Les effets de l'adoption

Les effets de l'adoption

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Plan. – Que l'adoption soit prononcée en la forme plénière ou simple, le jugement produit ses effets à compter du dépôt de la requête et non au jour de son énoncé1433. L'adoption entraîne alors des conséquences tant sur le plan civil (Sous-section I) que fiscal (Sous-section II) lesquelles ne sont pas identiques selon qu'elle est réalisée en la forme plénière ou simple. Ces effets seront étudiés successivement.

Sur le plan civil

– Plan. – Il convient de distinguer selon que l'adoption est prononcée en la forme plénière (§ I) ou simple (§ II).

L'adoption prononcée en la forme plénière

– Une rupture totale du lien de filiation avec la famille d'origine. – Selon l'article 356 du Code civil, « l'adoption plénière confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine ; l'adopté cesse d'appartenir à sa famille d'origine, sous réserve des prohibitions au mariage visées aux articles 161 à 164 ». En conséquence, l'adopté perd tous ses droits et obligations dans sa famille d'origine, tant sur le plan patrimonial qu'extrapatrimonial. Parallèlement, il entre définitivement dans sa famille adoptive dans laquelle il a, dans ses rapports avec les adoptants, les mêmes droits et devoirs que tout enfant issu d'une procréation charnelle ou médicalement assistée1434.
– Un tempérament en cas d'adoption de l'enfant du conjoint, partenaire ou concubin. – Néanmoins, lorsque l'enfant fait l'objet d'une adoption plénière par le conjoint, partenaire ou concubin de son parent dont la filiation est légalement établie, l'adoption laisse subsister sa filiation d'origine à l'égard de ce parent et de sa famille. Cette précision apportée à l'article 370-1-4 du Code civil est essentielle dans le cadre d'une adoption plénière de l'enfant de l'autre membre du couple. À défaut, il y aurait une rupture totale du lien de filiation entre le parent et l'enfant, ce qui n'est pas l'objectif lorsqu'il s'agit d'adoptions intrafamiliales réalisées en faveur du beau-parent ou du parent d'intention.
Pour le surplus, l'adoption produit les effets d'une adoption par un couple. Dès lors, le parent et l'adoptant sont tous les deux titulaires de l'autorité parentale et l'exercent en commun.
Concernant la dévolution du nom1435, l'adoptant et l'autre membre du couple peuvent choisir, par déclaration conjointe :
  • soit le nom de l'un d'eux ;
  • soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux ; étant précisé que si l'adoptant et l'autre membre du couple, ou l'un d'eux, portent un double nom de famille, ils ne peuvent en transmettre qu'un seul à l'adopté1436.
Quant aux prénoms de l'adopté, l'article 370-1-5, alinéa 6, du Code civil prévoit que « sur demande de l'adoptant, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant ». Si ce dernier est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis. En revanche, il est surprenant que l'accord de l'autre membre du couple ne soit pas requis pour un changement de prénoms.
– Une adoption irrévocable. – Selon l'article 359 du Code civil, l'adoption prononcée en la forme plénière est irrévocable.

L'adoption prononcée en la forme simple

– Une superposition des liens de filiation. – Selon l'article 360 du Code civil, « l'adoption simple confère à l'adopté une filiation qui s'ajoute à sa filiation d'origine (…). L'adopté continue d'appartenir à sa famille d'origine et y conserve tous ses droits ». Le lien de filiation à l'égard de l'adoptant se superposant à celui de la famille d'origine, le législateur a prévu quelques aménagements en donnant une primauté au lien de filiation adoptive.
– Les prohibitions à mariage. – Tout d'abord, le législateur a maintenu les prohibitions au mariage prévues aux articles 161 à 164 du Code civil entre l'adopté et sa famille d'origine1437. En outre, il les a étendus dans la famille de l'adoptant, le lien de parenté résultant de l'adoption simple s'étendant également aux enfants de l'adopté1438.
– L'autorité parentale 1439 . – Ensuite, l'article 362 du Code civil prévoit que « l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté ». Néanmoins, pour éviter que le conjoint, partenaire ou concubin de l'adoptant ne perde l'autorité parentale sur son propre enfant en cas d'adoption simple, l'article 370-1-8 du même code prévoit que « l'adoptant est titulaire de l'autorité parentale concurremment avec l'autre membre du couple (…) »1440. Toutefois, seul ce dernier en conserve l'exercice. Après le prononcé du jugement d'adoption, l'adoptant et son conjoint, partenaire ou concubin doivent effectuer une déclaration conjointe adressée « au directeur des services de greffe judiciaire du tribunal judiciaire aux fins d'un exercice en commun de cette autorité » conformément à l'article 372, alinéa 3, du Code civil1441.

