– Plan. – Dans la convention de Pacs, le praticien peut-il, à la demande des deux partenaires, prévoir conventionnellement des clauses relatives à la protection de la résidence principale (§ I), au devoir de fidélité (§ II), voire contractualiser les effets pécuniaires lors de la rupture (§ III) ? Ces points seront abordés successivement.
L'extension impossible des devoirs légaux
L'extension impossible des devoirs légaux
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
L'absence de protection de la résidence principale
– Pendant la durée du Pacs. – Le législateur n'a prévu aucune disposition protectrice relative au logement de la famille, à l'instar de l'article 215, alinéa 3, du Code civil. Et pour cause, le logement de la famille n'existe pas, le Pacs n'ayant aucune vocation familiale. Néanmoins, si le bien immobilier servant à l'habitation des deux partenaires fait l'objet d'un bail souscrit uniquement par l'un d'eux, l'autre bénéficie de la cotitularité du bail s'ils en font la demande conjointe auprès du bailleur575. Lorsque la résidence principale appartient exclusivement à l'un des partenaires, celui-ci peut en disposer librement, tant à titre onéreux qu'à titre gratuit, sans que l'autre n'ait à y consentir, de sorte que ce dernier « risque de se voir imposer un changement de son lieu de vie »576. Les partenaires pourraient-ils, dans la convention de Pacs, soumettre à une règle de cogestion les actes par lesquels ils disposent des droits qui assurent le logement de la famille ? En effet, « pourquoi les enfants d'un couple marié seraient-ils mieux assurés de la sauvegarde de leur logement que ceux d'un couple pacsé ? »577. Une telle protection ne peut pas être envisagée conventionnellement, et ce, pour plusieurs raisons578. Tout d'abord, un texte spécifique a été créé pour les époux, à l'inverse des partenaires. Ensuite, cette règle de cogestion imposée à l'alinéa 3 de l'article 215 du Code civil constitue une atteinte à la liberté de disposer de son bien immobilier. Sans texte spécifique, il semble difficile d'admettre une telle restriction au droit de disposer. Par ailleurs, cette clause serait inopposable aux tiers, sauf à faire publier la convention de Pacs au service de la publicité foncière. En outre, le partenaire qui n'aurait pas donné son consentement à l'acte de disposition ne pourrait pas en demander la nullité ; l'inexécution de son obligation par le propriétaire du bien immobilier ne pouvant donner lieu qu'au versement de dommages et intérêts. La sanction est finalement peu dissuasive. Enfin, quant au partenaire propriétaire dudit bien, il « serait dépourvu de recours légal pour remédier à d'éventuels blocages résultant d'un refus injustifié ou de l'impossibilité de consentir de son partenaire »579. En effet, les mesures prévues aux articles 217 et 219 du Code civil pour les époux n'ont pas été étendues aux partenaires580. Des auteurs préconisent, dans le cadre de la création d'un statut fondamental applicable à toutes les formes de conjugalité, « une extension de la protection du logement de la famille dans l'intérêt des seuls enfants des partenaires »581.
– À la dissolution du Pacs. – En cas de séparation du couple, le partenaire, non propriétaire du bien immobilier, peut être contraint, par l'autre de quitter les lieux sans préavis. Il ne lui est pas possible de s'y maintenir sans l'accord de son ex-partenaire. En cas de décès, si le partenaire survivant bénéficie d'un droit temporaire au logement – excepté s'il en a été privé par testament du défunt –, il n'a pas de droit viager au logement.
L'absence d'obligation de fidélité
– Une obligation de loyauté – a minima
. – Contrairement au mariage, les partenaires ne sont pas tenus par une obligation de fidélité. Pour autant, on imagine mal des futurs partenaires glisser à l'oreille du notaire qu'ils privilégient ce mode de conjugalité en raison précisément de cette absence de devoir. Ce professionnel du droit pourra toujours leur rappeler la célèbre ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Lille le 5 juin 2002, de laquelle il ressort « qu'il existe entre partenaires « pacsés » sinon une obligation de fidélité au moins une obligation de loyauté dérivant du droit commun des obligations contractuelles » et que « l'obligation de devoir exécuter loyalement le devoir de communauté de vie commande de sanctionner toute forme d'infidélité entre partenaires »582. Ainsi, toute partie à un contrat est tenue d'exécuter ses obligations de « bonne foi »583. Même si le partenaire victime d'un adultère a toujours la possibilité de réclamer des dommages et intérêts en cas de circonstances injurieuses lors de la séparation, il n'est pas possible de prévoir, dans la convention de Pacs, ni une clause de fidélité, ni celle prévoyant automatiquement le versement d'une indemnité en cas d'infidélité, car « elles conduiraient à instaurer une cause de dissolution « pour faute » »584. En outre, les tribunaux rappellent régulièrement que le devoir de fidélité est propre au mariage585. Néanmoins, « il n'est pas interdit aux partenaires d'être fidèles. Mais il ne peut s'agir que d'un engagement moral que les intéressés sont libres de prendre ou de ne pas prendre l'un envers l'autre »586.
