriori du consentement, seul celui du donneur semble suffire. Il ne serait donc pas nécessaire d'obtenir celui de l'autre membre du couple même si à l'époque, son consentement était requis pour la réalisation du don1109. Par ailleurs, le donneur ne peut pas conditionner son consentement à l'obtention de l'identité du demandeur. Il lui est également interdit de demander à connaître l'identité des enfants conçus grâce à son don.
– En cas d'absence de consentement du tiers donneur. – L'auteur du don est bien évidemment en droit de refuser expressément de communiquer ses données à la CAPADD. Il peut aussi s'abstenir de répondre à la sollicitation de la commission. Par suite, la communication des données non identifiantes et de l'identité du tiers donneur étant « subordonnée au consentement de ce dernier »1110, aucune information ne sera transmise à la personne issue de l'AMP exogène1111. Le refus ou l'abstention sont d'autant plus lourds de conséquences que la personne issue du don à l'origine de la demande ne peut pas la renouveler1112. Le donneur ne peut donc pas faire l'objet de demandes répétées émanant d'une même personne. Toutefois, les gamètes d'un même donneur pouvant conduire jusqu'à dix naissances, chaque enfant issu du don pourra effectuer une telle demande1113. Un tiers donneur peut donc « être sollicité de manière répétée par la commission pour des demandes émanant de personnes différentes »1114, d'autant qu'il ne lui est pas possible de prendre attache avec la CAPADD pour refuser préventivement d'être contacté1115.
– Décès du tiers donneur. – Si le décès du tiers donneur est sans incidence sur la communication de ses données non identifiantes et de celles relatives à son identité à la personne qui en ferait la demande lorsque le don a été réalisé à compter du 1er septembre 2022, aucune disposition particulière n'a été prévue pour les dons réalisés avant cette date. Dans la mesure où la communication de telles données est conditionnée à l'accord exprès du donneur, son décès ne peut pas permettre leur transmission lorsque celui-ci intervient après un refus catégorique. Cette solution devrait également être retenue si l'auteur du don a gardé le silence. Les données ne devraient pas davantage être remises à la personne issue de l'AMP si le tiers est décédé avant qu'il se soit manifesté auprès de la CAPADD, volontairement ou sur demande de cette dernière.
Aux termes d'une décision rendue le 7 septembre 2023 relative à l'accès aux origines pour un don réalisé avant le 1er septembre 20221116, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que le législateur français n'a pas violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le droit au respect de la vie privée en subordonnant l'accès aux données personnelles du tiers donneur à son consentement. Un auteur s'est interrogé sur le fait de savoir si le droit à la tranquillité du donneur devait être préservé après son décès et si le législateur n'aurait pas pu envisager les choses autrement en se référant aux règles posées en matière d'accouchement sous le secret1117. La femme qui demande à accoucher sous le secret, informée de l'importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire, « est (…) invitée à laisser, si elle l'accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son identité »1118. Il lui est indiqué qu'elle peut lever le secret de son identité à tout moment et qu'à défaut, son identité ne pourra être communiquée à l'enfant né dans le secret que dans les conditions prévues par la loi1119. À ce titre, le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) peut communiquer son identité à l'enfant demandeur s'il dispose déjà d'une déclaration expresse en ce sens. À défaut, il est tenu de se rapprocher de la mère de naissance – et du père de naissance le cas échéant – pour obtenir leur accord pour la transmission de leur identité. Lorsque les parents de naissance sont décédés, le secret de leur identité est levé sauf opposition expresse de leur part faite lors d'une demande d'accès aux origines. Si aucune opposition n'a eu lieu, soit parce que les parents de naissance n'ont pas été interrogés par le CNAOP de leur vivant, soit parce qu'ils n'ont pas refusé expressément la transmission de leur identité après leur mort lorsqu'ils ont été sollicités, l'identité pourra alors être révélée à la personne qui en fera la demande. Par suite, c'est uniquement lorsque le parent de naissance aura exprimé un refus de son vivant que celui-ci pourra être pris en considération. L'auteur conclut que « d'autres voies existaient donc bel et bien et il n'est certainement pas aisé de justifier que le droit français accorde plus d'importance à la volonté de certains défunts, dans l'accès aux origines ». Ce n'est pas la position prise par la Cour européenne des droits de l'homme qui a considéré que « la décision du législateur procède du souci de respecter les situations nées sous l'empire de textes antérieurs » et qu'elle « ne voit pas comment il aurait pu régler la situation différemment ». Quant au Conseil d'État, il a précisé, par une décision du 25 juillet 2024, que lorsque le tiers donneur est décédé au moment de la demande formulée auprès de la CAPADD, cette dernière ne peut pas y donner suite faute de pouvoir recueillir son consentement. Il considère que « les dispositions en cause, justifiées par la protection de la vie privée du donneur et, après son décès, de celle de sa famille, ne portent (…) pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ou au droit de mener une vie familiale normale de la personne née du don, non plus qu'à l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ». En ouvrant la possibilité aux tiers donneurs de lever l'anonymat au bénéfice des personnes nées de leur don alors que celui-ci leur était absolument garanti par la loi au moment de sa réalisation, le législateur a dû trouver un équilibre entre le droit au respect de la vie privée du tiers donneur – et de sa famille – et l'intérêt supérieur de l'enfant de connaître ses origines personnelles. Les hauts magistrats ont tranché en faveur des donneurs1120.
– Consentement pour la transmission des données et personnes sous protection. – Si le donneur fait l'objet d'une mesure de protection, son consentement pour la transmission de son identité et de ses données non identifiantes doit être considéré comme un acte strictement personnel. En conséquence, l'accomplissement de celui-ci ne peut jamais donner lieu à assistance ou à représentation de la personne protégée en application de l'article 458 du Code civil.
– Conséquences sur l'accès aux origines. – Si le tiers donneur a consenti volontairement ou après avoir été sollicité par la CAPADD à la communication de ses données non identifiantes et à celles relatives à son identité, la personne issue de l'AMP exogène pourra obtenir ces informations délivrées par la commission. En revanche, lorsque le tiers donneur n'a pas pu être retrouvé par la CAPADD, lorsqu'il ne répond pas à sa sollicitation ou encore quand il refuse catégoriquement de consentir à la communication de ses données, la commission est tenue d'indiquer à la personne issue de l'AMP exogène qu'aucune suite ne peut être donnée à sa demande. En conséquence, il lui est impossible d'accéder à ses origines personnelles malgré la consécration de ce droit par la loi.
– Sort des gamètes et des embryons donnés avant le 1er septembre 2022 1121 . –
En conséquence, les personnes conçues par AMP exogène depuis le 1er septembre 2022 avec des gamètes ou embryons donnés avant cette date ne sont pas certaines d'accéder à leur majorité à leurs origines personnelles si le tiers donneur refuse de donner son consentement ou s'abstient de répondre à la CAPADD. Cette destruction tardive de l'ancien stock de gamètes et d'embryons s'explique par le souhait du législateur d'éviter l'allongement de la réalisation d'une AMP exogène en raison de l'ouverture de celle-ci à un public plus large en attendant de constituer au plus vite un nouveau stock qui permettra aux personnes issues d'une AMP d'accéder, de façon certaine, à leurs origines personnelles1122.