Adoption simple par le parent d'intention ou le beau-parent

Si l'adoption simple de l'enfant mineur du conjoint, partenaire ou concubin peut être prononcée pour un parent d'intention – l'autre branche est généralement vacante –, elle ne l'est pas pour le beau-parent car l'autre parent – celui qui ne vit pas avec l'adoptant – perdrait l'autorité parentale sur son propre enfant1442.
– L'adjonction du nom. – Si les articles 363 et 363-1 du Code civil s'appliquent à la dévolution du nom dans le cadre d'une adoption simple de droit commun, il faut se référer à l'article 370-1-7 du même code pour l'adoption de l'enfant du conjoint, partenaire ou concubin. Cet article prévoit que le nom de l'adoptant est ajouté à celui de l'adopté, lequel doit y consentir s'il est âgé de plus de treize ans1443. Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté conservera son nom d'origine.

Adoption simple et substitution du nom

L'adoptant peut-il demander à l'adopté simple de ne porter que le nom de l'adoptant ? L'article 363, alinéa 4, du Code civil prévoit que « le tribunal peut, (…), à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant ». Si cette précision est apportée dans le cadre d'une adoption simple de droit commun1444, elle ne figure absolument pas à l'article 370-1-7 du Code civil pour l'adoption simple de l'enfant du conjoint, partenaire ou concubin.
Si les règles de droit commun de l'adoption simple s'appliquent à l'adoption simple de l'enfant du conjoint, partenaire ou concubin, c'est « sous réserve des règles particulières » prévues au chapitre IV, « De l'adoption de l'enfant de l'autre membre du couple », parmi lesquelles figure l'article 370-1-7 du Code civil sur la dévolution du nom1445. En conséquence, dans le cadre de l'adoption de l'enfant de son conjoint, partenaire ou concubin, le principe est celui d'une adjonction du nom de l'adoptant à celui de l'adopté1446. Toutefois, à la demande de l'adoptant, le tribunal pourra autoriser l'adopté à conserver son nom d'origine1447. En revanche, la substitution du nom de l'adoptant n'étant pas expressément prévue à l'article 370-1-7 du Code civil, elle ne semble pas pouvoir être demandée par l'adoptant1448.
De même, si l'alinéa 3 de l'article 370-1-7 du Code civil prévoit que « le tribunal peut (…) à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté conservera son nom d'origine », cette précision ne figure pas à l'article 363 du Code civil. En conséquence, l'adopté doit porter le nom de l'adoptant, que ce soit par adjonction ou substitution, dans le cadre d'une procédure d'adoption simple de droit commun. La dévolution du nom de l'adoptant à l'adopté simple marque en effet son rattachement à la famille de l'adoptant.
Enfin, que l'adoption simple soit de droit commun ou réalisée par le conjoint, le partenaire ou le concubin, l'adopté doit consentir expressément quant à son nom dès lors qu'il est âgé de plus de treize ans.
– La modification des prénoms. – Concernant les prénoms de l'adopté, le tribunal peut les modifier, sur demande de l'adoptant. L'adopté âgé de plus de treize ans doit, comme en matière d'adoption plénière, consentir à cette modification. Il est également surprenant que l'accord du parent de l'enfant ne soit pas requis.
– L'obligation alimentaire. – Qu'il s'agisse d'une adoption de droit commun ou de celle de l'enfant du conjoint, partenaire ou concubin, « l'adopté doit des aliments à l'adoptant s'il est dans le besoin et, réciproquement, l'adoptant doit des aliments à l'adopté »1449. L'article 364 du Code civil précise que « les parents d'origine de l'adopté ne sont tenus de lui fournir des aliments que s'il ne peut les obtenir de l'adoptant ». Cela conduit à des situations parfois étranges. L'adopté devra en effet réclamer en priorité des aliments à son beau-parent avant de se retourner contre ses parents et, plus particulièrement, son parent qui a pu se séparer de l'adoptant depuis le prononcé de l'adoption.
– Des droits successoraux. – En matière successorale, l'adopté et ses descendants conservent tous leurs droits dans la famille d'origine. L'article 365 du Code civil précise que « l'adopté et ses descendants ont, dans la famille de l'adoptant, les droits successoraux prévus au chapitre III du titre Ier du livre III ». En conséquence, l'adopté est appelé à succéder dans deux familles.

