Les libéralités soumises au rapport

Les libéralités soumises au rapport

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025

Principe et exceptions légales

– Principes. – Toutes les donations sont présumées rapportables, sauf volonté contraire du disposant, et ce quelle que soit leur forme : donations ostensibles, déguisées, indirectes, dons manuels. Le déguisement n'écarte pas la présomption de donation en avancement de part successorale.
Au rebours, les legs peuvent également être soumis au rapport, mais dans ce cas une disposition expresse du disposant sera nécessaire ; à défaut, la présomption de dispense de rapport jouera. L'intérêt sera d'attribuer un bien à un héritier ab intestat, en évitant ainsi l'indivision, tout en voulant maintenir l'égalité entre ses héritiers.
– Libéralités dispensées de rapport. – Certaines libéralités sont dispensées du rapport :
  • les présents d'usage, c'est-à-dire les cadeaux consentis à l'occasion de certains événements et conformément à un certain usage (anniversaire, mariage, fiançailles, étrennes, réussite aux examens, etc.), sont exclus du domaine du rapport, sauf volonté contraire du disposant (C. civ., art. 852). Le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant ;
  • certains frais sont dispensés de rapport, sauf volonté contraire du disposant : frais de nourriture, d'entretien, d'éducation et d'apprentissage et frais d'équipement et de noces (C. civ., art. 852) ;
  • par nature, et sauf à être disqualifiées et requalifiées en donations simples, les donations-partages ne sont pas rapportables. Dans la mesure où le rapport est un élément de la masse à partager, il n'y a pas lieu de rapporter ce qui est déjà partagé ;
  • les sommes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie ne sont pas soumises au rapport (C. assur., art. L. 132-13)613. Deux exceptions cependant : les primes manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur (C. assur., art. L. 132-13, al. 2), et en cas de requalification du contrat en donation indirecte.

Le régime diffère selon la nature de l'aide

On notera que les frais d'éducation et d'apprentissage ne recouvrent pas les dépenses d'établissement dans la vie professionnelle qui, elles, doivent être rapportées aux termes de l'article 851, alinéa 1 du Code civil. Ainsi, l'enfant poursuivant de longues études coûteuses n'aura pas à rapporter les sommes importantes investies par ses parents dans son éducation et son apprentissage alors que son frère, jeune artisan n'ayant pas poursuivi d'études et qui se voit allouer par ses parents un capital d'un montant équivalent lui permettant d'acquérir un fond artisanal, devra effectuer le rapport au moment du partage successoral de ses parents. Opportunément, le législateur de 2006 a désormais prévu à l'article 852 la possibilité pour les parents de rendre rapportables les frais d'entretien, d'éducation et d'apprentissage afin de permettre un rééquilibrage entre leurs enfants et éviter cette iniquité. Comme l'indique notre confrère Yves Delecraz, « pour éviter toute contestation ultérieure, c'est la voie de l'accord des parties qui doit être privilégiée, du vivant et sous l'autorité des parents »612.

