L'énumération exhaustive des devoirs légaux

L'énumération exhaustive des devoirs légaux

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Plan. – Outre la vie commune (§ I), les partenaires s'engagent à une aide matérielle et une assistance réciproques (§ II). Ils sont également tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante (§ III). Ces devoirs seront abordés successivement.

L'obligation de vie commune

– Le Pacs sous signature privée. – Les personnes peuvent conclure un Pacs sous signature privée. Les futurs partenaires font alors une déclaration conjointe devant l'officier d'état civil de la commune dans laquelle ils fixent leur résidence commune. S'ils n'ont aucune obligation de résider ensemble au moment de celle-ci, ils sont en revanche tenus de faire une « déclaration de leur adresse commune par une attestation sur l'honneur » laquelle est remise à l'officier d'état civil545. La circulaire du 10 mai 2017 a précisé que « la “résidence commune” doit s'entendre comme étant la résidence principale des intéressés quel que soit leur mode d'habitation (propriété, location, hébergement par un tiers). La résidence désignée par les partenaires ne peut donc correspondre à une résidence secondaire »546. Si la condition de résidence n'est pas remplie, l'officier d'état civil doit alors rendre « une décision d'irrecevabilité motivée par son incompétence territoriale »547.
– Le Pacs authentique. – Cette obligation imposée aux futurs partenaires de déclarer leur résidence commune n'est visée qu'à l'alinéa 1er de l'article 515-3 du Code civil pour déterminer la compétence territoriale de l'officier d'état civil lorsqu'il procède à l'enregistrement du Pacs. Elle n'est pas reprise à l'alinéa 5 de ce même article lorsqu'il s'agit d'un Pacs authentique ; les futurs partenaires sont en effet libres de choisir le notaire chargé de rédiger leur convention, lequel a une compétence sur tout le territoire national. Dès lors, les partenaires sont-ils dispensés, lorsque le Pacs est reçu en la forme authentique, de fixer une résidence commune dans ladite convention ? Si cette notion de résidence commune fixée à l'article 515-3 du Code civil semble être une règle de compétence territoriale pour l'officier d'état civil, l'article 515-1 du même code définit le Pacs comme un contrat conclu « pour organiser [la] vie commune » des partenaires. Cet engagement de vie commune a d'ailleurs été réaffirmé par le législateur en introduisant ce devoir entre les partenaires à l'article 515-4 du Code civil. En outre, lors de la création du Pacs, le Conseil constitutionnel a précisé que « la notion de vie commune (…) suppose, outre une résidence commune, une vie de couple »548. Dès lors, les futurs partenaires ont l'obligation de fixer dans leur convention, que celle-ci soit reçue en la forme authentique ou sous signature privée, une résidence commune.
– Un empêchement grave. – Par une disposition relative à l'incarcération en établissement pénitentiaire549, le législateur a prévu qu'en cas d'empêchement grave à la fixation de la résidence commune, l'enregistrement de la convention de Pacs sera réalisé devant l'officier de l'état civil de la commune où se trouve la résidence de l'une des parties. Si le législateur a envisagé expressément la situation de l'incarcération dans les cas d'empêchement grave, il va de soi qu'une telle disposition peut également s'appliquer aux personnes qui seraient hospitalisées pendant une longue durée, etc. 550.
– Un Pacs sans cohabitation ? – Tout en fixant leur résidence commune dans la convention, les futurs partenaires peuvent-ils avoir des domiciles distincts ? Si l'on se réfère aux époux, l'article 215, alinéa 1er, du Code civil leur impose « une communauté de vie ». Pour autant, l'article 108 du même code prévoit que « le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie ». Partant du constat de l'impossibilité pour certains couples de cohabiter au quotidien en raison notamment de l'exercice d'activités professionnelles dans des lieux différents, le législateur a adapté le droit à une réalité sociétale. Aucune disposition semblable n'existe toutefois pour les partenaires. Dès lors, l'obligation de la communauté de vie semblerait plus stricte pour les partenaires que pour les époux, et ce, en vue de faciliter « la chasse aux Pacs blancs »551. Néanmoins, si l'exigence d'une résidence commune pouvait se concevoir en 1999 pour éviter que le Pacs, alors nouveau contrat, soit détourné de son objet, elle paraît dépassée en 2025. Comme les époux, les partenaires peuvent être amenés à vivre séparément pour des raisons professionnelles, voire de santé, sans pour autant enfreindre l'obligation de vie commune imposée à l'article 515-4 du Code civil. Leur refuser la possibilité de conclure une convention de Pacs en l'absence de communauté de toit quotidienne constitue une atteinte au libre choix du mode de conjugalité, d'autant que le législateur fiscal le leur permet552. S'il est évident que « la vie commune suppose, en principe, (…) un minimum de cohabitation »553, il existe des situations particulières où un domicile séparé s'imposera sans pour autant qu'il n'y ait aucune communauté de vie entre les partenaires. Enfin, le législateur envisage, depuis quelques années, la possibilité d'un Pacs sans cohabitation en cas de crise grave au sein du couple554. En effet, en cas de violences conjugales, l'article 515-11, 4o du Code civil permet au juge aux affaires familiales de se prononcer sur le logement commun des partenaires en attribuant la jouissance de celui-ci au partenaire qui n'est pas l'auteur des violences. De même, le législateur pénal a prévu une aggravation des peines encourues pour un crime, un délit ou une contravention « lorsque l'infraction est commise par (…) le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu'ils ne cohabitent pas »555.