Les conséquences d'une adoption simple sur le règlement d'une succession

Plusieurs points méritent d'être rappelés sur le plan successoral en cas d'adoption simple. Tout d'abord, lorsque l'adoptant décède en laissant pour lui succéder des enfants dont un ou des adoptés en la forme simple, ils ont tous la qualité d'héritiers réservataires à son égard. En revanche, le ou les adoptés en la forme simple n'ont pas cette qualité d'héritier réservataire à l'égard des ascendants de l'adoptant. En conséquence, les ascendants de l'adoptant ont toujours la possibilité de priver, par libéralités, l'adopté simple de tous droits dans leur succession.
Ensuite, lorsque l'adoptant envisage d'adopter, en la forme simple, l'enfant de son conjoint, partenaire ou concubin, il est recommandé de procéder à un bilan de sa situation patrimoniale. En effet, l'adoptant a pu réaliser, avant le prononcé de l'adoption, des donations-partages au profit de ses propres enfants biologiques. Si les biens donnés et partagés ne seront pas rapportables à sa succession, ils devront, en revanche, être réévalués au jour du décès du disposant pour le calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible puisque les conditions de l'article 1078 du Code civil ne sont pas remplies : tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l'ascendant n'ont pas reçu un lot dans le partage anticipé. En outre, pour liquider la succession de l'adoptant en présence d'une donation-partage qu'il a consentie alors que tous ses héritiers n'étaient pas conçus au jour de celle-ci, les enfants adoptés peuvent en demander la réduction pour être remplis de leur part héréditaire, ces derniers étant, semble-t-il, assimilés aux enfants non conçus1450.
Par ailleurs, en cas de décès de l'adopté, l'article 366 du Code civil instaure, sous certaines conditions, un droit de retour légal lorsqu'il ne laisse pas de descendants, ni de conjoint survivant. Ce droit de retour légal a été instauré pour éviter que les biens qu'il a reçus d'une famille ne passent à l'autre par le mécanisme de la fente. Ainsi, selon l'alinéa 1er de cet article, « à défaut de descendants et de conjoint survivant, les biens donnés par l'adoptant ou recueillis dans sa succession retournent à l'adoptant ou à ses descendants, s'ils existent encore en nature lors du décès de l'adopté, à charge de contribuer aux dettes et sous réserve des droits acquis par les tiers. Les biens que l'adopté avait reçus à titre gratuit de ses parents retournent pareillement à ces derniers ou à leurs descendants ». Ces biens font l'objet d'une succession anomale. Quant au surplus des biens de l'adopté, l'alinéa 2 prévoit qu'il « se divise par moitié entre sa famille d'origine et sa famille d'adoption ». Dans la succession ordinaire, les biens restants de l'adopté sont dévolus selon le mécanisme de la fente successorale1451.
Enfin, la jurisprudence a été amenée à se prononcer dans le cadre de l'exercice de l'action en retranchement des avantages matrimoniaux. L'enfant d'un époux prédécédé adopté par le conjoint survivant est considéré comme un enfant issu des deux époux. Par conséquent, il ne bénéficie pas de l'action en retranchement prévue par l'article 1527, alinéa 2, du Code civil1452, y compris lorsque l'adoption simple est révoquée postérieurement à l'ouverture de la succession1453.
– Révocation de l'adoption simple. – Selon l'article 368 du Code civil, l'adoption simple peut toujours être révoquée, s'il est justifié de motifs graves, à la demande de l'adopté majeur ou de l'adoptant lorsque l'adopté est majeur1454, ou du ministère public uniquement lorsque l'adopté est mineur. Les motifs graves invoqués doivent trouver leur cause dans des faits postérieurs au jugement prononçant l'adoption1455. Ils doivent être prouvés par tous moyens et sont laissés à l'appréciation souveraine des juges du fond1456. L'adoption ne peut pas être révoquée au motif que le consentement aurait été vicié1457. Le jugement de révocation, lequel doit être motivé, est mentionné en marge de l'acte de naissance de l'adopté. La révocation de l'adoption fait cesser tous ses effets pour l'avenir, à l'exception de la modification des prénoms. La non-rétroactivité de la révocation est une règle destinée à protéger l'adopté. Toutefois, celle-ci peut lui être préjudiciable dans certaines situations1458.

