La gestation pour autrui

La gestation pour autrui

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Une interdiction civile de la GPA en France. – La gestation pour autrui (GPA) est prohibée en France depuis la loi no 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain1145. Aux termes de l'article 16-7, « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». Ce texte est d'ordre public1146.
– Des sanctions pénales. – Des sanctions pénales ont aussi été prévues par le législateur notamment en cas de provocation tendant à abandonner un enfant né ou à naître1147. En revanche, n'est pas sanctionné pénalement, sur le territoire français, le fait de réaliser une GPA à l'étranger1148. En effet, la loi pénale française est applicable aux délits réalisés en France ainsi qu'aux « délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis »1149. En conséquence, les couples ou la personne seule ayant recours à la technique de la GPA n'encourent pas de sanction pénale en France dès lors qu'elle est réalisée dans un pays où celle-ci est autorisée, ou tout du moins tolérée1150.
– La conclusion d'une convention de GPA conformément au droit local. – En raison de la prohibition de la GPA en France, des Français – couples ou personnes seules – se rendent à l'étranger pour la réaliser. Une convention de GPA est alors conclue à l'étranger, conformément au droit local, entre des parents commanditaires, appelés également parents d'intention, et une femme, appelée la « mère porteuse », qui accepte de mener une grossesse pour leur compte et de leur remettre l'enfant à la naissance1151.
– L'établissement d'un acte de naissance étranger. – Après l'accouchement, un acte de naissance est établi à l'étranger pour l'enfant conformément au droit local. Celui-ci peut alors désigner, selon le pays où la GPA a été pratiquée, comme parents légaux :
  • le père d'intention – ou l'un des pères d'intention s'il s'agit d'un couple d'hommes – et la femme qui a accouché ;
  • le père d'intention uniquement – ou l'un des pères d'intention seul s'il s'agit d'un couple d'hommes ;
  • les deux parents d'intention, c'est-à-dire l'homme et la femme qui n'a pas accouché ou les deux hommes s'ils sont en couple.
Par ailleurs, une décision de justice étrangère peut également avoir été prononcée en amont ou en aval de la naissance de l'enfant, confirmant la filiation de celui-ci à l'égard de ses deux parents d'intention, que le couple soit de sexes différents ou de même sexe. Ils sont alors tous deux désignés, dans l'acte de naissance étranger de l'enfant, comme étant les parents légaux de celui-ci. De retour en France, s'est posée la question de la reconnaissance de la filiation des enfants nés d'une GPA effectuée à l'étranger1152. Toutefois, la réalisation d'une telle pratique, voire une simple suspicion de celle-ci, a empêché, pendant longtemps, toute reconnaissance en France d'un lien de filiation entre les parents d'intention et l'enfant.
– Refus de reconnaître en France les conséquences d'une GPA réalisée à l'étranger. – Avant même la loi no 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain ayant prohibé la pratique de la GPA en France1153, la Cour de cassation s'était refusée catégoriquement à faire produire sur le territoire national les effets d'une convention de GPA, que celle-ci ait été conclue en France ou à l'étranger. Elle considérait en effet que cette technique de procréation était un processus portant atteinte tant au principe de l'indisponibilité du corps humain – ce dernier est hors du commerce et ne doit pas pouvoir faire l'objet d'une convention – qu'à celui de l'état des personnes – il n'est pas possible pour un individu de disposer de sa personnalité juridique1154. Mais en raison des dérogations existantes au principe de l'indisponibilité du corps humain – don du sang, d'organes, de gamètes, d'embryons –, c'est finalement au nom du seul principe de l'indisponibilité des personnes que la Cour de cassation s'opposa, aux termes de trois arrêts rendus en date du 6 avril 2011, à la reconnaissance en France d'actes d'état civil établis à l'étranger pour des enfants issus d'une GPA1155. Même si la filiation était établie à l'égard des deux parents d'intention sur l'acte de naissance étranger de l'enfant en vertu d'une décision judiciaire étrangère, cette dernière contenait des dispositions qui, heurtant des principes essentiels du droit français, étaient contraires à l'ordre public international français de sorte que le lien de filiation ne pouvait pas être reconnu en France. Les hauts magistrats avaient par ailleurs pris soin de préciser que les enfants issus d'une GPA n'étaient pas privés pour autant de la filiation maternelle et paternelle que le droit étranger leur reconnaissait, ni n'étaient empêchés de vivre avec leurs parents d'intention en France1156. Puis, par deux arrêts du 13 septembre 20131157, suivis d'un arrêt du 19 mars 20141158, la Cour de cassation a fondé son refus de reconnaître en France les conséquences d'une GPA réalisée à l'étranger sur la notion de fraude à la loi française1159. En vertu de l'adage fraus omnia corrumpit, les personnes ayant eu recours à une convention de GPA à l'étranger ne pouvaient pas demander, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant et du respect de la vie privée et familiale, la régularisation de la situation en France notamment au regard de la filiation. Pour la Cour de cassation, « l'absence de reconnaissance de la filiation en France [était] en réalité le seul moyen de dissuader les couples d'aller à l'étranger pour éluder la prohibition du droit français »1160.
