– Une doctrine divisée. – Il reste que, pour certains biens, leur qualification au regard du régime de l'indivision d'acquêts reste incertaine et divise la doctrine. Certains auteurs proposent de raisonner par analogie avec le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts dans la mesure où ce dernier a inspiré celui de l'indivision d'acquêts. Toutefois, cette affirmation n'est pas toujours exacte. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer aux revenus perçus par les partenaires après l'enregistrement du Pacs, lesquels leur demeurent personnels contrairement aux gains et salaires qualifiés de biens communs, dès leur perception, par les époux mariés sous le régime légal. C'est pourquoi d'autres auteurs préconisent l'application de règles propres à l'indivision d'acquêts en se référant à l'esprit de liberté dans le Pacs. Face à ces débats, le notaire se doit de trancher ces difficultés et adapter les clauses dans la convention de Pacs, sans pour autant dénaturer l'éventuelle impérativité du régime. Si l'un des partenaires est amené à contester l'une de ces clauses lors de la dissolution du Pacs, il reviendra au juge de trancher le litige en l'absence de disposition expressément prévue dans le Code civil. Une clarification législative serait, en conséquence, la bienvenue.
Les lacunes nécessitant une intervention législative
Les lacunes nécessitant une intervention législative
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Les fruits et revenus de biens indivis. – En application du droit commun de l'indivision, « les fruits et revenus des biens indivis accroissent à l'indivision (…) »633. Néanmoins, dans la mesure où il ressort de l'article 515-5-2 du Code civil que les deniers perçus, à quelque titre que ce soit, pendant la durée du Pacs sont exclus de l'indivision d'acquêts tant qu'ils ne sont pas employés à l'acquisition d'un bien, il pourrait être soulevé que les fruits et revenus des biens indivis sont exclus de l'indivision d'acquêts. Comme le soulève un auteur, « survient alors (…) un conflit de normes entre droit commun et droit spécial »634. Le plus simple consisterait à prévoir, dans la convention de Pacs, que ces fruits et revenus devront être perçus par chacun des partenaires, à concurrence de moitié chacun.
– L'emploi partiel. – Le législateur n'a pas envisagé la situation dans laquelle un partenaire acquiert des biens ou portions de biens avec des deniers perçus à la fois avant et après l'enregistrement du Pacs635. La jurisprudence ne s'est pas prononcée sur le sujet de sorte que plusieurs thèses s'affrontent636. Des auteurs sont favorables à l'application de la règle major pars trahit ad se minorem à l'instar des époux avec l'article 1436 du Code civil en prévoyant un droit de créance en faveur du patrimoine qui a le moins contribué637. Selon eux, une qualification mixte du bien acquis sous le régime de l'indivision d'acquêts serait interdite, par comparaison avec le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts638. Néanmoins, le législateur n'a pas expressément prévu, pour les partenaires, une règle similaire à l'article 1436 du Code civil de sorte que d'autres auteurs considèrent, au contraire, que le bien acquis pourrait avoir une double qualification639. Ainsi, la partie du bien financée avec les revenus du ou des partenaires serait indivise pour moitié chacun tandis que l'autre, faisant l'objet de l'emploi, serait personnelle au partenaire. En faveur de cette thèse, l'article 515-5-2 du Code civil prévoit que restent personnelles « les (…) portions » de biens acquis avec des deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l'enregistrement du Pacs ou reçus par donation ou succession. Si cette thèse de la qualification mixte n'est pas convaincante pour certains « tant elle semble contraire à l'esprit du texte qui vise justement, par le mécanisme de la déclaration d'emploi, à unifier la propriété »640, elle a le mérite de la simplicité – même si elle crée une indivision inégalitaire entre partenaires – et d'éviter de recourir au mécanisme de la créance641. Certains CRIDON considèrent que rien ne semble s'opposer à une telle qualification mixte. Néanmoins, pour des partenaires déjà soumis au régime de l'indivision d'acquêts, ils préconisent de changer de régime pacsimonial pour celui de la séparation des patrimoines en cas d'acquisition d'un bien avec un financement mixte.
– Le remploi. – Le remploi de fonds personnels n'a pas non plus été prévu par le législateur. Si certains auteurs considèrent que la lecture stricte des textes relatifs à l'indivision d'acquêts interdit le remploi en matière de Pacs642, d'autres font remarquer qu'« autoriser un partenaire à acquérir à titre d'emploi un bien financé au moyen de deniers reçus par donation, succession ou provenant des économies réalisées avant l'enregistrement du Pacs, mais interdire de remployer le prix de vente personnel de ce bien quelques années plus tard à l'occasion d'une nouvelle acquisition, aboutirait à supprimer tout patrimoine personnel de chacun des partenaires à terme »643. La question se pose pour le remploi d'un prix de vente d'un bien recueilli par succession ainsi que pour une indemnité perçue en réparation d'un dommage corporel, ou pour le remploi d'un prix de vente d'un bien créé par l'un des partenaires pendant le Pacs… La doctrine considère que l'indivision d'acquêts devrait autoriser le remploi, « ce régime ne devant pas se révéler plus communautaire que la communauté légale entre époux »644. Toutefois, dans le silence des textes et en l'absence de jurisprudence, il est vivement recommandé, lorsque l'un des partenaires souhaite effectuer une opération de remploi sous le régime de l'indivision d'acquêts, de changer de régime pacsimonial pour celui de la séparation des patrimoines645.
– L'échange. – Il en est de même pour l'opération d'échange. Si l'on peut penser qu'un bien reçu par un partenaire en échange d'un bien qui lui était personnel devrait être exclu de l'indivision d'acquêts dès lors que ces deux biens sont d'une valeur identique646, le versement d'une soulte a-t-il une influence sur la qualification du bien échangé ? En raison de l'incertitude planant sur cette opération, il est alors, encore une fois, préconisé de changer de régime pacsimonial pour celui de la séparation des patrimoines.