Le déroulé des opérations

Le déroulé des opérations

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Choix du notaire. – Le notaire commis « est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal » (CPC, art. 1364, al. 2). À notre sens, parce qu'il s'agit pour le notaire commis d'apprécier avec objectivité les arguments liquidatifs que vont développer les deux indivisaires, au risque de donner raison à l'un plutôt qu'à l'autre, la solution idoine consiste à confier ce rôle à un notaire qui soit parfaitement indépendant, en ce qu'il ne connaît ni n'a conseillé aucune des deux parties646. Il s'agit par ce biais de favoriser la sérénité des débats afin que le notaire ainsi saisi puisse, dans l'idéal, parvenir à un accord entre les parties ou a minima à rédiger un projet d'état liquidatif qui ne soit entaché d'aucune ambiguïté et qui permette ensuite au juge de trancher les désaccords liquidatifs persistant, sans crainte d'une éventuelle remise en cause fondée sur une quelconque partialité647.
S'agissant d'une mission judiciaire, il nous semble, en dépit du silence des textes, que la désignation du notaire doive être nominative. Partant, il ne saurait être question pour le juge de désigner l'office notarial au sein duquel le notaire exerce son ministère ou, ce qui était la règle autrefois, de désigner le président de la chambre avec faculté de délégation648. De même, la désignation de deux notaires, non prévue par la loi mais parfois pratiquée à la demande des deux parties, apparaît particulièrement malvenue dans la mesure où elle peut être source de lenteur, mais aussi d'éventuels conflits et difficultés entre les deux notaires nommés, a fortiori s'il s'agit – comme c'est alors généralement le cas – des notaires respectifs de chacune des parties.
– Rôle du notaire. – La mission du notaire consiste à dresser « un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir » (CPC, art. 1368). L'objectif poursuivi est d'aboutir, une fois les parties éclairées sur leurs droits liquidatifs respectifs, à un partage amiable ou, à tout le moins, que le notaire commis parvienne à sérier les désaccords liquidatifs existant entre elles, de telle manière que le juge puisse les trancher aux fins, on peut l'espérer, de parvenir, dans un ultime élan, à un partage amiable. Il est certain, à cet égard, que la délégation judiciaire dont jouit le notaire commis est destinée à renforcer et à prolonger son autorité naturelle, en qualité d'officier ministériel, ce qui, dans une certaine mesure, facilite souvent les accords entre les parties.
Pour remplir sa mission, le notaire doit suivre un certain nombre d'étapes :
  • la convocation des parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à une première réunion, avec la demande de production de toutes les pièces nécessaires à l'exécution de sa mission649 ;
  • la tenue de la première réunion au cours de laquelle le notaire recense toutes les difficultés liquidatives éventuelles et dresse le procès-verbal d'ouverture des opérations ;
  • l'établissement de l'état liquidatif du notaire et la transmission du projet aux parties et à leur conseil650 ;
  • la convocation pour la lecture de l'état liquidatif ;
  • la tenue de la réunion « finale » au cours de laquelle le notaire va rédiger un acte de partage en cas d'accord ou un état liquidatif constatant les désaccords subsistant dans le cas contraire.
Parce qu'il intervient aux côtés d'un juge commis, dont le rôle consiste à surveiller les opérations de liquidation-partage et à veiller à leur bon déroulement, le notaire ne doit pas hésiter à saisir ce dernier à chaque fois qu'il est confronté à des difficultés dans le cadre de sa mission judiciaire, notamment :
  • lorsqu'il ne parvient pas à récupérer les pièces nécessaires à l'instruction de son dossier et à la réalisation des opérations liquidatives, auquel cas le juge commis peut ordonner la production des pièces essentielles et adresser des injonctions à la partie défaillante, voire prononcer des astreintes (CPC, art. 1371, al. 2) ;
  • lorsqu'il estime que l'intervention d'un expert faciliterait ces opérations (CPC, art. 1365) ;
  • lorsqu'il souhaite que le juge convoque les parties ou leurs représentants afin de tenter, en sa présence, une conciliation entre les parties (CPC, art. 1366, al. 1er)651 ;
  • lorsqu'il est confronté à la défaillance d'une partie aux fins de désignation d'un représentant (C. civ., art. 841-1 et CPC, art. 1365).