– Condamnation de la France par la Cour EDH. – Aux termes de deux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme en date du 26 juin 2014, le premier dans la célèbre affaire Mennesson 1161, le second dans l'affaire Labassée 1162, la France a été condamnée pour violation du droit au respect de la vie privée des enfants au titre de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales1163. La Cour a affirmé que « le respect à la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d'être humain, ce qui inclut sa filiation (…) »1164. En conséquence, la France a été contrainte de reconnaître la filiation établie à l'étranger d'un enfant conçu par GPA d'autant plus lorsque l'un des parents d'intention est le géniteur – le parent biologique – de l'enfant. La France a de nouveau été condamnée par la Cour européenne le 21 juillet 2016 dans les affaires Foulon et Bouvet 1165, puis le 19 janvier 2017 dans l'affaire Laborie 1166, sur le même fondement. Il a été relevé que « la Cour prend soin de ne pas traiter directement ou indirectement de la maternité d'intention. Ainsi, après avoir constaté qu'il était désormais possible pour le père d'établir sa filiation selon les règles du droit commun, elle se garde d'évoquer la filiation maternelle »1167.
– Le notaire et la GPA. – La GPA n'est plus un sujet tabou en France. Elle est même devenue une pratique courante pour les couples de personnes de sexe différent et les couples d'hommes qui désirent fonder une famille alors que la nature les en empêche. Ces derniers n'hésitent pas à informer tout naturellement le notaire, lors de la conclusion d'un contrat de mariage ou de Pacs, de leur souhait de réaliser une GPA à l'étranger tout en sachant que sa pratique est prohibée en France. Même si cette information est portée à la connaissance du notaire, ce dernier n'a pas à être consulté avant la mise en œuvre d'une GPA à l'étranger. Son statut d'officier public l'empêche de conseiller, en amont, des couples ou des personnes seules qui souhaitent réaliser une GPA à l'étranger1168. En revanche, il devient un professionnel du droit consulté lorsque l'enfant est né. En effet, ces couples sont souvent très inquiets au regard de leur situation même s'ils « ne rencontrent pas de difficulté particulière dans leur vie quotidienne » 1169. Si la filiation est généralement établie en France à l'égard de l'un des parents d'intention – le père d'intention est le plus souvent le père biologique de l'enfant1170 –, elle ne l'est pas nécessairement vis-à-vis de l'autre. Ce second parent d'intention n'est pas considéré, au regard du droit français, comme le parent légal de l'enfant, mais comme un tiers. Si le couple peut s'interroger sur les conséquences à venir de la transmission de leur patrimoine, leurs principales préoccupations ont trait à la volonté de reconnaître ou de créer le lien de filiation à l'égard du second parent d'intention afin de lui permettre d'exercer l'autorité parentale sur l'enfant et de maintenir, le cas échéant, des relations avec lui en cas de séparation du couple1171. Au demeurant, en attendant la reconnaissance – via la procédure d'exequatur – ou l'établissement de la filiation – via l'adoption – à l'égard du second parent d'intention, le parent légalement reconnu peut souhaiter prendre des dispositions, s'il venait à décéder, au profit de l'autre pour lui permettre de conserver la garde de l'enfant et de poursuivre l'entretien et l'éducation de celui-ci1172. Le notaire est ainsi confronté aux conséquences d'une GPA réalisée à l'étranger.
– Distinction. – À la suite des condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme en 2014, 2016 et 2017, la pratique qui consistait pour le ou les parents d'intention à demander la transcription de l'acte de naissance étranger de leur enfant sur les registres de l'état civil s'est accentuée. En raison de la position prise par la Cour de cassation au fil des années sur la transcription, le législateur y a porté un coup d'arrêt avec la loi du 2 août 2021. Les parents d'intention ont alors pris le parti de recourir à la procédure d'exequatur du jugement étranger lorsque celui-ci a été prononcé. Qu'il s'agisse de la transcription ou de l'exequatur, le notaire n'intervient pas. Néanmoins, il doit connaître ces deux mécanismes pour comprendre la situation dans laquelle se trouvent les clients lorsque ces derniers le sollicitent pour des conseils d'ordre patrimonial ou extrapatrimonial. Sera étudiée, en premier lieu, la transcription de l'acte de naissance étranger de l'enfant issu d'une GPA sur les registres de l'état civil français (Chapitre I), ce qui permettra, en second lieu, de comprendre les raisons pour lesquelles la procédure d'exequatur d'un jugement étranger, lorsque celui-ci est prononcé, est aujourd'hui privilégiée (Chapitre II). Néanmoins, lorsqu'une telle procédure n'est pas possible ou que l'exequatur est tout simplement refusé, le notaire est alors sollicité car seule la voie de l'adoption reste possible1173.
La transcription de l'acte de naissance étranger
– Plan. – Pour des raisons de simplicité et de rapidité, les personnes ayant mis en œuvre une GPA à l'étranger ont souhaité faire transcrire sur les registres de l'état civil français l'acte de naissance étranger de leur enfant. Avant d'aborder l'évolution de la jurisprudence ayant abouti à la transcription intégrale de l'acte de naissance étranger (Section II), il convient d'expliquer l'objet de cette opération (Section I).
L'exequatur du jugement étranger
– Les conditions d' exequatur d'un jugement étranger en matière de GPA. – Par un arrêt du 2 octobre 20241201, la Cour de cassation s'est prononcée sur la nécessité de motivation du jugement étranger rendu en matière de GPA.