Les preuves liées à une communauté de vie et d'intérêts

Lors de l'établissement d'un Pacs authentique, les futurs partenaires devront fixer une résidence commune. Néanmoins ils pourraient, à notre sens, avoir des domiciles distincts pour des raisons liées notamment à l'exercice de leur activité professionnelle. Le notaire attirera alors leur intention sur le fait qu'ils devront rapporter la preuve d'une communauté de vie et d'intérêts dans l'hypothèse où ils seraient amenés à avoir des domiciles distincts pour éviter toute fictivité du Pacs556.

L'obligation d'une aide réciproque

– Deux piliers fondamentaux. – L'aide matérielle et l'assistance réciproques sont deux piliers fondamentaux du Pacs. Ces notions, bien qu'inspirées des devoirs conjugaux du mariage, se distinguent par une application plus souple et moins contraignante.

Une assistance réciproque

– Un devoir de secours. – L'assistance s'inspire du devoir de secours entre époux prévu à l'article 212 du Code civil. Il s'agit du devoir essentiellement moral – et non financier – pour chaque partenaire de soutenir l'autre, notamment en cas de maladie ou de difficultés personnelles. Ce devoir d'assistance ne devrait pas être différent entre les partenaires et les époux. Cependant, le Pacs étant une convention qui peut être rompue librement et à tout moment, l'un des partenaires peut facilement mettre fin à ce devoir557. Comme pour les époux, ce devoir de secours ne peut être ni supprimé, ni même aménagé.

