Les mérites de l'impérativité

Les mérites de l'impérativité

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025

L'illusion du consentement

– La liberté contractuelle et la force obligatoire du contrat. – Selon l'article 1103 du Code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Les parties sont ainsi libres de s'engager sous réserve des limites posées par le droit. En effet, « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public »167. Le glissement de l'individualisme vers l'individualisation décrit ci-dessus puise ses sources dans un mouvement philosophique et sociologique qui a placé l'autonomie de la volonté au sommet de la hiérarchie des valeurs. Il est pourtant illusoire de penser que le consentement soit un critère suffisant pour sauvegarder la liberté individuelle et pour déterminer le bien-fondé d'un acte. Comme le regrette Muriel Fabre-Magnan en évoquant un leurre, « le consentement devient aujourd'hui le seul critère de légitimité des actes »168.
– Le contrat lie, l'ordre public contraint. – Cette nature ambivalente du contrat, fruit de l'indépendance et instrument d'aliénation privé, explique que dans le débat éthique contemporain, la liberté soit à l'origine de deux considérations en droit de la famille, qui paraissent, à première vue, contradictoires :
  • l'ordre public : il se décline en deux facettes, ordre public de direction et ordre public de protection. Si le premier assure l'intérêt général169, le second constitue un rempart contre la liberté individuelle de celui qui s'engage et de celui qui subit l'acte, sous la forme d'une protection publique170 ;
  • le mouvement de contractualisation : au nom de la liberté économique contractuelle, le pouvoir de la volonté prend de plus en plus de place. Il conduit à l'aliénation privée et consentie de la liberté. Le paradoxe de la liberté contractuelle revêt une gravité particulière en matière de statut personnel. La dépendance, la vulnérabilité, le handicap, la détresse financière peuvent conduire la partie faible à un engagement déséquilibré. Si la question demeure sérieuse en matière patrimoniale, elle devient très complexe en matière d'identité et douteuse lorsqu'elle justifie l'exploitation d'autrui171. Si certaines de ces questions ne sont pas de droit positif en France, elles viennent néanmoins impacter notre société de manière indirecte notamment en matière de GPA. Certains auteurs la posent clairement : quelle est la liberté d'une femme de consentir à porter l'enfant d'autrui ?

Le nécessaire équilibre

– Un équilibre à trouver. – L'augmentation de la subjectivisation du droit peut mener à une liberté excessive de l'individu. Il faut donc trouver un équilibre entre l'ordre public et la contractualisation au nom de cette même liberté. En la matière, la voie est étroite. Les enjeux de responsabilité et de dignité de la personne doivent guider le législateur. Les risques sont différents au sein du couple, au sein de la famille plus élargie et à l'égard des enfants.