– Plan. – Il convient également de procéder à la distinction selon que l'adoption est prononcée en la forme plénière (§ I) ou simple (§ II).
Sur le plan fiscal
Sur le plan fiscal
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
L'adoption prononcée en la forme plénière
– Application de la fiscalité en ligne directe. – L'adopté a les mêmes droits et obligations que tout autre enfant dont la filiation est légalement établie selon les modes d'établissement du titre VII du livre I du Code civil. Par suite, les transmissions réalisées entre adoptant(s) et adopté « bénéficient de plein droit du régime fiscal des transmissions à titre gratuit en ligne directe » sous réserve « d'établir la nature du lien qui les unit à la date de la mutation »1459.
L'adoption prononcée en la forme simple
– Droits de mutation à titre gratuit. – Il ne sera pas fait état des conséquences de l'adoption simple au regard des impôts directs (IRPP, détermination du quotient familial, déductibilité de la pension alimentaire, etc.)1460. En revanche, seront abordées les conséquences au regard des droits de mutation à titre gratuit en rappelant le principe (A) et certaines exceptions (B).
Le principe
– L'absence de prise en compte du lien de filiation. – L'article 786 du Code général des impôts énonce que « pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il n'est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l'adoption simple ». En conséquence, le barème fiscal entre étrangers est applicable aux transmissions à titre gratuit dès lors qu'il n'existe aucun lien de parenté entre l'adoptant et l'adopté1461. Néanmoins, ce même article prévoit différentes exceptions. Il ne sera fait état que de certaines d'entre elles, le lecteur pouvant se reporter au BOFiP pour une analyse complète1462.
Certaines exceptions
– Les biens faisant l'objet d'un droit de retour légal. – Tout d'abord, l'article 786, alinéa 1er, du Code général des impôts n'est pas applicable « aux transmissions entrant dans les prévisions du premier alinéa de l'article 368-1 du Code civil ». L'article 368-1 du Code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 5 octobre 2022, vise la transmission des biens faisant l'objet d'un droit de retour légal au profit de l'adoptant (ou de ses descendants), d'une part, et des père et mère de l'adopté (ou de leurs descendants), d'autre part, lorsque l'adopté est décédé sans postérité, ni conjoint survivant1463. La transmission des biens est soumise au barème fiscal en ligne ascendante ou collatérale selon le cas, que les biens remontent à la famille biologique ou à la famille adoptive, puisqu'il est tenu compte, dans cette situation particulière, du lien de parenté résultant de l'adoption simple au jour du fait générateur de l'impôt. Néanmoins, cette règle s'applique-t-elle également si la transmission initiale des biens donnés par l'adoptant à l'adopté ou recueillis par l'adopté dans la succession de l'adoptant n'a pas bénéficié du tarif en ligne directe lors de l'acte de donation ou lors du règlement de la succession ? La lettre du texte conduit à considérer qu'il est tenu compte du lien de parenté créé par l'adoption simple lors du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire lors du décès de l'adopté.
Quant « au surplus des biens de l'adopté » mentionné à l'alinéa 2 de l'ancien article 368-11464, les dispositions de l'article 786, alinéa 1er, leur sont applicables. Pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, il n'est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l'adoption simple. Néanmoins, si l'adopté prédécédé entre dans l'un des cas visés aux 1o à 7o de l'article 786 du Code général des impôts, l'administration fiscale prévoit que « la succession recueillie par l'adoptant est soumise au régime fiscal des mutations à titre gratuit en ligne directe. Dans les mêmes cas, la transmission des biens de l'adopté à l'enfant de l'adoptant, légitime, naturel reconnu ou adultérin reconnu, peut bénéficier du tarif prévu entre frères et sœurs »1465. Un auteur s'est toutefois demandé si les autres enfants adoptés de l'adoptant sont inclus dans la notion « enfant de l'adoptant » dans la mesure où sont visés uniquement les enfants légitime, naturel reconnu ou adultérin reconnu1466.
– Les enfants issus d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant. – Les transmissions à titre gratuit peuvent également bénéficier du barème fiscal en ligne directe lorsqu'elles sont faites « en faveur d'enfants issus d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant »1467, peu importe que « le mariage de l'adoptant avec le père ou la mère de l'enfant soit antérieur ou postérieur à l'adoption ». Par ailleurs, l'exception prévue à l'article 786, 1o du Code général des impôts ne vise que cette forme d'union1468. En conséquence, la transmission faite en faveur d'un enfant adopté par le partenaire ou le concubin ne bénéficie pas du barème fiscal en ligne directe1469. Quant à l'expression « premier mariage », l'administration fiscale a précisé qu'elle doit s'entendre au sens de « précédent mariage »1470.
Il arrive parfois que l'adoption ait lieu après la dissolution du mariage. La transmission à titre gratuit des biens en faveur de l'adopté est-elle soumise au tarif en ligne directe ? Une distinction serait à opérer selon que le mariage est dissous par décès ou par divorce :
- dans le cas où le mariage est dissous par le décès du parent biologique suivi de l'adoption simple de l'enfant par le conjoint survivant : la doctrine considère que le régime fiscal des transmissions en ligne directe s'applique même lorsque le conjoint de l'adoptant est décédé au moment où l'adoption est prononcée, ce qui a été confirmé par une réponse ministérielle Bertrand du 23 septembre 2014 laquelle n'a pas été reprise au BOFiP 1471 ;
- dans le cas où le mariage est dissous par le divorce entre le parent biologique et l'adoptant : l'administration fiscale a précisé que si l'adoption est prononcée après la dissolution du mariage par divorce, la transmission ne bénéficie pas du régime fiscal en ligne directe1472.
