Réflexion sur la nature du consentement donné par la caution dans un contexte d'entraide familiale

Réflexion sur la nature du consentement donné par la caution dans un contexte d'entraide familiale

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Communauté d'intérêt objective et subjective. – Le fait que la caution et le débiteur doivent payer la même dette crée objectivement une communauté d'intérêts314. Mais lorsque la caution et le débiteur sont unis par un lien de famille, cette communauté d'intérêt n'est plus seulement technique et objective : elle devient subjective en raison des sentiments d'affection qui peuvent animer la caution. Cette communauté d'intérêt peut entraîner deux interrogations : le consentement de la caution est-il vraiment intègre si le lien de parenté qui unit la caution au débiteur l'empêche de refuser sa signature (§ I) ? Le consentement donné par la caution ne traduit-il pas une intention libérale à l'égard du débiteur (§ II) ?

L'intégrité du consentement à l'épreuve du lien de famille

– Le cœur a ses raisons de se porter caution que la raison ne connaît point. – Le comportement rationnel de toute personne consiste à refuser de payer une dette dont elle n'est pas la débitrice. Le cautionnement s'inscrit dans une logique parfaitement inverse puisqu'elle conduit une personne à payer la dette d'un débiteur si celui-ci est défaillant315. Mais le droit du cautionnement offre à la caution un certain nombre de garanties. Au vrai, le droit contemporain fait preuve d'une grande sollicitude à l'égard de la caution316 comme en témoignent les quelques exemples suivants : l'engagement de la caution doit être exprès317 et doit, à l'exception du cautionnement notarié318, être formalisé par une mention manuscrite sous peine de nullité319. La caution personne physique bénéficie d'un devoir de mise en garde du créancier professionnel lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier320. Par ailleurs, son engagement peut être réduit si le cautionnement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et aux patrimoines de la caution321.
Le tout sans évoquer les obligations d'information du créancier professionnel sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et des pénalités322. Ces quelques exemples, qui ne prétendent pas à l'exhaustivité, démontrent que la prise en charge de la dette d'autrui est accompagnée d'un certain nombre de garanties. Mais ces règles protectrices sont-elles suffisantes si l'on considère que l'amour cautionne toutes les dettes ?
– Un dispositif suffisamment protecteur. – Il serait déraisonnable de proposer un renforcement de la protection de la caution lorsque celle-ci est unie par un lien de famille avec le débiteur. Le régime actuel du cautionnement, tel que celui-ci a été modifié par les réformes du droit des sûretés et du droit des entreprises en difficulté de 2021323, est parvenu à un équilibre cohérent s'agissant d'assurer la protection de la caution tout en maintenant l'attractivité que cette sûreté doit conserver aux yeux des créanciers.
Renforcer la protection de la caution au motif que celle-ci agirait dans un cadre d'entraide familiale ne pourrait que dissuader les créanciers de consentir un crédit. Il s'agirait même sans doute de la meilleure manière de détourner les créanciers de cette garantie et de les conduire à exiger des sûretés plus radicales telles que les sûretés-propriétés324. Il faut par ailleurs faire preuve de réalisme : les circonstances qui conduisent un membre de la famille à se porter caution sont invincibles. De même que trente moines et leur abbé ne peuvent faire braire un âne contre sa volonté, nulle information dissuasive, nulle mention manuscrite ne sauraient détourner une personne de sa volonté de se porter caution en faveur d'un proche325. Jauger le droit du cautionnement sur des questions de consentement est donc vain.
Il est certainement plus intéressant d'examiner un certain nombre de situations familiales dont les solutions, apportées sous forme de cas pratique, témoignent du grand soin qui a été apporté ces dernières années par le législateur dans la protection de la caution.

Retour sur l'action du législateur dans la protection des cautions

<strong>1)</strong> L'opposabilité des exceptions : un grand pas en avant mené par la réforme de 2021

Samantha s'est portée caution de son fils Andrea.

Celui-ci ne payant pas la dette, le créancier assigne Andrea (débiteur principal) en paiement mais également Samantha (caution).

