L'issue des opérations

L'issue des opérations

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– L'accord entre indivisaires. – Bien qu'une voie judiciaire soit ouverte, le législateur laisse toujours la possibilité aux anciens couples d'abandonner la voie judiciaire pour finaliser le partage à l'amiable, si les conditions simples de présence et de capacité prévues par l'article 835 du Code civil sont réunies659. Concrètement, dès qu'il dispose des renseignements suffisants pour le faire, le notaire commis rédige un projet d'acte d'état liquidatif, lequel est communiqué aux parties pour qu'elles puissent soit y consentir, soit établir leurs dires. Ce projet dressé en la forme ordinaire des actes notariés comporte également, si possible, un projet de composition des lots et un projet d'attributions. Lorsque les parties s'accordent sur le contenu dudit projet, le notaire rédige alors un acte de partage amiable, conformément aux dispositions de l'article 842 du Code civil, puis en informe le juge qui constate la clôture de la procédure (CPC, art. 1372).
– La défaillance de l'un des indivisaires. – Lorsque l'un des indivisaires ne participe pas aux opérations de partage judiciaire, l'article 841-1 du Code civil offre au notaire commis de faire désigner « toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations » au cours de la procédure de partage judiciaire. Ce mécanisme de représentation est le pendant du mécanisme prévu par l'article 837 du Code civil pour le seul partage amiable660. Malgré une rédaction voisine, l'attention du juriste doit être attirée sur les différences existant entre ces deux procédures. En effet, au cours de la phase amiable, le professionnel qualifié est missionné pour représenter le défaillant « jusqu'à la réalisation complète du partage » alors que dans le partage judiciaire, il le sera « jusqu'à la réalisation complète des opérations » avec une question essentielle en ligne de fond : le représentant désigné au titre de l'article 841-1 du Code civil peut-il signer l'acte de partage ? Une réponse négative semble s'imposer dans la mesure où cette faculté n'est pas prévue lors de la phase judiciaire alors qu'elle l'est expressément dans la phase amiable661. Cette incertitude renforce les critiques déjà suscitées par le recours au représentant du fait de la lourdeur de la procédure et du risque d'allongement de la procédure, suspendue entre la demande et la désignation (CPC, art. 1369).
À défaut de se tourner vers la désignation d'un représentant, le notaire commis peut dresser, comme dans la phase de partage amiable, un procès-verbal de carence, auquel est annexé le projet d'état liquidatif qu'il sera parvenu à établir sur la seule foi des pièces et informations communiquées par l'indivisaire diligent. En la forme, il peut aussi privilégier la rédaction d'un acte de partage, à la seule requête de ce dernier, sous la condition suspensive de l'homologation par le juge. On peut cependant légitimement s'interroger sur l'utilité de ces actes, notamment lorsque l'indivisaire diligent souhaite se voir attribuer un bien. Faut-il rappeler, en effet, qu'aucun texte ne donne au juge la faculté de procéder au partage par voie d'attribution, et l'on sait que la Cour de cassation veille scrupuleusement au respect de la règle662. Aussi, le procès-verbal de carence ne saurait-il aboutir à imposer un quelconque partage au défaillant. Au mieux, le juge peut homologuer le seul état liquidatif, à l'exclusion des attributions (CPC, art. 1375, al. 2). Quant à l'acte de partage sous la condition suspensive de l'homologation par le juge, encore faut-il espérer sensibiliser ce dernier à cette solution, ce qui conduit de fait à solliciter son agrément préalable, sous peine de rédiger un acte qui se révélera inefficace. À défaut, en pareille hypothèse, l'indivisaire diligent n'a d'autre choix que de solliciter un tirage au sort ou une licitation, ce qui apparaît naturellement comme une solution inopportune pour celui qui souhaite simplement être titré sur un bien indivis663. On touche là indubitablement à l'un des angles morts des textes relatifs au partage, dont on peut (toujours) espérer qu'ils fassent, dans les années à venir, l'objet d'une modification.
– Le désaccord entre indivisaires. – Lorsque les parties ne s'accordent pas sur le contenu de l'état liquidatif établi par le notaire commis, ce dernier doit les convoquer pour la réunion finale, au cours de laquelle il consigne leurs dires respectifs dans un procès-verbal, auquel est annexé son projet d'état liquidatif (CPC, art. 1373, al. 1er). En la forme, certains notaires privilégient la rédaction d'un « état liquidatif constatant les désaccords subsistant », qui reprend tous les points d'accord et de désaccord entre les parties, de manière aussi exhaustive que possible, et au sein duquel sont intégrés les dires ces dernières. En conclusion de son acte, le notaire rappelle les points qui demeurent encore en débat. Ce choix est opéré aux fins de faciliter le travail du juge commis qui se retrouve alors avec un seul document synthétique à étudier pour déceler les points de désaccord subsistant et trancher ces derniers664.
Quelle que soit sa forme, l'acte notarié est transmis au juge commis, lequel peut tenter une dernière conciliation en réunissant les parties, leurs conseils et le notaire commis. Si cette réunion n'aboutit pas à un accord, le juge statue sur les points de désaccord (CPC, art. 1375, al. 1er)665. Une fois qu'il a tranché les différends liquidatifs, le juge renvoie les parties vers le notaire commis pour procéder au partage des biens (CPC, art. 1375, al. 2). Dès lors, de deux choses l'une : soit les indivisaires s'entendent dans la foulée, sur la foi du jugement rendu, leurs droits liquidatifs ayant été fixés, pour procéder au partage de leurs biens. Soit de nouvelles discussions voient le jour concernant, cette fois-ci, les modalités du partage, auquel cas ce sont les règles de la procédure allégée qui vont prendre le relais.

La fixation de la date de jouissance divise par le juge

Pour éviter de nouvelles chicaneries liquidatives une fois leur jugement de « tranchage » rendu, certains juges aux affaires familiales ont pris habitude de fixer la date de jouissance divise, ce qui évite de nouvelles discussions concernant des comptes d'indivision qui continueraient à produire leurs effets entre la date du jugement et le jour de la signature de l'acte de partage. Bien évidemment, la fixation de la date de jouissance divise peut s'avérer dangereuse puisqu'elle gèle la valorisation des biens et met fin à d'éventuels comptes d'indivision, de sorte que l'occupant et attributaire du bien indivis peut y déceler un intérêt évident à demeurer dans les lieux, sans signer l'acte de partage. Pour éviter ces désagréments, certains magistrats fixent temporairement la date de jouissance divise, la conditionnant à la signature de l'acte de partage dans un délai raisonnable. Si cette façon de procéder paraît hardie d'un point de vue juridique, elle présente le mérite de favoriser une sortie rapide de l'indivision en incitant les uns et les autres à signer rapidement l'acte de partage, tout en évitant les méfaits attachés à une fixation définitive de la date de jouissance divise alors que les opérations ne sont pas achevées.