– Évolution jurisprudentielle. – La mise à disposition gratuite d'un logement nourrit une abondante jurisprudence. Celle-ci a évolué au fil des années mais semble fixée depuis 2012.
Tout d'abord, lors d'un important arrêt rendu le 14 janvier 1997614, la Cour de cassation avait admis le rapport des fruits et des revenus. En énonçant que l'article 843 du Code civil, qui prescrit le rapport des donations, « n'opère aucune distinction selon que le défunt a donné un bien ou seulement les fruits de celui-ci », elle rompait alors avec une jurisprudence de 1917615 qui avait posé le principe contraire de l'exclusion du rapport. Cette solution jurisprudentielle a ensuite été consacrée par le législateur de 2006 à l'article 851, alinéa 2 du Code civil.
En 2005, la Cour de cassation a jugé que l'occupation gratuite d'un immeuble par un enfant constituait un avantage indirect rapportable, et ce sans même qualifier cet avantage ni rechercher l'intention libérale616.
Dans un arrêt du 3 mars 2010617, la cour a écarté cette fois le rapport de l'avantage tiré de l'occupation gratuite d'une maison sur le fondement des frais de nourriture et d'entretien légalement non rapportables en vertu de l'article 852 du Code civil, sauf volonté contraire du de cujus.
Puis, par quatre arrêts décisifs618, la Haute juridiction est revenue sur le chemin de l'orthodoxie, en décidant que « seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession »619. Par conséquent, il ne suffit plus de constater que la mise à disposition gratuite d'un logement constitue un avantage indirect devant être rapporté à la succession, il faut dorénavant prouver une libéralité, sans laquelle il ne peut pas y avoir de rapport. Pour que l'avantage soit qualifié de libéralité, le demandeur du rapport devra apporter la preuve de ses deux éléments constitutifs, savoir primo, l'élément matériel, c'est-à-dire l'appauvrissement du disposant, et secundo, l'élément intentionnel, c'est-à-dire l'intention libérale qui traduit la volonté de gratifier, ce qui sera beaucoup plus difficile à établir. La preuve peut être apportée par tous moyens. En revanche, la Cour de cassation interdit de déduire l'intention libérale de l'appauvrissement620.