– Des secours et des soins non interrompus. – Enfin, les transmissions à titre gratuit peuvent également bénéficier du tarif en ligne directe lorsqu'elles sont réalisées par l'adoptant au profit de l'adopté simple – en dehors des transmissions faites en faveur des enfants issus d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant – sous certaines conditions. Il convient de distinguer selon que l'adopté simple est mineur ou majeur au jour de la transmission et si cette dernière se réalise entre vifs ou par décès.
L'adopté simple est mineur au jour de la transmission | L'adopté simple est majeur au jour de la transmission | |
---|---|---|
Transmission par décès | Il bénéficie du barème fiscal en ligne directe et est dispensé de plein droit de fournir tous justificatifs concernant les soins et secours reçus de l'adoptant. | CGI, art. 786, al. 1 : |
Transmission entre vifs | CGI, art. 786, al. 1 : | CGI, art. 786, al. 1 : |
La notion de secours et de soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale
Dès lors que l'adopté simple demande à bénéficier des dispositions du 3o ou du 3o bis de l'article 786 du Code général des impôts dans le cadre d'une transmission à titre gratuit, il doit rapporter la preuve qu'il a reçu des secours et des soins non interrompus de l'adoptant pendant la durée minimum prévue par la loi. Certains juges civils considèrent que « les secours s'entendent d'une aide financière et matérielle pouvant être donnée en nature tandis que les soins à l'égard d'une personne s'entendent comme les actions entreprises à son égard en vue de pourvoir à sa santé, sa sécurité, sa moralité et s'agissant d'un mineur, aux conditions de son éducation et de son développement physique, affectif, intellectuel et social »1474. S'il peut être « aisé » de prouver les « secours », il est bien plus difficile de prouver les « soins » selon la définition donnée par ces juges.
Dans un arrêt rendu le 6 mai 2014, la Cour de cassation a précisé que « la notion de secours et de soins ininterrompus n'impose pas une prise en charge exclusive, mais seulement continue et principale, de l'adopté simple par l'adoptant »1475. Dès lors, il est nécessaire de démontrer que l'adoptant a fait en sorte que l'adopté puisse bénéficier de ces secours et soins, de façon permanente, pendant toute la durée exigée par la loi. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'établir qu'il en a assuré seul la totalité. La prise en charge ponctuelle de ces frais par la famille d'origine ne fait pas obstacle à l'application du tarif fiscal en ligne directe.
La preuve des soins et secours doit être rapportée par tous modes compatibles avec la procédure écrite. L'adopté doit remettre à l'administration fiscale tous justificatifs tels que « quittances, factures, lettres missives et papiers domestiques »1476. Si le témoignage est, en principe, exclu comme mode de preuve, il peut venir corroborer d'autres écrits. L'administration fiscale dispose, en la matière, d'un large pouvoir d'appréciation1477. Il peut aussi être tenu compte du jugement d'adoption s'il ressort de celui-ci de façon suffisamment précise que les conditions prévues aux 3o ou 3o bis de l'article 786 du Code général des impôts sont remplies. Un auteur a proposé que lors de la procédure d'adoption, l'adoptant sollicite « le juge afin qu'il statue, au vu des justificatifs produits, sur l'existence des soins et secours prodigués à l'adopté » pour bénéficier de la fiscalité en ligne directe1478. Cependant, l'adoption étant une procédure gracieuse, l'administration fiscale n'est pas en mesure « de faire valoir son point de vue, ou de contester la décision rendue » par le juge judiciaire. Par ailleurs, certains avocats sont réticents à faire ressortir, dans la requête en adoption simple, des éléments qui pourraient laisser penser au juge que l'adoption a une finalité fiscale. Toutefois, ces éléments pourraient apparaître dans la requête, non pas pour obtenir du juge qu'il se prononce sur l'existence des soins et secours, mais tout simplement pour démontrer que le futur adoptant élève ou a élevé l'enfant. Dans la mesure où il est recommandé de déposer au rang des minutes du notaire ayant reçu les consentements1479, le jugement d'adoption auquel est annexée la requête, il peut être plus aisé de retrouver les éléments justifiant de l'existence des soins et secours.
Dans le cadre d'une procédure d'adoption en la forme simple, le professionnel du droit attirera l'attention des clients sur la nécessité de conserver ou de retrouver les documents permettant de justifier que l'adoptant a prodigué à l'adopté simple des soins et secours pendant toute la durée requise par la loi, d'autant que ces preuves devront être rapportées de nombreuses années après que le jugement d'adoption a été prononcé. À titre d'exemple, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 25 mars 2025 (no 21/03493), a retenu la responsabilité d'un notaire à la suite d'un redressement opéré par l'administration fiscale dans le cadre d'une donation. En l'espèce, une personne a adopté, en la forme simple, son neveu et lui a consenti une donation. Aux termes de cet acte, était annexée une attestation aux termes de laquelle le donateur certifiait sur l'honneur avoir prodigué à son neveu, au cours de sa minorité et de sa majorité pendant plus de dix ans, des soins et secours ininterrompus. Le tarif en ligne directe a été remis en cause par l'administration fiscale, car elle estimait que le donataire ne remplissait pas les conditions légales pour en bénéficier. Les juges ont rappelé que le notaire « doit informer et conseiller les parties lorsque l'efficacité de l'acte, notamment sur le plan fiscal, nécessite de leur part des diligences et la production de pièces complémentaires ». En conséquence, le praticien s'assurera, dans le cadre d'une opération de transmission entre vifs à la suite d'une adoption, de l'éligibilité du contribuable au dispositif. Par ailleurs, il conservera dans le dossier, les différents justificatifs en cas de contrôle ultérieur.