Andrea soulève une exception de nullité en invoquant le dol et parvient précisément à faire annuler la dette pour dol (le créancier lui avait dissimulé des informations déterminantes pour son consentement à l'emprunt).

Le créancier décide alors de poursuivre uniquement Samantha (il ne peut plus poursuivre Andrea puisque la dette d'emprunt a été annulée pour dol).

Samantha peut-elle se prévaloir de l'exception de dol qui avait été soulevée avec succès par Andrea pour refuser d'exécuter son engagement de caution ?

<strong>Réponse :</strong>

Avant la réforme du 15 septembre 2021, la caution ne pouvait opposer que les exceptions inhérentes à la dette et non les exceptions personnelles. À cet égard, il avait été jugé que le dol constituait une exception personnelle que la caution ne pouvait donc pas soulever (Cass. ch. mixte, 8 juin 2007, n<sup>o</sup> 03-15.602 et en dernier lieu, Cass. com., 27 janv. 2021, n<sup>o</sup> 18-22.541). Samantha ne pouvait donc pas opposer le moyen de défense soulevé par Andrea et devait donc payer la dette.

Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n<sup>o</sup> 2021-1192 du 15 septembre 2021 fixée au 1<sup>er</sup> janvier 2022, l'article 2298 du Code civil permet à la caution de soulever toutes les exceptions que le débiteur peut soulever.

Grâce à la réforme des sûretés du 15 septembre 2021, Samantha pourra échapper au paiement en soulevant l'exception tirée du dol. Il s'agit d'une avancée indéniable dans la protection des cautions.

<strong>2)</strong> Le sort de la caution en cas d'adoption d'un plan de restructuration d'une entreprise

Andrea est entrepreneur individuel.

Il a contracté en 2024 un crédit à court terme d'une durée de deux ans pour financer le fonds de roulement de son entreprise.

La banque a demandé le cautionnement de Samantha, la mère d'Andrea.

Andrea ayant rencontré des difficultés de trésorerie l'ayant mené à une cessation des paiements, il obtient le bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire (C. com., art. L. 631-1 et s.).

Grâce à cette procédure, Andrea obtient un plan de redressement judiciaire qui échelonne la dette bancaire sur dix ans.

La banque ne souhaitant pas attendre le remboursement de sa créance sur dix années, elle demande à Samantha (caution) de lui rembourser immédiatement la dette.

La banque peut-elle exiger le paiement de la dette par la caution alors que le débiteur bénéficie d'un plan organisant le règlement de la dette bancaire sur dix années ?

<strong>Réponse :</strong>

– <strong>sous l'empire de la loi n<sup>o</sup> 85-98 du 25 janvier 1985</strong>, les cautions ne pouvaient pas bénéficier des délais du plan. Le créancier pouvait donc directement agir contre les cautions alors même que le débiteur principal bénéficiait d'un plan. Tout au plus, les cautions pouvaient se voir accorder un délai ou un différé de paiement dans la limite de deux ans (C. com., art. L. 621-48 ancien). Mais l'idée générale était que la caution (le plus souvent un membre de la famille) finissait toujours par payer la dette.

Si le cas pratique s'était déroulé sous l'empire de la loi de 1985, Samantha aurait été obligée de payer la dette ;

– <strong>la loi n<sup>o</sup> 2005-846 du 26 juillet 2005 dite de sauvegarde</strong> (entrée en vigueur le 1<sup>er</sup> janvier 2006) a grandement amélioré le sort des cautions. Le constat qui a été fait est que les cautions d'un entrepreneur sont le plus souvent des membres de sa famille et que cette situation mortifie l'entrepreneur lorsque les difficultés économiques se profilent. Paralysé par la peur de voir ses proches être engagés à la dette, l'entrepreneur n'ose pas saisir le tribunal. Les difficultés économiques s'aggravant (puisque l'entrepreneur n'a pas saisi le tribunal à une époque où le sauvetage de son entreprise aurait pu être possible), l'entrepreneur est finalement soumis à une procédure de liquidation judiciaire.