– Une absence de présomption de paternité. – En réalité, l'absence du devoir de fidélité entre partenaires s'explique par le refus de leur étendre la présomption de paternité587. Le Pacs a été conçu, à l'origine, comme un contrat permettant notamment aux personnes de même sexe de contractualiser leur vie à deux. Le législateur a souhaité éviter toute interaction avec le droit de la filiation pour les empêcher d'accéder à la parenté. Le Pacs ne fonde pas la famille. Toutefois, depuis sa création, l'homoparenté a été reconnue avec l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe588. Ces dernières peuvent adopter un enfant, dont celui de leur partenaire589. Les couples de femmes bénéficient aussi de l'AMP avec tiers donneur590. Or, concernant la présomption de paternité, « puisqu'il est de la nature des choses que les enfants nés de parents mariés aient été conçus par ces derniers, il paraît difficile d'admettrequ'il n'en va pas de même pour les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (…) »591. Si certains auteurs souhaitent l'étendre aux partenaires au nom d'une stricte égalité entre tous les couples, d'autres revendiquent, au contraire, sa suppression592.
L'impossible contractualisation de la rupture du Pacs
– Des clauses réputées non écrites. – En cas de rupture du Pacs par une séparation des partenaires, certains auteurs se sont interrogés sur la possibilité d'insérer, dans la convention, une clause tendant à exclure tout recours indemnitaire, ou à l'inverse, d'envisager une indemnité due par celui à l'initiative de la rupture ou dont les ressources sont plus importantes. Tout d'abord, toute clause insérée dans le Pacs excluant tout recours indemnitaire serait réputée non écrite en raison de la rédaction de l'article 515-7, alinéa 10, du Code civil visant « la réparation du dommage éventuellement subi »593. Ensuite, pour la clause prévoyant le versement d'une indemnité, certains auteurs sont favorables à l'idée d'anticiper sur la rupture des partenaires594, celle-ci étant désormais une préoccupation de tous les couples ab initio
595. Ils considèrent en effet qu'il ne serait pas déraisonnable d'indemniser le partenaire le plus fragile dont les ressources seraient par exemple fortement diminuées par la rupture du couple après un certain nombre d'années de vie commune. Le Pacs étant un contrat, on aurait pu penser que cette anticipation contractuelle serait possible, les partenaires fixant, dans la convention initiale, des directives pour calculer l'indemnité en cas de séparation. Néanmoins, la doctrine majoritaire ne l'entend pas de cette manière de sorte que la « contractualisation de la rupture du couple n'est finalement pas là où on l'attendrait naturellement : elle est dans le mariage bien plus que dans le Pacs ! »596. Si l'extension de la prestation compensatoire au Pacs réduirait l'intérêt d'y recourir – la liberté de rompre facilement celui-ci explique en grande partie son succès –, on pourrait laisser aux praticiens la possibilité de faire preuve de créativité notariale en proposant aux couples des clauses « sur-mesure » dans leur convention de Pacs597. Certains diront – et ils n'auraient pas tort – que le Pacs se rapproche dangereusement du mariage. Par ailleurs, il ne faudrait pas que de telles clauses aient pour effet de dissuader un partenaire de rompre. Le Pacs obéit au droit commun des obligations en raison de sa nature contractuelle. À ce titre, l'article 1210 du Code civil prohibe les engagements perpétuels. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rappelé que « toute clause du pacte interdisant l'exercice [du] droit [de rompre] devra être réputée non écrite »598.
Vers un régime primaire impératif du couple ?
Des auteurs prônent la création d'un régime primaire applicable à tous les couples. Il serait fondé non pas sur le mariage ou le Pacs, mais tout simplement sur la notion de vie de couple599. Il contiendrait « des règles applicables de la même manière aux concubins, aux partenaires et aux époux ces règles seraient nécessairement impératives à l'image du régime primaire observé dans le mariage. Partant, seules des règles essentielles devraient être imposées »600. Si un tel statut ne devrait pas s'appliquer aux concubins601, serait-il opportun pour le Pacs et le mariage ? Dans la mesure où le mariage est désormais permis entre les personnes de même sexe, il n'est pas nécessaire de rapprocher encore davantage le Pacs du mariage – ou inversement. Chaque forme de conjugalité présente ses avantages et inconvénients. Rien n'empêche un couple de s'unir par le mariage s'il entend avoir une protection plus importante que celle offerte par le Pacs.