Les libéralités douteuses

L'hébergement gratuit

– Évolution jurisprudentielle. – La mise à disposition gratuite d'un logement nourrit une abondante jurisprudence. Celle-ci a évolué au fil des années mais semble fixée depuis 2012.
Tout d'abord, lors d'un important arrêt rendu le 14 janvier 1997614, la Cour de cassation avait admis le rapport des fruits et des revenus. En énonçant que l'article 843 du Code civil, qui prescrit le rapport des donations, « n'opère aucune distinction selon que le défunt a donné un bien ou seulement les fruits de celui-ci », elle rompait alors avec une jurisprudence de 1917615 qui avait posé le principe contraire de l'exclusion du rapport. Cette solution jurisprudentielle a ensuite été consacrée par le législateur de 2006 à l'article 851, alinéa 2 du Code civil.
En 2005, la Cour de cassation a jugé que l'occupation gratuite d'un immeuble par un enfant constituait un avantage indirect rapportable, et ce sans même qualifier cet avantage ni rechercher l'intention libérale616.
Dans un arrêt du 3 mars 2010617, la cour a écarté cette fois le rapport de l'avantage tiré de l'occupation gratuite d'une maison sur le fondement des frais de nourriture et d'entretien légalement non rapportables en vertu de l'article 852 du Code civil, sauf volonté contraire du de cujus.
Puis, par quatre arrêts décisifs618, la Haute juridiction est revenue sur le chemin de l'orthodoxie, en décidant que « seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession »619. Par conséquent, il ne suffit plus de constater que la mise à disposition gratuite d'un logement constitue un avantage indirect devant être rapporté à la succession, il faut dorénavant prouver une libéralité, sans laquelle il ne peut pas y avoir de rapport. Pour que l'avantage soit qualifié de libéralité, le demandeur du rapport devra apporter la preuve de ses deux éléments constitutifs, savoir primo, l'élément matériel, c'est-à-dire l'appauvrissement du disposant, et secundo, l'élément intentionnel, c'est-à-dire l'intention libérale qui traduit la volonté de gratifier, ce qui sera beaucoup plus difficile à établir. La preuve peut être apportée par tous moyens. En revanche, la Cour de cassation interdit de déduire l'intention libérale de l'appauvrissement620.
– Libéralité ou non-libéralité. – La question de l'hébergement gratuit d'un enfant se situant au cœur des solidarités familiales et des devoirs de famille, l'on constate en pratique que la réunion de ces deux éléments ne se retrouve pas toujours lorsque des parents laissent à la disposition de l'un de leurs enfants un logement gratuitement, ou bien règlent pour son compte ses loyers, ou encore le dispensent du versement à leur profit de loyers exigibles. En effet, comment qualifier l'avantage procuré à une fille résultant du paiement de ses loyers pendant plusieurs années par ses parents, alors qu'elle se retrouve veuve avec un enfant handicapé à charge ? De même, comment qualifier la dispense de versement de loyers à un enfant atteint d'une maladie qui ne lui permet pas de travailler dans des conditions normales de rentabilité, contrairement à ses autres frères et sœurs ? Il est évident que les circonstances de la cause sont essentielles à l'analyse. L'hébergement gratuit pourra être justifié par diverses autres raisons explicables par des notions juridiques :
  • l'obligation légale alimentaire prévue aux articles 205 et 207 du Code civil, et/ou l'obligation légale d'entretien énoncée à l'article 852 du même code, excluant ainsi toute intention libérale ;
  • un prêt à usage ou commodat, qui constitue un contrat de service gratuit, par définition neutre car un prêt ne transfère ni ne constitue aucun droit réel sur le bien prêté ; il ne saurait donc donner lieu à restitution lors du règlement de la succession ;
  • l'existence de contreparties procurées par l'enfant bénéficiaire de l'hébergement gratuit : le financement de travaux sur le bien ou même leur réalisation, la prise en charge de dépenses incombant au de cujus ou les lui avoir évitées, ou encore avoir personnellement veillé sur lui au-delà de la piété filiale.
Si le rapport a pour finalité d'assurer l'égalité entre les héritiers, il n'implique pas une stricte égalité arithmétique entre eux. Aussi, la solution de principe retenue par la Cour suprême en 2012, qui introduit une certaine souplesse dans le règlement successoral, doit être approuvée. Le rapport n'est plus automatique par simple constat de l'avantage procuré, sans pour autant préjudicier aux cohéritiers dans le cas où ils rapportent la preuve de l'intention libérale, laquelle sera souvent présumée à partir d'un certain nombre d'éléments de fait ou déduite à défaut d'autres causes possibles. La souplesse est ici garante d'équité621 et l'appréciation des juges du fond restera souveraine.
– Conseils du notaire. – En vue de pacifier le règlement futur des successions, le notaire conseillera du vivant des parents de lever le doute sur la qualification de l'avantage procuré, soit lors de la mise à disposition du logement, soit ultérieurement par testament ou par incorporation de l'avantage dans une donation-partage. À l'ouverture de la succession, il informera les héritiers de la jurisprudence de la Cour de cassation et des risques éventuels de requalification ou non de l'avantage en libéralité compte tenu du contexte familial. Comme le rappelle le professeur Michel Grimaldi, « la liquidation d'une succession ou d'un régime matrimonial n'est pas une science exacte. (…). Et c'est tant mieux, car une règle, par hypothèse conçue en des termes généraux, ne peut pas tomber juste dans tous les cas (…). Or, précisément, s'agissant de l'hébergement gratuit, le plus raisonnable est de ne point y voir une donation rapportable. (…). Ceci, sans préjudice de la preuve qui, au cas par cas, peut être faite d'une intention libérale et qui permet alors de rétablir une égalité que l'absence de rapport méconnaîtrait manifestement. (…). Il relève de l'art de la liquidation ou plus simplement du bon sens du liquidateur de discerner, au vu des circonstances, ce qui doit être pris en compte » 622.