Le législateur de 2005 a voulu offrir une prime aux entrepreneurs : plus ils agiront tôt, plus les membres de leur famille seront protégés. C'est ainsi que le législateur a distingué la protection des cautions selon que la procédure est une procédure de sauvegarde (procédure anticipée puisqu'il n'y a pas de cessation des paiements) ou une procédure de redressement judiciaire (procédure moins anticipée puisqu'il y a cessation des paiements). Pour le législateur, l'intérêt réside dans le fait que plus un entrepreneur anticipe l'ouverture d'une procédure collective, plus il y a de chances de sauver l'entreprise. D'où l'intérêt de l'inciter à agir rapidement en offrant une protection des cautions grandissante selon la rapidité de l'entrepreneur. Comme le soulignait M. Marc Guillaume, directeur des affaires civiles et du sceau, lors des auditions préalables à l'adoption de la loi de sauvegarde : « Nous voulons faire en sorte d'attirer les gens pour traiter les difficultés le plus en amont possible ; à cette fin, nous devrons innover (…) Le projet prévoit de faire bénéficier les cautions intégralement du plan élaboré dans le cadre de la procédure de sauvegarde. C'est l'une des mesures principales du texte, particulièrement destinée aux PME, dans la mesure où c'est souvent la famille proche qui est caution » (audition de M. Marc Guillaume, directeur des affaires civiles et du sceau, Procès-verbal de la séance du 15 avril 2004, Rapp. AN n<sup>o</sup> 2094, p. 29).

Ainsi, sous l'empire de la loi de sauvegarde, les cautions personnes physiques ont pu se prévaloir d'un plan de sauvegarde <strong>mais non d'un plan de redressement</strong> (C. com., art. L. 626-11 et L. 631-20 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n<sup>o</sup> 2021-1193 du 15 septembre 2021).

Si le cas pratique s'était déroulé sous l'empire de ces dispositions, Samantha aurait pu bénéficier des délais du plan si Andrea avait sollicité une procédure de sauvegarde. Or, Andrea n'ayant pas suffisamment anticipé, et étant placé en redressement judiciaire, Samantha n'aurait pas pu bénéficier des délais du plan. Les faits du cas pratique se déroulent toutefois sous l'empire de nouvelles dispositions que nous allons détailler maintenant… ;

– <strong>depuis l'ordonnance n<sup>o</sup> 2021-1993 du 15 septembre 2021</strong>, la caution personne physique peut désormais se prévaloir des délais résultant d'un plan de sauvegarde <strong>ou</strong> d'un plan de redressement judiciaire (C. com., art. L. 626-11).

Samantha peut donc refuser de payer la dette en se prévalant des délais du plan dont Andrea bénéficie, peu importe que ce plan soit un plan de redressement judiciaire car, dorénavant, le statut des cautions personnes physique est identique que le débiteur soit en sauvegarde ou en redressement judiciaire. Concrètement, Andrea parviendra à payer la dette dans le cadre du plan (dividende annuel versé par le commissaire à l'exécution du plan au créancier) de telle sorte que l'engagement de caution ne sera jamais mis en œuvre.

Ce cas pratique montre à quel point le sort des cautions familiales a été amélioré ces vingt dernières années par le droit des procédures collectives. Cette amélioration s'est d'ailleurs faite en sacrifiant la cohérence du droit des procédures collectives. En effet, en 2005, le but était d'inciter les entrepreneurs à traiter les difficultés avant qu'elles ne soient trop graves : concrètement, il fallait inciter les entrepreneurs à solliciter l'ouverture d'une sauvegarde plutôt qu'un redressement judiciaire. C'est pour cette raison que la protection des garants personnes physiques était plus avantageuse en cas d'ouverture d'une sauvegarde. Depuis la réforme du 15 septembre 2021, les cautions personnes physiques (qui sont le plus souvent les membres de la famille) bénéficient d'une protection pendant toute la période d'observation (qui peut durer douze mois en sauvegarde et dix-huit mois en redressement judiciaire), mais également pendant toute la durée du plan (qui peut durer dix ans, voire quinze ans pour un agriculteur), peu importe que ce plan soit un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Le législateur de 2021 n'a pas hésité à sacrifier la cohérence du droit des procédures collectives pour parvenir à une meilleure protection des membres de la famille s'étant portée caution.