Révocation de l'adoption simple par le beau-parent

Dans la mesure où l'adoption est souvent utilisée pour pallier l'absence de reconnaissance juridique du beau-parent en droit français, ce dernier doit être bien informé que la séparation du couple n'est pas un motif grave au sens de l'article 368 du Code civil pour la révoquer.

Sur le plan fiscal

– Plan. – Il convient également de procéder à la distinction selon que l'adoption est prononcée en la forme plénière (§ I) ou simple (§ II).

L'adoption prononcée en la forme plénière

– Application de la fiscalité en ligne directe. – L'adopté a les mêmes droits et obligations que tout autre enfant dont la filiation est légalement établie selon les modes d'établissement du titre VII du livre I du Code civil. Par suite, les transmissions réalisées entre adoptant(s) et adopté « bénéficient de plein droit du régime fiscal des transmissions à titre gratuit en ligne directe » sous réserve « d'établir la nature du lien qui les unit à la date de la mutation »1459.

L'adoption prononcée en la forme simple

– Droits de mutation à titre gratuit. – Il ne sera pas fait état des conséquences de l'adoption simple au regard des impôts directs (IRPP, détermination du quotient familial, déductibilité de la pension alimentaire, etc.)1460. En revanche, seront abordées les conséquences au regard des droits de mutation à titre gratuit en rappelant le principe (A) et certaines exceptions (B).

Le principe

– L'absence de prise en compte du lien de filiation. – L'article 786 du Code général des impôts énonce que « pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il n'est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l'adoption simple ». En conséquence, le barème fiscal entre étrangers est applicable aux transmissions à titre gratuit dès lors qu'il n'existe aucun lien de parenté entre l'adoptant et l'adopté1461. Néanmoins, ce même article prévoit différentes exceptions. Il ne sera fait état que de certaines d'entre elles, le lecteur pouvant se reporter au BOFiP pour une analyse complète1462.

