Le contrôle de l'article 1007 du Code civil

Le contrôle de l'article 1007 du Code civil

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Rétrospective sur la réforme de l'envoi en possession. – La loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016, entrée en vigueur le 1er novembre 2017, a confié au notariat une mission de contrôle portant sur l'examen de la saisine du légataire universel. L'envoi en possession judiciaire rendu auparavant sous la forme d'une ordonnance du président du tribunal n'est désormais nécessaire qu'en cas d'opposition. Cette réforme concrétise la confiance des institutions dans le notariat et participe au mouvement de déjudiciarisation.
Le Code civil prévoyait initialement l'ouverture et la présentation du testament au tribunal de première instance. Le document était paraphé, les blancs bâtonnés, cela signifie que le texte était entouré d'une ligne sinueuse empêchant toute adjonction. Le testament était signé en marge par le juge sous un cachet à l'encre violette. Puis le président du tribunal rendait le moment venu au bas de la requête une ordonnance d'envoi en possession. Deux étapes se succédaient : la première immédiate, la seconde plus tardive.
Après la loi du 28 décembre 1966, l'intervention judiciaire a été remplacée par un dépôt notarié effectué « sur-le-champ ». L'acte comprenait alors une description purement matérielle, comme le faisait le juge auparavant. Puis une requête d'envoi en possession était adressée au tribunal par l'intermédiaire d'un avocat. Là encore le processus se faisait en deux étapes.
Depuis la réforme de la loi du 18 novembre 2016, les deux phases ont fusionné. Ceci cause quelques difficultés de chronologie, d'une part (§ I), et de computation des délais, d'autre part (§ II).

La chronologie des opérations

– Sur-le-champ. – La locution « sur-le-champ » qui existait en 1966 a été conservée en 2016. Elle assure la protection du testament, pour sa sauvegarde et la sécurité de la conservation.
La loi du 18 novembre 2016 a supprimé l'article 1008 du Code civil et modifié l'article 1007 du même code en exigeant du notaire lors du dépôt de testament l'examen du contrôle de la qualité de légataire. L'adjonction d'une nouvelle mission de vérification de la saisine, préalable à la réception de l'acte de notoriété, impose la nécessité de précautions, de recherches et d'analyse.
L'immédiateté de l'obligation de dépôt est difficilement conciliable avec l'approfondissement du contrôle. La temporalité n'est pas la même. Interrogés par le notariat au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi, les CRIDON ont proposé, in abstracto, de scinder les opérations en trois phases :
  • première étape : établissement sur-le-champ du dépôt de testament ;
  • deuxième étape : établissement de l'acte de notoriété ;
  • troisième étape : acte complémentaire au premier acte, constatant la saisine, l'absence d'héritiers réservataires et le caractère universel du legs.
Les situations étant multiples, il convient de distinguer le cas du notaire unique, d'une part, et celui de deux professionnels, d'autre part, en raisonnant in concreto.
– Le cas d'un unique notaire. – Lorsque le professionnel est chargé du dépôt et de la succession, la situation est simple. S'il connaît parfaitement son défunt client, la configuration familiale, et qu'il est détenteur dans le coffre-fort de l'étude du testament, l'acte pourra comprendre à la fois le procès-verbal de dépôt et l'examen de la qualité du légataire. Scinder l'opération n'est alors pas nécessaire. Le titre bien qu'olographe présente une grande sécurité juridique, dans la mesure où il aura été remis par le testateur lui-même. Le notaire appréciera s'il convient de faire intervenir deux témoins. Le dépôt de testament avec contrôle de la qualité du légataire sera suivi de l'acte de notoriété et du certificat notarié d'absence d'opposition.
En revanche, si le notaire ne connaît pas bien le contexte familial et que de surcroît le testament lui est remis après décès, ou est ancien, le titre offre peu de garanties. Le dépôt « sur-le-champ » constatant l'ensaisinement peut paraître risqué. Il est préférable de scinder l'opération de l'article 1007 du Code civil, en faisant trois actes : un acte de dépôt, un acte de notoriété, suivi d'un acte complémentaire audit dépôt constatant la saisine et le caractère universel du legs.
– Le cas de deux notaires. – Cette situation n'a pas été anticipée par le législateur, ni par le ministère de la Justice. La circulaire du 26 janvier 2017 l'exprime clairement : « Cette mission entre dans le cadre des formalités liées au dépôt du testament qu'il était déjà tenu d'accomplir et lui incombe naturellement puisqu'elle implique des vérifications sur la base d'actes dressés par lui-même, en particulier l'acte notarié de notoriété, qui constate l'absence d'héritiers réservataires ».
Pourtant la présence de deux notaires est fréquente. Elle tient à la liberté conférée aux ayants droit de choisir un autre professionnel que le conseil habituel du défunt, quand bien même il serait gardien du testament. Cette situation, très courante en pratique, soulève deux interrogations :
  • première question : qui doit procéder à l'examen de la saisine ?
L'office notarial à qui le testament a été confié ne peut s'en dessaisir. La lettre de l'article 1007 du Code civil laisse entendre que le dépôt comprend le contrôle de la qualité de légataire. C'est donc le notaire dépositaire des dernières volontés qui doit effectuer l'examen de la saisine, bien qu'il ne soit pas le mieux placé ;
  • seconde question : quelle est la méthode ?
L'étude détentrice du testament procède au dépôt « sur-le-champ », avec un extrait de l'acte de décès. Cette formalité se fait sous la forme « papier ». Aucun acte authentique électronique n'est envisageable.
L'acte de dépôt est adressé au second notaire, lequel établit l'acte de notoriété et le communique en retour à l'office dépositaire des dernières volontés. La première étude notariale dresse un acte complémentaire constatant la saisine. Les deux actes sont envoyés concomitamment, par l'un des deux notaires, au greffe du tribunal. Certains greffes rejettent les envois non concomitants. L'une des deux études procède ensuite aux publications et constate, à l'issue du délai légal, l'absence d'opposition en déposant au rang de ses minutes les exemplaires du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), du journal d'annonces légales (JAL) et l'accusé réception postal et administratif du greffe.