Donations-partages disqualifiables

Causes de disqualification

– Donation-partage et indivision ne vaut. – Par sa définition même, la donation-partage est à la fois donation et partage. Elle permet au donateur d'anticiper le règlement de sa succession en donnant et en partageant ses biens au profit de ses présomptifs héritiers. Cette nature hybride a été rappelée par la Cour de cassation dès 1947623, mais surtout dans deux arrêts importants des 6 mars 2013624 et 20 novembre 2013625, qualifiés « de principe » par la doctrine. Dans cette dernière affaire, la Cour suprême rappelle, en reprenant quasiment les mêmes termes que dans la précédente, qu'« il n'y a de donation-partage que dans la mesure où l'ascendant effectue une répartition matérielle des biens donnés entre ses descendants » et « quelle qu'en ait été la qualification donnée par les parties, l'acte litigieux, qui n'attribuait que des droits indivis à deux des trois gratifiés n'avait pu opérer un partage, de sorte que cet acte s'analysait en une donation entre vifs ». La Cour de cassation condamne ainsi la pratique des donations-partages qui réalisent des attributions indivises même partielles entre les copartagés, c'est-à-dire à la fois de lots divis et de lots indivis. Autrement dit, l'acte de donation-partage ne doit pas créer d'indivision. En l'état de cette jurisprudence, la qualification de donation-partage ne peut être retenue que lorsque le partage des biens donnés est global. Dans la mesure où l'acte laisserait subsister des biens en indivision entre les donataires, quand bien même d'autres seraient attribués de manière divise, l'acte peut être disqualifié en donation simple. La disqualification va engendrer d'importantes conséquences.

