– Une faculté admise dès l'origine. – Nous avons vu que la loi no 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite « NRE », avait obligé les sociétés civiles créées avant le 1er juillet 1978 à s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002. Pour autant, elle n'a jamais interdit à ces mêmes sociétés de s'immatriculer après cette date ; cette possibilité ne soulève, en elle-même, aucune difficulté. Encore ne faut-il pas se méprendre sur sa portée. Il ne peut en effet s'agir que d'une immatriculation nouvelle (A), comme telle dépourvue d'incidence sur la propriété des actifs sociaux (B).
Possibilité de solliciter l'immatriculation de la société
Possibilité de solliciter l'immatriculation de la société
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Une immatriculation nouvelle
– Une formalité sans effet rétroactif. – Il ne fait aucun doute que les sociétés civiles constituées avant le 1er juillet 1978 qui n'auraient pas été immatriculées avant la date fatidique peuvent toujours accomplir cette formalité890, sans d'ailleurs que celle-ci soit enfermée dans un quelconque délai. Toujours est-il qu'il ne s'agit pas, comme on l'entend quelques fois, d'une « réimmatriculation », mais bien d'une immatriculation nouvelle, dans la mesure où les sociétés en cause n'ont jamais été identifiées au registre du commerce et des sociétés891. L'immatriculation tardive n'a donc pas d'effet rétroactif : elle fait apparaître une nouvelle société dotée de la personnalité juridique, mais n'efface en rien la période pendant laquelle la société ancienne en était dépourvue. D'ailleurs, les associés ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 1844-3 du Code civil selon lesquelles : « La transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle »892. Ils n'ont donc d'autre choix que de suivre la procédure applicable à la création d'une société nouvelle893 ; il n'existe, sur ce point, aucun tempérament légal, jurisprudentiel ou même administratif.
– Nécessité d'une décision unanime des associés. – L'immatriculation, après le 1er novembre 2002, d'une société civile constituée avant le 1er juillet 1978 doit être autorisée par une décision de la collectivité des associés894, le gérant n'ayant plus qualité pour agir. Plus précisément, les associés doivent, à l'unanimité895, autoriser une nouvelle immatriculation et donner mandat au gérant à l'effet d'accomplir les formalités nécessaires. Une formalité sans incidence sur la propriété des actifs sociaux.
Absence d'incidence sur la propriété des actifs sociaux
– Portée de l'immatriculation tardive. – À partir du moment où l'immatriculation tardive permet à la société d'acquérir de nouveau la personnalité juridique, il était tentant d'en déduire que l'accomplissement de cette formalité entraînait ipso facto le retour dans le patrimoine social des actifs qui s'y trouvaient au 1er novembre 2002. Cette conception de la portée de l'immatriculation nouvelle recueillait notamment la faveur des greffiers des tribunaux de commerce896. Au demeurant, elle présentait l'avantage de résoudre l'essentiel des difficultés posées par la vente d'un ancien immeuble social.
En dépit de sa commodité pour la pratique, cette opinion se heurtait toutefois à un obstacle de taille. Comme l'a fait remarquer un éminent auteur, « elle avait (…) peu de chances de prospérer devant la Cour de cassation, laquelle a déjà pu juger que la société en participation n'a « pas de patrimoine propre » »897 On ajoutera que, sur le plan de la publicité foncière, le retour au statu quo ante butait sur l'obligation de publier un transfert de propriété « intercalaire » au profit des associés existant à la date de la perte de la personnalité juridique.
Cet aspect a finalement été clarifié par la Cour de cassation, aux termes d'un arrêt rendu au visa des articles 1842 du Code civil, 32 du Code de procédure civile, 4 de la loi no 78-9 du 4 janvier 1978 et 44 de la loi no 2001-420 du 15 mai 2001. Pour la Haute juridiction, « l'immatriculation de la société postérieure au 1er novembre 2002, qui ne fait pas disparaître rétroactivement la période pendant laquelle la société a été dépourvue de la personnalité morale, implique un nouveau transfert des biens sociaux des associés vers la société, laquelle constitue une nouvelle personne morale »898. Le débat est donc clos : l'immatriculation après le 1er novembre 2002 est une nouvelle immatriculation qui suppose un nouveau transfert de propriété au profit de la société. En elle-même, l'immatriculation tardive ne suffit donc pas à mettre fin à l'indivision apparue sur les actifs sociaux à la date de la perte de la personnalité juridique.
– Nécessité d'un double transfert de propriété. – La principale difficulté posée par la perte de la personnalité juridique tient à l'apparition d'une indivision sur les actifs sociaux, à la date du 1er novembre 2002. Cette situation s'oppose en effet à la volonté qu'avaient eue les associés, lors de la constitution de la société, d'échapper à l'indivision en créant une personne morale.
Les associés ne peuvent revenir à cette situation initiale, mais peuvent néanmoins retrouver une organisation comparable, en apportant leurs droits indivis au profit d'une société nouvellement immatriculée, ce qui suppose un double transfert de propriété des actifs sociaux. Le simple dépôt d'un extrait Kbis auprès du service de la publicité foncière ne saurait donc permettre à l'ancienne société d'être de nouveau identifiée comme propriétaire des biens et droits immobiliers qui figuraient dans son patrimoine avant qu'elle soit déchue de la personnalité morale.
– Autres conséquences de l'immatriculation après le 1er novembre 2002. – Si la jurisprudence a permis de préciser la portée de l'immatriculation tardive en ce qui concerne la propriété des actifs sociaux, elle n'a cependant pas résolu toutes les difficultés que soulève l'accomplissement de cette formalité. Pour un auteur, à partir du moment où il s'agit bien d'une société nouvelle – ce qui ne fait à présent aucun doute –, il faut en tirer toutes les conséquences. La formalité supposera donc tout d'abord l'accord unanime des associés actuels899, statuant sur la base des statuts mis à jour900. Ensuite, il conviendra de procéder à la dissolution de la société en participation. Enfin, dans la mesure où la création d'une société nouvelle ne peut se901 concevoir sans la réalisation d'apports, il sera nécessaire, si telle est la volonté des associés, d'apporter les anciens actifs sociaux à la nouvelle structure ou, à défaut, d'effectuer de nouveaux apports avec toutes les conséquences que cela implique, notamment au regard du droit de préemption urbain902.