– Plan. – Après avoir rappelé les deux modalités de réduction (§ I), nous exposerons les effets de la réduction en valeur (§ II).
Les modalités de la réduction
Les modalités de la réduction
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Deux modalités de réduction
– Réduction en nature ou en valeur. – La réduction d'une libéralité excessive peut s'opérer selon deux modalités différentes ; en nature ou en valeur. Lorsque la réduction a lieu en nature, le bien qui a fait l'objet de la libéralité réductible est restitué par le gratifié dans la masse à partager, en tout ou en partie selon que la réduction est totale ou partielle. Lorsque la réduction a lieu en valeur, le gratifié conserve le bien donné ou acquiert le bien légué mais verse une indemnité de réduction aux réservataires destinée à parfaire leur réserve. La loi du 23 juin 2006 a profondément modifié les règles applicables en la matière.
– Dispositif antérieur au 1er janvier 2007. – Le Code civil de 1804 avait choisi le principe de la réduction en nature. L'héritier réservataire qui agissait en réduction revendiquait alors un droit sur tout ou partie des biens donnés ou légués. La loi no 71-523 du 3 juillet 1971 a ensuite adopté une solution mitigée faisant une place à la fois à la réduction en nature et à la réduction en valeur. Les modalités de la réduction dépendaient alors de deux critères : la qualité du gratifié (successible ou non successible), et la nature de la libéralité (donation ou legs).
– Principe de la réduction en valeur pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007. – La loi du 23 juin 2006 a généralisé le domaine de la réduction en valeur et simplifié par là même les règles de détermination des modalités de réduction. Ainsi, en vertu de l'article 924 du Code civil, la réduction en valeur s'applique désormais à toutes libéralités qui excédent le disponible quels que soient leur bénéficiaire, leur nature et « quel que soit cet excédent », y compris, donc, en présence d'une libéralité universelle. Dorénavant, les réservataires lésés n'ont plus de droit à une quote-part du corps héréditaire mais seulement à un droit de créance.
– Deux exceptions maintenues de réduction en nature. – La réduction en nature ne peut plus avoir lieu désormais que dans deux hypothèses : d'une part, si le gratifié la demande, et ce, à condition qu'il soit encore propriétaire du bien donné ou légué et qu'il n'en ait pas modifié l'état juridique (C. civ., art. 924-1, al. 1) et, d'autre part, en vertu de l'article 924-4 du Code civil, lorsque le bien donné ou légué a été aliéné sans le consentement du donateur et des réservataires et que le gratifié est insolvable. Dans ce cas, la réduction en nature peut être demandée à l'encontre du tiers détenteur par le biais de l'action en revendication.
Les effets de la réduction en valeur
– Plan. – En cas de réduction en valeur, le donataire ou légataire conserve la propriété des biens donnés, même en présence d'un legs universel, sans risque de créer une indivision avec les héritiers réservataires et donc de devoir partager avec eux, mais il doit leur verser une indemnité de réduction. Les héritiers réservataires se trouvent donc allotis de leur réserve au moyen d'une somme d'argent et non plus au moyen de biens successoraux. On verra, dans un premier temps, le montant de cette indemnité de réduction (A) puis les modalités de son règlement (B).
Montant de l'indemnité de réduction
– Dette de valeur. – En vertu de l'article 924-2 du Code civil, l'indemnité de réduction est calculée en valeur partage selon le même mécanisme de la dette de valeur que pour le rapport. Par conséquent, en cas de réduction totale d'une libéralité, l'indemnité de réduction s'élève à la valeur entière du bien donné ou légué au jour du partage. En cas de réduction partielle, c'est-à-dire lorsqu'une fraction seulement de la libéralité excède la quotité disponible, un calcul proportionnel doit être opéré. L'indemnité de réduction se calcule alors en deux temps : la portion réductible de la libéralité excessive est calculée en valeur décès à l'issue des opérations préalables de contrôle de l'intégrité de la réserve (I), laquelle est ensuite réévaluée en valeur partage pour déterminer le montant de l'indemnité de réduction (II).
Détermination de la portion et de la fraction réductibles au décès
Principe
– Produit en croix. – La portion réductible correspond au dépassement de quotité disponible après imputation des libéralités. À partir de cette portion réductible, on détermine la fraction réductible de la libéralité excessive comme suit :
Fraction réductible = | Dépassement de la quotité disponible | |
Montant de la libéralité au décès |
La réduction proportionnelle des legs
– Principe. – Selon l'article 926 du Code civil, la réduction des legs excédant la quotité disponible, ou le reliquat de cette quotité après imputation des donations, « sera faite au marc le franc, sans aucune distinction entre les legs universels et les legs particuliers ».
