La donation-partage en présence d'une famille recomposée

La donation-partage en présence d'une famille recomposée

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– La validité de la donation-partage conjonctive en présence d'enfant de différents lits. – La donation-partage peut s'adapter aux situations de plus en plus fréquentes de famille recomposée. La présence d'enfant non commun ne fait pas obstacle à la mise en place d'une donation-partage. Selon l'article 1076-1 du Code civil, issu de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 : « En cas de donation-partage faite conjointement par deux époux, l'enfant non commun peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse toutefois être codonateur des biens communs ».
Cette validité de principe de la donation conjonctive en présence d'enfant non commun n'a pas toujours été admise. Elle est issue de la loi du 23 juin 2006 précitée.
Avant cette affirmation explicite, il subsistait un doute sur la validité du mécanisme. D'ailleurs la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 1987, avait refusé la validité d'une donation-partage conjonctive au profit de deux enfants issus des deux donateurs et de deux autres enfants issus uniquement d'un donateur126. La doctrine était elle-même divisée127. En pratique, la technique était alors la suivante. Tout d'abord était établie une donation-partage conjonctive au profit des seuls enfants communs. Puis une donation-partage ordinaire contenant allotissement des enfants du mari seul et une autre donation-partage ordinaire contenant allotissement des enfants de l'épouse seule.
– Conditions relatives aux bénéficiaires. – La première condition énoncée à l'article 1076-1 du Code civil128 est relative aux donataires. Au moins deux enfants communs doivent être allotis.
Concernant les enfants non communs, au moins un enfant non commun doit être bénéficiaire de la donation129.
– Hypothèses pratiques. – En présence d'une famille recomposée, les cas d'utilisation de la donation-partage conjonctive sont les suivants :
  • elle peut donc être envisagée en présence d'au moins deux enfants communs, d'un enfant dont le lien de filiation est établi à l'égard d'un donateur et d'un autre enfant dont la filiation est établie à l'égard de l'autre donateur ;
  • elle pourra encore être utilisée en présence d'au moins deux enfants communs et d'un enfant dont le lien de filiation est établi uniquement à l'égard d'un donateur.
– Conditions relatives à la nature du bien donné sous le régime de la communauté. – Lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté, il est nécessaire qu'au moins un des biens soit de nature commune. En pratique, le notaire fera preuve de créativité. Il pourra proposer divers schémas adaptés à chaque famille et à la composition de chaque patrimoine.
En présence de biens communs uniquement, chaque donateur peut gratifier l'ensemble des enfants, communs ou non.
En présence de biens communs et de biens propres, les donateurs sont libres dans le choix de la répartition de leurs biens. L'objet de la donation peut alors être un bien commun, un propre à un donateur, et un propre à l'autre donateur.
Il pourrait également être envisagé une attribution d'un bien propre d'un donateur à un enfant commun ou à un enfant à l'égard duquel un lien de filiation est établi uniquement.
En l'absence de biens communs, deux hypothèses doivent être distinguées :
  • en présence de biens propres, chaque donataire a la possibilité d'attribuer ses biens propres aux enfants communs et aux enfants à l'égard desquels un lien de filiation est reconnu uniquement (enfant non commun). La donation-partage est alors conjonctive pour partie ;
  • la seconde hypothèse est celle de l'existence de bien propre appartenant uniquement à un donateur. Dans ce cas, la donation conjonctive est exclue. Les donateurs ont la possibilité de s'orienter vers une donation-partage ordinaire par le donateur propriétaire, au profit de ses enfants communs ou non, opération effectuée sans l'intervention du conjoint.
– Conditions relatives à la nature du bien donné sous le régime de la séparation. – Une donation conjonctive est exclue dans l'hypothèse où, en présence d'enfants communs et non communs, il existe uniquement un ou plusieurs biens personnels appartenant à un époux. Dans ce cas, le notaire conseillera à l'époux propriétaire d'établir une donation-partage ordinaire aux termes de laquelle seront allotis les enfants communs ou non de l'époux donateur.
Même si le texte vise expressément « les époux », l'esprit de la loi semble étendre ces principes aux époux non mariés130.
– Conditions relatives à l'allotissement des donataires. – L'article 1076-1 du Code civil énonce un principe selon lequel l'enfant non commun peut être alloti par son parent sans que le conjoint soit codonateur des biens communs. A contrario le conjoint du parent de l'enfant non commun ne saurait allotir l'enfant à l'égard duquel la filiation ne lui est pas reconnue.
Toutefois, la donation-partage conjonctive ne permet pas l'allotissement de l'enfant non commun par le conjoint du parent de l'enfant (qui n'est donc pas son parent).
– Intérêts de l'incorporation des donations antérieures. – Il est également possible d'incorporer une ou plusieurs donations antérieures à la donation-partage cumulative. Rien ne s'y oppose juridiquement131. Il devra toutefois être porté une attention particulière à l'origine du bien. Une modification de l'attributaire est possible sous réserve des principes relatifs à l'attribution des biens. Ainsi un bien propre d'un époux ne saurait être attribué à un enfant ayant un lien de filiation uniquement avec le conjoint dudit époux.
Les vertus de l'incorporation sont bien connues. L'incorporation peut permettre de redistribuer des biens antérieurement donnés. Elle fige également la date d'évaluation du bien pour le calcul de la réserve. Le risque de réduction est alors amoindri. Par ailleurs le rapport de ladite donation est exclu. En conséquence, l'attributaire bénéficie pleinement de l'augmentation de la valeur du bien.