<strong>3)</strong> Le sort de la caution en cas d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire

Reprenons les données du cas suivant mais imaginons que la situation d'Andrea soit irrémédiablement compromise :

Andrea est entrepreneur individuel.

Il a contracté en 2024 un crédit à court terme d'une durée de deux ans pour financer le fonds de roulement de son entreprise.

La banque a demandé le cautionnement de Samantha, la mère d'Andrea.

Andrea rencontre des difficultés de trésorerie qui l'ont mené à une cessation des paiements. Les difficultés sont telles qu'elles compromettent irrémédiablement toute chance de redressement.

Une procédure de liquidation judiciaire est alors ouverte.

La banque veut immédiatement poursuivre Samantha. Le peut-elle ?

La liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité immédiate de toutes les dettes de l'entrepreneur (C. com., art. L. 643-1). Cette exigibilité immédiate rejaillit-elle sur le cautionnement ?

En principe, la réponse est négative car la déchéance du terme est inopposable aux cautions ou aux coobligés, même solidaires (C. civ., art. 1305-5).

Cependant, la clause contraire est possible si bien que les contrats de cautionnement prévoient fréquemment la clause selon laquelle la déchéance de la dette principale entraînera la déchéance du terme de l'engagement de la caution. C'est grâce à cette clause que les créanciers peuvent en pratique poursuivre les cautions. <strong>Les notaires doivent d'ailleurs être vigilants et bien penser à insérer une clause de ce type dans les contrats de cautionnement qu'ils reçoivent sous peine de voir leur responsabilité être engagée par le créancier.</strong>

On imagine que le contrat de cautionnement conclu par Samantha contenait bien une clause de déchéance du terme de son engagement en cas de déchéance du terme de l'obligation principale.

Dans ce cadre, le créancier pourra poursuivre Samantha en paiement de la dette. Aucune règle du droit des procédures collectives ne protège Samantha contre le droit de poursuite du créancier.

Le droit des procédures collectives protège toutefois Samantha <strong>au stade la clôture de la procédure</strong>. En effet, et en principe, la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur (C. com., art. L. 643-11, I). Il est fait exception à cette règle pour les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie s'ils ont payé à la place du débiteur (C. com., art. L. 643-11, II). Ainsi, dans l'absolu, Samantha pourra poursuivre Andrea en remboursement de la somme qu'elle a été amenée à payer à la place de son fils.

Revenons à notre cas pratique : si Samantha est effectivement poursuivie par le créancier, elle pourra toujours :

• solliciter un délai de grâce d'une durée maximale de deux ans (C. civ., art. 1343-5) ;

• solliciter l'ouverture d'une procédure de surendettement puisque l'impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société caractérise également une situation de surendettement (C. consom., art. L. 711-1).

<strong>Bilan global :</strong>

Ces cas pratiques montrent les efforts menés par le législateur pour protéger les cautions. Il serait déraisonnable aujourd'hui de proposer d'aller plus loin dans la protection de la famille se portant caution. De telles mesures décourageraient les créanciers de faire crédit aux familles ou les conduiraient à choisir des sûretés plus dangereuses pour les membres de la famille telles que les sûretés-propriétés.