Conséquences de la disqualification

– Inapplicabilité du régime particulier des donations-partages. – Rappelons qu'une donation-partage bénéficie d'un régime particulier. Ses deux principales caractéristiques sont, d'une part, qu'elle n'est pas soumise au rapport successoral puisqu'elle opère, elle-même, un partage anticipé de succession et, d'autre part, qu'elle bénéficie du gel des valeurs pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve prévu à l'article 1078 du Code civil, dérogeant ainsi au droit commun de l'article 922 du même code. Aussi, les conséquences de la disqualification de l'acte en donation simple sont très importantes puisque le droit commun des donations retrouve à s'appliquer. La donation-partage déqualifiée devient assujettie au rapport à succession et perd le bénéfice du gel des valeurs au regard de la protection de la réserve.
– La donation devient rapportable. – La donation-partage déqualifiée devient sujette au rapport. Deux conséquences principales en découlent.
D'une part, le partage des plus-values entre les héritiers. Chacun des héritiers devra rapporter son lot. Les comptes devront alors être faits au partage aux fins d'égalité. Alors que, dans le cadre d'une donation-partage, toutes les plus-values afférentes aux biens allotis restent définitivement acquises à chacun des attributaires, le rapport va faire bénéficier à tous les héritiers des plus-values acquises par chacun des lots. Aussi, lorsqu'un lot aura pris beaucoup plus de valeur que les autres, les héritiers allotis moins avantagés au titre des plus-values auront intérêt à demander la disqualification de l'acte.
D'autre part, la prise en compte dans la masse de calcul des droits légaux du conjoint survivant. Si la question reste discutée de l'intégration ou non des donations-partages dans la masse de calcul des droits légaux du conjoint survivant626, cette question ne se pose plus lorsque la donation-partage est requalifiée en donation rapportable. Elle sera sans aucun doute et sans contestation possible intégrée dans la masse de calcul des droits légaux du conjoint survivant. On mesure ici l'intérêt pour un conjoint survivant, particulièrement dans les familles recomposées, de demander la disqualification à l'effet d'augmenter ses droits légaux successoraux.
– Les valeurs ne sont plus gelées. – Alors que les donations-partages bénéficient d'une règle autonome d'évaluation des biens pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve en figeant les valeurs au jour de l'acte, en cas de déqualification de l'acte en donation simple, les biens donnés devront être réévalués au jour du décès conformément au droit commun de l'article 922 du Code civil. Mathématiquement, cette réévaluation va augmenter la masse de calcul de la quotité disponible et de la réserve et pourra avoir une incidence sur l'étendue des legs et leur réductibilité. Par conséquent, les légataires et le conjoint survivant gratifié pourront avoir intérêt à demander la disqualification de l'acte.
– Solutions et rôle du notaire. – Dans ce contexte incertain, le notaire a un rôle majeur. Il y a lieu de distinguer deux périodes : avant et après le décès du donateur.
Du vivant du donateur, et pour éviter l'écueil de la requalification, le notaire doit alerter les parties du risque de disqualification et les inviter à partager par acte séparé sous la médiation du donateur, et pas seulement en sa présence. Cet acte de partage séparé rendra exigible la fiscalité du droit de partage. Il pourra aussi être proposé aux parties, pour écarter toute indivision, la constitution d'une société et la répartition matérielle des parts entre les héritiers627.
Lors de l'ouverture de la succession, en présence d'une donation-partage contenant des quotes-parts indivises, la situation du notaire est délicate. Il devra informer les ayants droit du défunt de l'état de la jurisprudence et du risque de disqualification. À notre sens, le notaire ne peut disqualifier lui-même d'office l'acte que les parties ont qualifié de donation-partage. Seuls les héritiers et légataires du défunt qui ont un intérêt à agir, ou à défaut le juge, pourront déqualifier l'acte litigieux et le requalifier en donation simple. Lors du règlement de la succession, le notaire recueillera alors la position des parties. De deux choses l'une. Soit elles sont toutes d'accord pour sauvegarder la qualification de donation-partage ou, à l'inverse, requalifier l'acte en donation simple. Soit elles ne sont pas toutes d'accord, et le règlement de la succession sera alors bloqué. Seule une décision judiciaire statuant sur la qualification de l'acte permettra le règlement de celle-ci.
Cette analyse civile des donations-partages de quotes-parts indivises est en revanche sans effet sur le plan fiscal.
– Sur le plan fiscal. – Contrairement au droit civil qui peut aboutir à la requalification de la donation-partage de droits indivis en donation simple, l'administration fiscale continue d'appliquer le régime de faveur au partage ultérieur d'une donation-partage indivise, qu'il se réalise avant ou après le décès du donateur. La doctrine administrative précise expressément ce qui suit : « Le partage des biens donnés doit être opéré dans l'acte de donation-partage. Mais l'acte qui se borne à une simple attribution de quotité à chaque donataire, sans division matérielle des biens entre les descendants, est également considéré comme une donation-partage : le droit de partage sera ultérieurement exigible sur l'acte par lequel les donataires procéderont au « lotissement » »628.
