Le choix du régime des biens
Le choix du régime des biens
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Le rôle du notaire. – Les futurs partenaires doivent également choisir, dans le cadre de leur convention de Pacs, le régime applicable à leurs biens. Le notaire a un rôle essentiel pour les conseiller sur celui-ci selon leurs aspirations et leur situation familiale, professionnelle et patrimoniale.
– L'ancien régime de la double présomption d'indivision. – Lors de la création du Pacs, le législateur avait mis en place un régime unique, celui de la double présomption d'indivision, lequel ne souffrait d'aucun aménagement conventionnel ab initio excepté pour les meubles meublants602. Aujourd'hui le notaire est encore amené à rencontrer ce régime juridique puisque les Pacs conclus avant le 1er janvier 2007 – pour lesquels les partenaires n'ont procédé à aucune modification – demeurent applicables.
– Un choix désormais offert aux partenaires. – Devant les critiques non dissimulées de la doctrine sur ce régime, le législateur a opéré, avec la loi du 23 juin 2006, une véritable refonte du Pacs603. Il a offert aux partenaires, lors de la conclusion du contrat ou de sa modification, un choix entre une séparation de biens – également appelée séparation des patrimoines – ou un régime d'indivision – également appelé indivision d'acquêts ou indivision pacsimoniale604.
– Un choix obscur. – En pratique, il apparaît que la décision prise par les partenaires quant au régime de leurs biens n'est pas toujours éclairée. En l'absence d'un professionnel du droit, le couple reproduit les textes du Code civil dans sa convention de Pacs sous signature privée, voire coche tout simplement une case de l'imprimé Cerfa. Les futurs partenaires n'ont pas conscience des conséquences attachées à leur décision. Or, le fonctionnement des deux régimes offerts par la loi diffère fondamentalement et leurs règles restent méconnues pour bon nombre de partenaires.
– Une terminologie mal appréhendée. – La terminologie employée pour désigner les régimes pacsimoniaux peut également porter à confusion et altérer la compréhension des partenaires. La convention type de Pacs mise à disposition sur le site du service public offre une option entre « le régime légal de la séparation des patrimoines » et « le régime de l'indivision des biens [qui seront acquis] ensemble ou séparément, à partir de l'enregistrement du Pacs ». Ce terme « indivision » laisse à penser que ce régime de l'indivision d'acquêts renvoie tout simplement au droit commun de l'indivision, ce qui n'est absolument pas le cas. Pour nombre de personnes, l'esprit communautaire du régime de l'indivision d'acquêts ne ressort pas suffisamment du titre. Par ailleurs, l'indivision peut également s'appliquer pour les partenaires soumis au régime de la séparation des patrimoines. En effet, rien ne leur interdit d'acquérir ensemble des biens, lesquels seront soumis, cette fois-ci, au droit commun de l'indivision605. La terminologie revêt ici une importance accrue dans la mesure où les partenaires peuvent être seuls face à leur choix s'ils n'ont pas pris l'attache d'un professionnel du droit. L'utilisation d'un autre vocable permettrait sans doute de mieux les guider lorsque le Pacs fait l'objet d'un acte sous signature privée. Par ailleurs, la proposition faite par un auteur de supprimer la possibilité, pour les futurs partenaires, d'opter pour le régime de l'indivision d'acquêts lors de la conclusion d'un Pacs sous signature privée, présenterait l'avantage d'une compréhension plus aisée du couple sur le fonctionnement de leur régime606.
– La séparation des patrimoines. – Selon l'article 515-5 du Code civil, les partenaires peuvent opter, lors de la conclusion du Pacs, pour le régime de la séparation des patrimoines. Ils sont alors soumis à un régime séparatiste607. Si le législateur n'a opéré aucun renvoi à la séparation de biens entre époux des articles 1536 et suivants du Code civil, l'article 515-5 du même code n'en repose pas moins sur l'indépendance des partenaires et des patrimoines, comme le régime séparatiste des époux. Ce régime est plébiscité par les partenaires. Son choix est souvent guidé par la profession des partenaires – ou leurs aspirations professionnelles – ou par la recomposition familiale en cas d'existence d'enfants issus de précédentes unions. Ce régime ne sera pas détaillé ici, ne posant pas de difficultés au praticien lors de la conclusion de la convention de Pacs. Il peut être résumé par la phrase « à chacun son bien, à chacun ses dettes »608. Chaque partenaire conserve en effet la propriété personnelle des biens dont il est propriétaire au jour de l'enregistrement du Pacs, ceux qu'il acquiert seul par la suite609, ainsi que ceux qu'il recueille, à titre gratuit, pendant la durée du Pacs. En outre, les partenaires engagent uniquement leur patrimoine personnel par les dettes qu'ils souscrivent seuls, excepté si ces dernières ont pour finalité les besoins de la vie courante ou si elles relèvent de la solidarité fiscale610. Lors de la conclusion du Pacs, le notaire rappellera aux futurs partenaires que des difficultés peuvent surgir quant à la preuve de la propriété d'un bien, laquelle peut être rapportée par tous moyens. À défaut de pouvoir justifier d'une propriété exclusive sur un bien, celui-ci est alors réputé appartenir indivisément aux partenaires pour moitié chacun611. L'anticipation est là encore source de sécurité. Il peut être judicieux, lors de la signature du contrat de Pacs, que le couple établisse un inventaire le plus précis possible des biens possédés par chacun d'eux612. Cette précaution évitera bien des déconvenues en particulier pour les meubles s'ils revêtent une importance pécuniaire ou affective. Par ailleurs, rien n'empêche de conseiller aux partenaires, en cours de Pacs, d'établir un acte à l'effet de reconnaître à l'un d'eux la propriété personnelle de certains biens. Il s'agira ainsi de constituer un moyen de preuve destiné à écarter les présomptions énoncées dans le contrat613. À ce titre, le notaire sera vigilant dans la rédaction de telles clauses pour s'assurer qu'elles correspondent bien à la volonté des futurs partenaires614. Enfin, si rien ne leur interdit de réaliser ensemble, pendant la durée du Pacs, diverses opérations – l'ouverture d'un compte bancaire joint, une acquisition en indivision ou la création d'une société… –, le notaire leur rappellera les dangers de fonctionner comme s'ils vivaient en communauté alors qu'ils ont opté pour un régime séparatiste. Ces opérations auront en effet un impact lors de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux à la dissolution du Pacs615.
– L'indivision d'acquêts. – Les partenaires qui ont un esprit plus « communautaire » peuvent opter pour le régime de l'indivision d'acquêts. Néanmoins, ce régime est souvent choisi par les partenaires en ignorant totalement son fonctionnement. Par ailleurs, quand ils consultent un notaire, ce dernier, en leur expliquant les difficultés et les lacunes de l'indivision d'acquêts, les oriente indubitablement vers le régime de la séparation des patrimoines. Pour expliquer ce phénomène, il sera tout d'abord abordé le régime juridique de l'indivision d'acquêts (Chapitre I). Puis se posera la question d'une éventuelle créativité notariale pour aménager celui-ci (Chapitre II).
Le régime juridique de l'indivision d'acquêts
– Plan. – Le périmètre de l'indivision d'acquêts (Section I) ainsi que le sort du passif (Section II) seront rappelés successivement.
Pour aller plus loin
Une créativité notariale limitée
– Plan. – Les difficultés liées à l'indivision d'acquêts se sont vite révélées au lendemain de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Certaines divisent la doctrine. Quant au notaire, il les contourne en proposant systématiquement aux futurs partenaires le régime de séparation des patrimoines.
Pour aller plus loin