Précautions rédactionnelles dans l'acte de consentement eu égard à l'accès aux origines

Dans la mesure où l'AMP peut être pratiquée en France ou à l'étranger, le notaire doit informer les bénéficiaires de l'AMP que leur enfant ne pourra pas toujours accéder à ses origines selon le pays où celle-ci sera réalisée. En effet, certaines législations étrangères n'autorisent pas l'accès aux origines1123.

Obligations pour les établissements et organismes de santé

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– L'accès aux origines n'est pas un droit à la rencontre. – Le droit d'accès aux données relatives à l'identité du tiers donneur ne constitue pas un droit à la rencontre. Il s'agit uniquement « d'un droit à la connaissance de l'information ». Par conséquent, « il n'ouvre pas un droit à contacter le tiers donneur ou à s'immiscer dans la famille de celui-ci (et inversement pour le donneur) »1124. La personne issue du don, comme le tiers donneur, a d'ailleurs la possibilité d'invoquer l'article 9 du Code civil relatif au respect de la vie privée pour se protéger. Néanmoins, les membres de la CAPADD s'interrogent sur le « rôle éventuel que pourrait jouer la commission sur la mise en relation du demandeur et du donneur »1125. Cette réflexion fait écho au rôle du CNAOP dans le cadre de l'accouchement dans le secret1126. Si la mère (et/ou le père le cas échéant) de naissance accepte expressément la levée de son identité au profit de l'enfant né sous le secret, le CNAOP peut faciliter leur rencontre s'ils sont demandeurs. Toutefois, la situation de la mère de naissance ayant accouché sous le secret n'est pas tout à fait comparable avec celle du tiers donneur. Cette dernière sait qu'elle a eu un enfant et qu'elle aura la possibilité, un jour, si elle le souhaite, de lever le secret de son admission. Elle peut ressentir le besoin de rencontrer cet enfant qu'elle a mis au monde, si bien évidemment celui-ci est d'accord1127. Pour le tiers donneur, il ne peut pas savoir si son don a permis la naissance d'un ou plusieurs enfants. Il l'a réalisé librement dans le seul but d'aider d'autres personnes à devenir parents. Parce que le don est un acte volontaire et altruiste, l'accès aux origines ne devrait pas, en principe, déboucher sur une rencontre entre le tiers donneur et l'enfant issu de l'AMP. Cependant, en raison de la complexité des sentiments et des relations humaines, il convient d'anticiper la possibilité de telles demandes1128. Enfin, des auteurs s'interrogent sur la place de ces personnes qui ont participé au projet parental d'autrui.