La computation des délais

– Les deux délais légaux. – Deux délais d'un mois se succèdent. Ils sont visés à l'article 1007 précité : « Dans le mois qui suivra la date du procès-verbal, le notaire adressera une expédition de celui-ci et une copie figurée du testament au greffier du tribunal judiciaire du lieu d'ouverture de la succession, qui lui accusera réception de ces documents et les conservera au rang de ses minutes. Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé pourra s'opposer à l'exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit en vertu du même article 1006 ».
Le premier délai ne pose pas de difficulté d'analyse. Son inobservation ne génère pas de sanctions, mais conduit certains greffes à refuser l'expédition, plaçant le notaire dans une impasse.
Le second délai est plus problématique. Il court à compter de l'accusé réception administratif. Le notaire devant procéder aux publications légales dans les quinze jours de la réception du procès-verbal de dépôt de testament, il faudrait que le certificat administratif d'accusé de réception du greffe du tribunal soit reçu instantanément. Ce n'est pas le cas en pratique. Pour Paris, le délai moyen d'envoi de ce certificat de réception est d'un à trois mois. Ce qui signifie que le délai d'opposition aura expiré si le notaire ne procède pas immédiatement aux publications et attend pour ce faire d'avoir reçu le certificat administratif officiel.

Le calcul des délais

Le dépôt de testament est reçu le 1<sup>er</sup> juin 2024.

Il est transmis au greffe en recommandé avec accusé de réception le lendemain 2 juin. Le certificat administratif n'est pas émis immédiatement.

Même sans ce certificat, sur la foi de l'accusé de réception postale du greffe en date du 3 juin, le notaire envoie les insertions au <em>BODACC</em> et au JAL, lesquelles interviennent les 8 et 9 juin.

L'accusé de réception administratif, qui devrait être le seul à prendre en considération, est reçu le 31 août 2024, mentionnant une date de réception au 4 juin. Le délai d'opposition est expiré depuis le 4 juillet 2024. Le certificat de non-opposition ne pourra être établi qu'après le 31 août 2024.