Intérêt du procès-verbal d'ouverture des opérations

Le procès-verbal d'ouverture, dressé lors de la première réunion, apparaît comme un élément indispensable à la bonne suite du dossier. En effet, il va marquer le début des opérations liquidatives, contenir la liste des pièces remises par les parties et celles restant en attente de production, détailler le déroulement de la mission du notaire commis et noter les étapes clés de celle-ci, fixer un calendrier précis pour les mois restant à courir jusqu'à l'expiration de la mission du notaire et, si possible, consigner dès la première réunion les points d'accord et de désaccord entre les parties. Dans la grande majorité des dossiers, ce travail préliminaire accélère la suite des opérations.
– Statut du notaire 652 . – Alors que le notaire commis voit son rôle défini avec minutie par les textes spécifiques au partage judiciaire, on peut se déclarer surpris, avec d'autres653, qu'il ne soit doté en revanche d'aucun statut juridique par la loi. Confrontée à ce silence, la Cour de cassation s'est hasardée, dans une décision en date du 3 juillet 1996, ni reprise, ni démentie depuis lors, à qualifier le notaire commis de « technicien », pour lui appliquer l'article 234 du Code de procédure civile, qui permet sa récusation comme pour tout expert654.
Si le notaire commis dans le cadre des opérations de partage judiciaire peut certainement être qualifié de « technicien », il reste à savoir de quel type de « technicien » il s'agit. En effet, lorsque l'on évoque les mesures d'instruction exécutées par un technicien, l'on songe immédiatement à l'expertise, et la tentation de considérer le notaire commis comme un expert est donc évidente. Mais une telle qualification, si elle devait être retenue sans discernement, se heurte à de nombreux obstacles655. À notre sens, la juste solution consisterait à prévoir expressément que le notaire commis soit doté d'un statut spécifique, minutieusement ciselé, similaire à celui envisagé à l'article 1121 du Code de procédure civile pour le notaire désigné en cours d'instance en divorce, sur le fondement de l'article 255, 10o du Code civil. Cette solution présenterait un double avantage. Celui de la cohérence, d'une part, en ce qu'elle permettrait d'harmoniser les situations des notaires désignés judiciairement, dont le rôle est identique, bien qu'ils interviennent pour les uns en cours de procédure (notaire expert) et pour les autres après la rupture (notaire commis). Celui de l'efficacité, d'autre part, tant l'expérience montre que le statut dont est doté le notaire expert, notamment par les pouvoirs qui lui sont conférés, contribue sans aucun doute à la loyauté et à la transparence des débats, et par-delà au bon déroulement de sa mission656.
Dans les faits, il est d'ailleurs d'usage de considérer que le notaire commis dispose d'un statut comparable à celui qu'il détient lorsqu'il est désigné sur le fondement de l'article 255, 10o du Code civil. Aussi est-il admis qu'il doit, comme tout technicien mandaté par le juge, « remplir personnellement la mission qui lui est confiée » (CPC, art. 233, al. 1er), « accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité » (CPC, art. 237), ou encore « respecter les délais quilui sont impartis » (CPC, art. 239). Dans cette optique, il est également évident que le notaire doit tenir compte des règles de procédure et particulièrement des règles du contradictoire, de la même manière que lorsqu'il est désigné en cours d'instance en divorce657.
Bien évidemment il serait cependant nécessaire que le notaire commis soit doté d'un statut soigneusement ajusté par rapport au statut de base d'un technicien ou d'un expert, à l'instar de celui qui est prévu à l'article 1121 du Code de procédure civile. L'utilité d'un tel statut permettrait d'évacuer les règles de l'expertise qui sont inadaptées à la mission confiée au notaire commis, à savoir l'interdiction faite à l'expert de porter des appréciations d'ordre juridique (CPC, art. 238) ou de recevoir pour mission de concilier les parties (CPC, art. 240). Il s'agirait également par ce biais non seulement de permettre au notaire commis, comme tout technicien « de demander communication de tous documents aux parties et aux tiers » (CPC, art. 239), mais, plus encore, de préciser qu'il ne peut alors se voir opposer le secret professionnel, à l'instar de la règle figurant à l'article 259-3, alinéa 2 du Code civil, dont peut se prévaloir le notaire expert en cours d'instance, ce qui contribue grandement à l'efficacité de sa mission. Enfin, afin d'éviter la difficulté fréquente relative à la perception de ses émoluments, le notaire commis pourrait ainsi se prévaloir des dispositions visant la rémunération de l'expert judiciaire, et demander au juge commis, dès l'entame de sa mission, de fixer le montant d'une provision à valoir sur sa rémunération658.
Pour toutes ces raisons, on peut appeler de nos vœux l'émergence d'un texte qui définisse le statut de notaire commis, en prenant pour modèle l'article 1121 du Code de procédure civile, et qui listerait minutieusement les articles de l'expertise applicables à la commise.
– Délais imposés au notaire. – L'article 1368 du Code de procédure civile précise que le notaire commis dispose d'un délai d'une année à compter de sa désignation pour établir un état liquidatif complet, étant ici souligné que l'article 1369 dudit code prévoit cependant des cas de suspension de ce délai d'une année, en cas, notamment, mais pas seulement, de désignation d'un expert ou de demande de désignation d'une personne qualifiée (C. civ., art. 841-1).
L'article 1370 du Code de procédure civile permet au notaire de demander une prorogation de délai, qui ne peut excéder un an. Au vu de ces délais, il est vivement conseillé au notaire commis d'établir et de communiquer aux parties, lors de la première réunion, un calendrier avec des dates fermes, destinées à imprimer un rythme à ses opérations. Il doit aussi régulièrement informer le juge commis de l'avancée desdites opérations et, le cas échéant, lui faire part des difficultés qu'il peut rencontrer.
Enfin, il doit être souligné que si le notaire commis ne respecte pas les délais qui lui sont imposés, il risque d'être sanctionné financièrement. En effet, conformément à l'article R. 444-62 du Code de commerce, « le montant de ses émoluments correspondants est réduit de moitié lorsque la mission n'est pas remplie dans le délai fixé et des trois quarts lorsque le double dudit délai est dépassé ».