La nature du consentement à l'épreuve du lien de famille : le cautionnement-libéralité

– La gratuité n'équivaut pas à une libéralité. – Le cautionnement donné par un membre de la famille est par essence gratuit. Cette gratuité ne signifie pas pour autant que le cautionnement doive être qualifié de libéralité. La meilleure manière de s'en convaincre est de se rappeler que la caution dispose d'un recours contre le débiteur principal afin de lui permettre d'être entièrement remboursée de ce qu'elle a payé326. L'existence d'un recours de la caution démontre l'absence de tout dessaisissement patrimonial, et c'est d'ailleurs sur ce fondement que la Cour de cassation a pu juger que le cautionnement ne tombe pas sous la prohibition de l'article 1422 du Code civil327. Malgré tout, l'idée selon laquelle un cautionnement pourrait incarner une libéralité indirecte est évoquée par la doctrine328. Cette évocation est généralement faite dans le souci de présenter de manière exhaustive le droit du cautionnement, quitte à aborder les thèmes qui revêtent le caractère le plus académique. L'opinion commune est que le cautionnement se prête assez difficilement à une requalification en libéralité.
Cependant, il existe une opinion doctrinale radicale affirmant que le cautionnement souscrit au profit d'un héritier présomptif doit être qualifié par principe de libéralité329. On ne peut souscrire à une telle pétition de principe qui nivelle l'extrême diversité des situations pouvant être rencontrées dans la pratique330. Un notaire qui serait chargé de rédiger un cautionnement authentique et qui serait inquiété par cette question de requalification, pourrait éventuellement rappeler dans un exposé préliminaire que la caution n'est aucunement mue par une intention libérale mais qu'elle contracte cet engagement par nécessité, afin de permettre au membre de sa famille de bénéficier d'un financement qu'il n'aurait pu obtenir sans l'octroi de la garantie. L'acte notarié pourrait également rappeler les recours dont la caution dispose afin d'ancrer davantage l'opération dans le giron des sûretés et préciser qu'une copie exécutoire pourra lui être délivrée pour faciliter l'exercice de son droit de recours331.
– Absence de recours et cautionnement-libéralité. – Il faudrait véritablement se trouver dans une situation où la caution refuse d'exercer son recours pour considérer que le cautionnement constitue à la rigueur une libéralité332. C'est à tout le moins la manière avec laquelle la doctrine résout la question : le cautionnement peut constituer une libéralité si la caution renonce à son droit de recours333. Mais comment savoir si la caution a renoncé à son droit de recours ? Certes, la renonciation pourrait apparaître dans l'acte de cautionnement, mais la situation semble relever du cas d'école. À notre avis, et dans la pratique, seules des circonstances ultérieures permettraient de démontrer l'absence de volonté de la caution d'exercer son recours. La preuve de telles circonstances ne sera d'ailleurs jamais chose aisée : à moins que la caution n'ait pris un engagement écrit de ne jamais exercer de recours, ce qui encore une fois sera rare, il faudra se livrer à une analyse minutieuse du comportement de la caution pour tenter d'en déduire une intention libérale. Ce comportement pourra se traduire, par exemple, dans le fait de ne pas avoir sollicité du créancier la délivrance d'une quittance subrogative, ou encore dans le fait de laisser la prescription éteindre le droit de recours de la caution.
Cependant les choses ne sont guère simples : le non-exercice du droit de recours, même lorsque celui-ci est avéré, ne manifeste pas nécessairement une intention libérale. En décidant d'abandonner ses poursuites, la caution a pu faire preuve simplement de réalisme en constatant que l'impécuniosité du débiteur rendait sa créance irrécouvrable. C'est donc le plus souvent l'impossibilité d'exécution, et non une intention libérale, qui conduit une caution à renoncer à son droit de recours334.
Il n'en demeure pas moins que la question peut laisser une place importante au pouvoir de volonté individuelle, d'autant que les configurations susceptibles de se présenter à un notaire sont multiples. Il se trouvera bien des hypothèses où la caution aura agi dans une intention libérale335. On peut ainsi imaginer, selon les circonstances, que l'avantage tiré du non-exercice du droit de recours soit incorporé dans une donation-partage consentie ultérieurement par la caution à ses enfants. De la même manière, un testament pourra utilement préciser si l'avantage tiré du non-exercice du droit de recours doit ou non être rapporté à la succession. Ce sont bien les seules hypothèses, à notre avis, qui permettront de traiter la question du cautionnement-libéralité sans s'adonner à la pratique de l'art divinatoire.