– Difficultés relevées. – Cette incohérence de délai pose trois difficultés :
  • les avis de publicité ne peuvent pas préciser dans quel délai l'opposant est fondé à former opposition. La date exacte à quelques jours près n'est pas connue. Il est conseillé de procéder, à réception du récépissé postal, à l'insertion au BODACC et à la publication dans un journal d'annonces légales sans date en indiquant celle d'envoi au tribunal ;
  • en l'absence de certitude sur les dates, comment accueillir les oppositions formées hors délais ? Comme le note Luc Broyer, l'opposant hors délai pourrait-il se prévaloir de cette carence ? Une opposition formée avant l'ouverture du délai ou après son expiration ne saurait être écartée sans précaution. S'agissant d'une opposition trop hâtive, le comité de consultation du CRIDON de Paris a considéré, le 26 juin 2019, qu'il convenait d'inviter l'opposant à réitérer son opposition dans le délai. S'agissant d'une opposition trop tardive, il convient pour le notaire de discerner l'intention de l'opposant toujours habile à agir par voie d'assignation sur le fond, son intérêt à agir, le bien-fondé de sa demande et la régularité du titre testamentaire contesté, et d'en faire part aux ayants droit ;
  • le notaire ne peut pas établir de certificat de non-opposition avant d'avoir reçu le certificat du tribunal. Le conseil pratique serait de procéder au dépôt de pièces constatant l'absence d'opposition sans tarder, pour ne pas se trouver dans l'hypothèse délicate d'une opposition formée après expiration du délai, mais avant la réception du certificat du tribunal.
Ces trois difficultés n'ont pas été remarquées par le législateur et la Chancellerie. La circulaire ministérielle du 26 janvier 2017 vise de manière erronée la date de publication de l'avis du BODACC comme date de point de départ du délai. Une intervention législative est indispensable pour modifier le texte de l'article 1007 et faire courir le délai d'opposition à compter de la date de publicité au BODACC .
– Pistes d'amélioration proposées. – En guise de conclusion, sont présentées les dix voies d'amélioration pratiques que nous avons abordées successivement au cours de nos travaux sur la saisine héréditaire et ses conséquences, sous la forme d'une liste synthétique. Certaines de ces pistes sont entre les mains du législateur :
  •  prescrire que l'héritier qui occupe un bien indivis au-delà d'un délai d'un an après décès doit une indemnité d'occupation à ses cohéritiers, conformément au droit commun de l'indivision ;
  •  aligner le droit aux fruits du légataire particulier sur les autres légataires par une modification de l'article 1014 du Code civil ;
  •  exiger des banques une continuité de l'information bancaire en présence d'héritiers réservataires (interface bancaire, relevé de comptes) ;
  •  supprimer l'obligation déclarative résultant du contrôle des articles 806 et 807 du Code général des impôts lorsque les actifs ne sont ni imposables en France, ni à prendre en compte dans le calcul du taux effectif ;
  •  supprimer la formalité de l'article 1007 du Code civil, en présence d'un héritier légataire universel, quelle que soit la portée de la libéralité consentie ;
  •  permettre au notaire de constater le caractère universel des libéralités consenties et les assujettir non à une délivrance de legs mais à un contrôle de l'article 1007 du Code civil ;
  •  clarifier le délai de prescription de la demande en délivrance (cinq ans) ;
  •  permettre à l'exécuteur testamentaire de délivrer les legs, l'exempter d'envoi en possession et le soumettre au contrôle notarial de l'article 1007 du Code civil ;
  •  en présence d'héritiers taisants ou inconnus, permettre, après mise en demeure, une délivrance de legs par les héritiers connus acceptants ;
  •  faire courir le délai d'opposition à la saisine du légataire universel à compter de la date de publicité au BODACC.
D'autres pistes sont entre les mains des notaires : elles consistent, d'une part, à conseiller au testateur, lors de la rédaction du testament, que le légataire particulier ait droit aux fruits dès le décès et, d'autre part, à proposer un modèle de clause statutaire pour les distributions de résultat des sociétés de personnes, dans la période intercalaire entre le décès et l'agrément des associés.