– Méthodologie en cas de réduction proportionnelle de legs particuliers. – On additionne le montant total légué, comme s'il s'agissait d'une seule libéralité, puis on le compare à la quotité disponible pour obtenir le montant du dépassement. Ce dépassement, rapporté au montant total légué permet de déterminer la fraction réductible des legs :
Dépassement de la quotité disponible | ||
Montant total légué |
On applique ensuite ce taux de réduction à chaque legs.
– Méthodologie en cas de réduction proportionnelle d'un legs à titre universel et de legs particuliers. – On procède comme en présence de plusieurs legs particuliers en faisant la somme de l'émolument de chacun des légataires pour déterminer la fraction réductible, et l'on applique cette fraction à l'émolument de chacun des légataires.
– Méthodologie en cas de réduction proportionnelle d'un legs universel et d'un legs à titre universel et/ou particulier. – Le légataire universel ayant vocation à recueillir toute la succession, son émolument théorique est l'intégralité de la succession. Cet émolument théorique se distingue de son émolument effectif qui s'entend déduction faite des legs à titre universel et legs particuliers, soit :
Émolument effectif = toute la succession déduction faite des legs à titre universel et legs particuliers = (x).
On applique ensuite le taux de réduction sur l'émolument effectif (x) du légataire universel comme sur l'émolument du légataire particulier ou à titre universel.
Montant de l'indemnité de réduction au partage
– Principe. – Afin d'obtenir le montant de l'indemnité de réduction au jour du partage, on applique la fraction réductible à la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage, soit :
Indemnité de réduction = fraction réductible (taux de réduction) × valeur au partage des biens donnés ou légués.
À noter que ce principe s'applique même pour les biens reçus par donation-partage. L'évaluation dérogatoire de l'article 1078 du Code civil ne concerne que les opérations préalables de détection de l'atteinte à la réserve, et non le calcul du montant de l'indemnité de réduction.
– Cas particulier. Aliénation du bien. – Si le gratifié a aliéné le bien avant le partage, l'indemnité de réduction se calcule d'après sa valeur à l'époque de l'aliénation ou, en cas de subrogation, d'après la valeur du bien subrogé à l'époque du partage, en faisant abstraction dans les deux cas des modifications imputables au gratifié intervenues sur le bien.
– En l'absence de partage. – En présence d'un legs universel réductible en valeur, la Cour de cassation a jugé que l'indemnité de réduction doit, en application de l'article 924-2 du Code civil, être évaluée à la date où elle est liquidée, à défaut de partage dans ce cas.
Modalités de règlement de l'indemnité de réduction
Moment du règlement
– Principe et octroi de délais. – L'indemnité de réduction est payable au moment du partage. Toutefois, des délais de paiement peuvent être accordés au débiteur gratifié, soit conventionnellement par les héritiers réservataires, soit par le disposant, soit également par le juge. Dans les deux derniers cas, l'article 924-3 du Code civil encadre les conditions dans lesquelles le crédit peut être octroyé. Le disposant ou le juge ne peuvent accorder un délai de paiement que dans l'hypothèse où la libéralité a pour objet un bien susceptible d'attribution préférentielle, lequel délai ne peut excéder dix ans à compter du décès, et l'indemnité de réduction est alors soumise au mécanisme d'indexation prévu pour les soultes (C. civ., art. 828). Enfin, le dernier alinéa dudit article prévoit qu'« en cas de vente de la totalité du bien donné ou légué, les sommes restant dues deviennent immédiatement exigibles ; en cas de ventes partielles, le produit de ces ventes est versé aux cohéritiers et imputé sur les sommes encore dues ».
Garantie de paiement
– Privilège spécial immobilier. – L'article 2402, 4o du Code civil prévoit un privilège spécial immobilier en garantie du règlement de l'indemnité de réduction lorsque la libéralité porte sur un immeuble.
Modes de paiement
– Règlement en moins prenant. – Dès lors que le gratifié débiteur a des droits dans le partage successoral, le règlement de l'indemnité de réduction se fera en moins prenant à hauteur de ses droits. Autrement dit il lui sera attribué, dans le partage, l'indemnité de réduction qu'il doit à la succession, laquelle s'éteindra à due concurrence de ses droits par confusion.
– Règlement en argent. – Lorsque le règlement en moins prenant n'est pas possible, soit totalement, parce que le gratifié débiteur n'a aucun droit dans la masse à partager ou qu'il n'y a pas de masse à partager en présence d'un legs universel, soit partiellement, lorsque ses droits dans celle-ci sont inférieurs au montant de l'indemnité de réduction, il devra alors régler son montant en argent pour la totalité ou pour le complément. On note que le défunt pourrait fournir les fonds nécessaires à ce paiement au moyen d'un contrat d'assurance-vie, par principe non comptabilisé dans la succession.