Certaines exceptions

– Les biens faisant l'objet d'un droit de retour légal. – Tout d'abord, l'article 786, alinéa 1er, du Code général des impôts n'est pas applicable « aux transmissions entrant dans les prévisions du premier alinéa de l'article 368-1 du Code civil ». L'article 368-1 du Code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 5 octobre 2022, vise la transmission des biens faisant l'objet d'un droit de retour légal au profit de l'adoptant (ou de ses descendants), d'une part, et des père et mère de l'adopté (ou de leurs descendants), d'autre part, lorsque l'adopté est décédé sans postérité, ni conjoint survivant1463. La transmission des biens est soumise au barème fiscal en ligne ascendante ou collatérale selon le cas, que les biens remontent à la famille biologique ou à la famille adoptive, puisqu'il est tenu compte, dans cette situation particulière, du lien de parenté résultant de l'adoption simple au jour du fait générateur de l'impôt. Néanmoins, cette règle s'applique-t-elle également si la transmission initiale des biens donnés par l'adoptant à l'adopté ou recueillis par l'adopté dans la succession de l'adoptant n'a pas bénéficié du tarif en ligne directe lors de l'acte de donation ou lors du règlement de la succession ? La lettre du texte conduit à considérer qu'il est tenu compte du lien de parenté créé par l'adoption simple lors du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire lors du décès de l'adopté.
Quant « au surplus des biens de l'adopté » mentionné à l'alinéa 2 de l'ancien article 368-11464, les dispositions de l'article 786, alinéa 1er, leur sont applicables. Pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, il n'est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l'adoption simple. Néanmoins, si l'adopté prédécédé entre dans l'un des cas visés aux 1o à 7o de l'article 786 du Code général des impôts, l'administration fiscale prévoit que « la succession recueillie par l'adoptant est soumise au régime fiscal des mutations à titre gratuit en ligne directe. Dans les mêmes cas, la transmission des biens de l'adopté à l'enfant de l'adoptant, légitime, naturel reconnu ou adultérin reconnu, peut bénéficier du tarif prévu entre frères et sœurs »1465. Un auteur s'est toutefois demandé si les autres enfants adoptés de l'adoptant sont inclus dans la notion « enfant de l'adoptant » dans la mesure où sont visés uniquement les enfants légitime, naturel reconnu ou adultérin reconnu1466.
– Les enfants issus d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant. – Les transmissions à titre gratuit peuvent également bénéficier du barème fiscal en ligne directe lorsqu'elles sont faites « en faveur d'enfants issus d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant »1467, peu importe que « le mariage de l'adoptant avec le père ou la mère de l'enfant soit antérieur ou postérieur à l'adoption ». Par ailleurs, l'exception prévue à l'article 786, 1o du Code général des impôts ne vise que cette forme d'union1468. En conséquence, la transmission faite en faveur d'un enfant adopté par le partenaire ou le concubin ne bénéficie pas du barème fiscal en ligne directe1469. Quant à l'expression « premier mariage », l'administration fiscale a précisé qu'elle doit s'entendre au sens de « précédent mariage »1470.
Il arrive parfois que l'adoption ait lieu après la dissolution du mariage. La transmission à titre gratuit des biens en faveur de l'adopté est-elle soumise au tarif en ligne directe ? Une distinction serait à opérer selon que le mariage est dissous par décès ou par divorce :
  • dans le cas où le mariage est dissous par le décès du parent biologique suivi de l'adoption simple de l'enfant par le conjoint survivant : la doctrine considère que le régime fiscal des transmissions en ligne directe s'applique même lorsque le conjoint de l'adoptant est décédé au moment où l'adoption est prononcée, ce qui a été confirmé par une réponse ministérielle Bertrand du 23 septembre 2014 laquelle n'a pas été reprise au BOFiP 1471 ;
  • dans le cas où le mariage est dissous par le divorce entre le parent biologique et l'adoptant : l'administration fiscale a précisé que si l'adoption est prononcée après la dissolution du mariage par divorce, la transmission ne bénéficie pas du régime fiscal en ligne directe1472.
– Des secours et des soins non interrompus. – Enfin, les transmissions à titre gratuit peuvent également bénéficier du tarif en ligne directe lorsqu'elles sont réalisées par l'adoptant au profit de l'adopté simple – en dehors des transmissions faites en faveur des enfants issus d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant – sous certaines conditions. Il convient de distinguer selon que l'adopté simple est mineur ou majeur au jour de la transmission et si cette dernière se réalise entre vifs ou par décès.
L'adopté simple est mineur au jour de la transmission L'adopté simple est majeur au jour de la transmission
Transmission par décès Il bénéficie du barème fiscal en ligne directe et est dispensé de plein droit de fournir tous justificatifs concernant les soins et secours reçus de l'adoptant. CGI, art. 786, al. 1 :
Transmission entre vifs CGI, art. 786, al. 1 : CGI, art. 786, al. 1 :

La notion de secours et de soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale

Dès lors que l'adopté simple demande à bénéficier des dispositions du 3o ou du 3o bis de l'article 786 du Code général des impôts dans le cadre d'une transmission à titre gratuit, il doit rapporter la preuve qu'il a reçu des secours et des soins non interrompus de l'adoptant pendant la durée minimum prévue par la loi. Certains juges civils considèrent que « les secours s'entendent d'une aide financière et matérielle pouvant être donnée en nature tandis que les soins à l'égard d'une personne s'entendent comme les actions entreprises à son égard en vue de pourvoir à sa santé, sa sécurité, sa moralité et s'agissant d'un mineur, aux conditions de son éducation et de son développement physique, affectif, intellectuel et social »1474. S'il peut être « aisé » de prouver les « secours », il est bien plus difficile de prouver les « soins » selon la définition donnée par ces juges.
Dans un arrêt rendu le 6 mai 2014, la Cour de cassation a précisé que « la notion de secours et de soins ininterrompus n'impose pas une prise en charge exclusive, mais seulement continue et principale, de l'adopté simple par l'adoptant »1475. Dès lors, il est nécessaire de démontrer que l'adoptant a fait en sorte que l'adopté puisse bénéficier de ces secours et soins, de façon permanente, pendant toute la durée exigée par la loi. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'établir qu'il en a assuré seul la totalité. La prise en charge ponctuelle de ces frais par la famille d'origine ne fait pas obstacle à l'application du tarif fiscal en ligne directe.
La preuve des soins et secours doit être rapportée par tous modes compatibles avec la procédure écrite. L'adopté doit remettre à l'administration fiscale tous justificatifs tels que « quittances, factures, lettres missives et papiers domestiques »1476. Si le témoignage est, en principe, exclu comme mode de preuve, il peut venir corroborer d'autres écrits. L'administration fiscale dispose, en la matière, d'un large pouvoir d'appréciation1477. Il peut aussi être tenu compte du jugement d'adoption s'il ressort de celui-ci de façon suffisamment précise que les conditions prévues aux 3o ou 3o bis de l'article 786 du Code général des impôts sont remplies. Un auteur a proposé que lors de la procédure d'adoption, l'adoptant sollicite « le juge afin qu'il statue, au vu des justificatifs produits, sur l'existence des soins et secours prodigués à l'adopté » pour bénéficier de la fiscalité en ligne directe1478. Cependant, l'adoption étant une procédure gracieuse, l'administration fiscale n'est pas en mesure « de faire valoir son point de vue, ou de contester la décision rendue » par le juge judiciaire. Par ailleurs, certains avocats sont réticents à faire ressortir, dans la requête en adoption simple, des éléments qui pourraient laisser penser au juge que l'adoption a une finalité fiscale. Toutefois, ces éléments pourraient apparaître dans la requête, non pas pour obtenir du juge qu'il se prononce sur l'existence des soins et secours, mais tout simplement pour démontrer que le futur adoptant élève ou a élevé l'enfant. Dans la mesure où il est recommandé de déposer au rang des minutes du notaire ayant reçu les consentements1479, le jugement d'adoption auquel est annexée la requête, il peut être plus aisé de retrouver les éléments justifiant de l'existence des soins et secours.
Dans le cadre d'une procédure d'adoption en la forme simple, le professionnel du droit attirera l'attention des clients sur la nécessité de conserver ou de retrouver les documents permettant de justifier que l'adoptant a prodigué à l'adopté simple des soins et secours pendant toute la durée requise par la loi, d'autant que ces preuves devront être rapportées de nombreuses années après que le jugement d'adoption a été prononcé. À titre d'exemple, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 25 mars 2025 (no 21/03493), a retenu la responsabilité d'un notaire à la suite d'un redressement opéré par l'administration fiscale dans le cadre d'une donation. En l'espèce, une personne a adopté, en la forme simple, son neveu et lui a consenti une donation. Aux termes de cet acte, était annexée une attestation aux termes de laquelle le donateur certifiait sur l'honneur avoir prodigué à son neveu, au cours de sa minorité et de sa majorité pendant plus de dix ans, des soins et secours ininterrompus. Le tarif en ligne directe a été remis en cause par l'administration fiscale, car elle estimait que le donataire ne remplissait pas les conditions légales pour en bénéficier. Les juges ont rappelé que le notaire « doit informer et conseiller les parties lorsque l'efficacité de l'acte, notamment sur le plan fiscal, nécessite de leur part des diligences et la production de pièces complémentaires ». En conséquence, le praticien s'assurera, dans le cadre d'une opération de transmission entre vifs à la suite d'une adoption, de l'éligibilité du contribuable au dispositif. Par ailleurs, il conservera dans le dossier, les différents justificatifs en cas de contrôle ultérieur.