On relève que ce texte ne distingue pas selon que le partage est effectué avant ou après le décès du donateur : le régime de faveur est donc pareillement appliqué dans les deux cas. Le droit de partage reste donc dû, à l'exclusion de toute taxe ou droit afférent aux mutations à titre onéreux, et ce même en cas de partage avec soulte. Il en va de même pour les partages629 comme pour les licitations630.
Sur le plan des plus-values immobilières, la fiscalité étant alignée sur celle des droits d'enregistrement, le partage, même effectué après le décès du donateur, sera considéré comme une opération intercalaire. Autrement dit, pour le moment, l'administration ne semble pas vouloir tirer les conséquences de la requalification en donation simple qu'implique le droit civil. Il semble qu'elle continue toujours de se fonder sur l'origine successorale de l'indivision créée par une donation-partage.
Ces bienfaits fiscaux expliquent que des donations-partages avec quotes-parts indivises continuent d'être régularisées même après la jurisprudence de 2013, particulièrement lorsque l'acte dénommé donation-partage n'attribue que des quotes-parts indivises égalitaires de mêmes biens entre les présomptifs héritiers. Dans ce cas, la problématique de partage des plus-values ne se pose pas puisqu'ils sont propriétaires indivisément et égalitairement des mêmes biens. Ils pourront en revanche bénéficier, lors du partage ultérieur, du régime fiscal de faveur des donations-partages.
– Quelles solutions proposer ?. – La donation-partage est un partage anticipé de la succession du donateur au profit de ses héritiers présomptifs. Elle est un pacte sur succession future expressément autorisé par la loi bénéficiant d'un régime d'exception, évitant notamment de refaire les comptes au décès, mais sous réserve d'en respecter les conditions légales prévues à l'article 1078 du Code civil. L'interprétation stricte de la Cour de cassation se justifie sur le plan juridique. Malheureusement, sur le plan pratique, il n'est pas toujours possible, en raison de la composition du patrimoine du ou des parents, de former des lots divis pour chacun des enfants. L'allotissement de quotes-parts indivises permet généralement de répartir économiquement un bien plus fort en valeur entre certains héritiers seulement. Cette façon de procéder a toujours été davantage dictée par des raisons économiques et mathématiques que par une volonté de ne pas répartir matériellement l'ensemble des biens donnés. Ainsi les minutiers des notaires sont-ils remplis de donations-partages au moins en partie indivises.
Le risque n'est-il pas de ne plus pouvoir utiliser ce formidable outil au service de la paix des familles ? Combien d'entre elles peuvent réaliser une « vraie donation-partage » avec un allotissement quasiment égalitaire entre les enfants, comme imposé par l'interprétation jurisprudentielle ?
Il est dommage tant pour les familles traditionnelles que recomposées, de se passer de ce formidable outil d'anticipation et de pacification des successions. À titre d'illustration, dans une famille recomposée comprenant deux fratries issues d'unions différentes, lorsque la composition de lots exclusivement divis n'est pas réalisable du fait du patrimoine du disposant, ne vaut-il pas mieux attribuer des lots divis à la première fratrie et des quotes-parts indivises sur un même bien d'une valeur plus importante à la seconde plutôt que de ne rien pouvoir faire du tout ? On relève que le législateur permet, dans le cadre d'une donation-partage transgénérationnelle, d'allotir les descendants d'un degré subséquent « séparément ou conjointement entre eux » (C. civ., art. 1078-4).
On constate, en pratique, que les familles sont attachées à une conception égalitaire de leur transmission souvent plus qu'à une répartition totale de leurs biens. Plus encore, elles souhaitent écarter les déséquilibres parfois injustes auxquelles les règles de réévaluation dans le rapport et la réduction peuvent aboutir pour les donations simples en avancement de parts successorales. Dans cette optique, le gel des valeurs est l'un des attraits majeurs de la donation-partage.
Reste qu'il ne semble pas possible de désavouer la jurisprudence de la Cour de cassation, manifestement parer de tous les atours d'une saine logique juridique et qu'il ne parait pas davantage judicieux de préconiser une intervention législative qui permettrait d'allotir partiellement en indivision, en ce qu'elle risquerait de dénaturer l'institution et lui faire perdre sa cohérence. Parce qu'en outre, toutes les solutions de substitution qu'offrent le droit positif apparaissent imparfaites et décevantes (clause de rapport forfaitaire, RAAR ou SCI), il nous semble que la solution devrait être recherchée ailleurs. Il s'agirait, pour ne pas porter atteinte aux colonnes du temple de la donation-partage, de créer un nouveau pacte de famille, lequel prévoirait le gel des valeurs en présence de donations simples en avancement de parts successoral631.