Une aide matérielle réciproque

– Un partage des dépenses du quotidien. – L'aide matérielle a pour but de garantir que chacun des partenaires contribue à la satisfaction des besoins essentiels du ménage. Elle doit être « proportionnelle » à leurs facultés respectives, sauf s'ils « en disposent autrement » dans la convention de Pacs558. Elle établit ainsi un lien direct entre les ressources de chaque individu et sa contribution aux charges du couple. Est-il alors possible pour les futurs partenaires de supprimer toute entraide entre eux ? Le Conseil constitutionnel a précisé que s'ils sont libres de déterminer les modalités de cette aide, « serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide »559.
– Une application aux dépenses courantes. – L'aide matérielle recouvre les dépenses de nourriture, du logement du couple560, de santé, d'habillement, de transport… Quant aux frais de loisirs, de vacances et d'agrément, ils peuvent être inclus dans la liste des dépenses qui est souvent mentionnée dans la convention de Pacs pour une meilleure compréhension des partenaires sur la notion générique des « charges du ménage », sans que celle-ci soit pour autant limitative.
– Une extension aux dépenses d'investissement. – Les hauts magistrats ont décidé d'inclure, dans le domaine de l'aide matérielle, les dépenses liées à l'acquisition, en indivision, d'un « bien immobilier destiné à la résidence principale » des partenaires561. La Cour de cassation a en effet considéré, par un arrêt du 27 janvier 2021, que le remboursement d'un prêt pour l'acquisition d'un bien immobilier destiné à la résidence principale des partenaires participe de l'exécution de l'aide matérielle entre eux. En conséquence, celui qui a contribué à de telles dépenses au-delà de son financement indiqué dans son titre acquisitif ne peut pas prétendre à une créance contre l'autre, sauf à prouver une éventuelle surcontribution. La jurisprudence relative à la contribution aux charges du mariage entre époux séparés de biens s'étend aux partenaires soumis au régime de la séparation des patrimoines562. Les questions relatives aux époux vont donc se poser, dans des termes identiques, pour les partenaires563. Est-il possible d'exclure conventionnellement les dépenses d'acquisition – ainsi que les dépenses liées à l'amélioration ou à la conservation de la résidence principale – du champ d'application de l'aide matérielle ? Certains auteurs l'admettent, de sorte qu'elle pourrait se réduire aux seules dépenses de la vie courante564. Néanmoins, ce n'est pas la position arrêtée par nos prédécesseurs en l'absence de jurisprudence en la matière. Ils considèrent que la rédaction de l'article 515-4 du Code civil « ne réserve la liberté rédactionnelle qu'en ce qui concerne l'aménagement du règlement de la contribution à l'aide matérielle, non de son périmètre » de sorte qu'« une intervention du législateur est donc ici aussi préconisée »565.
– Une contribution au jour le jour ? – À défaut de pouvoir exclure conventionnellement les dépenses d'investissement du champ d'application de l'aide matérielle, est-il alors conseillé de prévoir une clause selon laquelle chacun des partenaires sera réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive en sorte qu'aucun compte ne sera à faire entre eux à ce sujet ? Il sera recommandé de se prononcer expressément, dans la convention de Pacs, sur la force de cette présomption afin d'éviter de s'en remettre à l'appréciation souveraine des juges du fond566. Toutefois, une telle clause viendrait assurément empêcher l'application de l'article 515-7, dernier alinéa, du Code civil qui donne la possibilité, pour chaque partenaire, de compenser ses créances avec les avantages qu'il a « pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante »567.
– Une extension aux dépenses relatives aux enfants communs. – Si les dépenses liées à l'entretien et l'éducation des enfants entrent évidemment dans les charges du mariage, est-il possible de prévoir, dans la convention de Pacs, une telle extension au titre de l'aide matérielle ? L'aide matérielle est dépourvue de toute vocation familiale. Le Pacs organise uniquement la vie commune de deux personnes majeures tandis que le mariage est considéré, depuis des siècles, comme le socle de la famille, celui-ci ayant une finalité procréative. Néanmoins, il n'est plus aujourd'hui une étape obligatoire pour concevoir un enfant et les statistiques démontrent qu'en 2022, 65,2 % des enfants nés vivants sont nés hors mariage568. Il n'y aurait alors rien de choquant à intégrer, dans le champ d'application de l'aide matérielle, toutes les dépenses relatives aux enfants communs des partenaires569, de sorte qu'ils seraient tous les deux tenus d'y contribuer proportionnellement à leurs facultés respectives. Au demeurant, il serait difficile pour un partenaire de refuser de contribuer à de telles dépenses. En effet, chaque parent doit contribuer « à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent ainsi que des besoins de l'enfant », et ce, quel que soit son mode de conjugalité570. Toutefois, une telle inclusion dans l'aide matérielle peut poser d'autres difficultés dans l'hypothèse où l'un des parents contribuerait plus que l'autre à de telles dépenses alors qu'il est prévu, dans la convention, que les partenaires ne seront assujettis à aucun compte à faire entre eux.
– Sanction en cas d'inexécution de l'aide matérielle. – Dans l'hypothèse où l'un des partenaires n'exécuterait pas son obligation d'aide matérielle, aucune sanction n'est envisagée par l'article 515-4 du Code civil pour l'y contraindre contrairement à l'article 214 relatif à la contribution aux charges du mariage571. Il est alors nécessaire de se référer au droit commun des obligations pour sanctionner une telle inexécution. Par ailleurs, si les partenaires consacrent leurs revenus aux dépenses occasionnées par leur communauté de vie, il est parfois indiqué, dans la convention de Pacs, qu'ils « ne pourront faire d'économies pour leur propre compte qu'autant que les dépenses d'usage liées à la vie commune auront été préalablement acquittées ». Cette obligation n'est pas sans rappeler les dispositions de l'article 223 du Code civil aux termes duquel chaque époux peut disposer librement de ses gains et salaires « après s'être acquitté des charges du mariage ». Si une telle clause paraît pouvoir être introduite dans le contrat de Pacs, son inexécution ne pourra être sanctionnée qu'en se référant au droit commun des obligations, sous la condition de démontrer une absence totale de contribution à l'aide matérielle572.

L'obligation de solidarité passive

– Une extension aux dépenses liées à l'éducation des enfants ? – L'alinéa 2 de l'article 515-4 du Code civil relatif aux dettes contractées par l'un des partenaires pour « les besoins de la vie courante » est quasiment un décalque de la solidarité entre époux prévue à l'article 220 du Code civil pour les dettes liées « à l'entretien du ménage ou à l'éducation des enfants »573. Pour les dépenses relatives à l'éducation des enfants, elles n'ont pas été reprises pour le Pacs, lors des différentes réformes législatives, dans la mesure où le Pacs n'a pas de dimension familiale. Néanmoins, il est évident, pour des auteurs, que la notion de dettes de la vie courante doit recouvrir les dépenses liées à l'entretien des enfants574, de sorte qu'il conviendrait dans cette hypothèse d'inclure de telles dépenses dans le champ d'application de l'aide matérielle. Ne serait-il pas venu le temps de prévoir expressément, à l'article 515-4 du Code civil, que la solidarité s'appliquera entre les partenaires à l'égard des tiers pour les dettes liées à l'éducation des enfants ? Ce serait alors reconnaître explicitement que le Pacs peut aussi fonder la famille avec toutes les conséquences y afférentes comme la protection du logement de la famille…