La diversité des droits du conjoint

La diversité des droits du conjoint

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Le mouvement des années 1990. – Près de deux siècles après un Code civil qui n'avait donné que des droits subsidiaires au conjoint survivant et n'avait connu à son profit que des avancées limitées239, et dans la lignée d'évolutions sociologiques perceptibles partout en Europe240, la France était prête à sa « révolution ». Malgré cela, la réforme du droit des successions mettant le conjoint survivant au centre des préoccupations familiales a constitué pendant près de vingt ans l'arlésienne législative. Les conclusions du groupe de travail animé par le doyen Carbonnier et le professeur Catala241 ont conduit au dépôt des projets de loi242 « Arpaillange » en 1988, « Sapin » en 1991, « Méhaignerie » en 1995, approfondis et amendés par le groupe de travail « Dekeuwer-Défossez » et « Théry » en 1998, puis en 1999, par le Congrès des notaires de Marseille « Demain la famille ». Le Congrès mené par le président Xavier Ginon et son rapporteur général Jacques Combret a su mettre en lumière « l'urgence d'une réforme successorale ». Avec une énergie et un enthousiasme sans nuls pareils, forts du sérieux des rapports successifs et accompagnés par toute l'Université, ils ont su démontrer avec succès, devant Élisabeth Guigou alors garde des Sceaux, toute la nécessité qu'il y avait de légiférer.
– Le temps des réformes, le temps des compromis. – Le temps était venu. Et les réformes sont nées de la loi du 3 décembre 2001 puis de celle du 23 juin 2006243. Il n'est pas inutile de rappeler que les deux textes sont des textes de compromis entre les chambres parlementaires qui affichaient deux conceptions différentes de la famille. Le premier de ces textes, fruit de concessions réciproques, fut adopté à l'unanimité. En complément, et sur l'impulsion de Jean Carbonnier et de son groupe de travail244, un projet de loi (no 2427) fut enregistré le 29 juin 2005, dont l'ambition initiale était de parachever la refonte totale du titre « Des successions » du Code civil. L'option successorale, l'indivision et le partage ont été profondément réformés, la réserve en valeur consacrée. La loi no 2007-1223 du 21 août 2007 a complété le projet du point de vue de la fiscalité en exonérant le conjoint survivant de droits de mutation par décès (CGI, art. 796-0 bis). Ces deux textes de compromis forment le droit positif du droit successoral français.
– Le « triple bloc d'impérativité » 245 . – La réforme a reconnu au conjoint successible des droits supplétifs et impératifs, qui en font un héritier particulier de premier rang. Le triple bloc assure au survivant veuf un minimum successoral garanti, formé d'un droit à la maintenance portant sur le logement, d'un recours alimentaire et d'un droit à réserve en l'absence de descendant246. À ces droits impératifs s'ajoutent des droits successoraux supplétifs de volonté.
– Les droits successoraux légaux du conjoint. – Le conjoint est désormais toujours appelé à la succession. En concours avec des descendants communs, il dispose d'une option portant soit sur l'usufruit des biens existants, soit sur la pleine propriété des biens (C. civ., art. 757). À défaut, c'est-à-dire lorsqu'au moins un des descendants n'est pas issu des deux époux, il recueille nécessairement la propriété du quart des biens. Lorsqu'il est en concours avec les père et mère, il a vocation à la moitié des biens, ou aux trois quarts s'il n'y a qu'un seul ascendant privilégié (C. civ., art. 757-1). Les parents bénéficient en outre d'un droit de retour légal impératif247. Si le défunt ne laisse ni ascendant ni descendant, le conjoint est héritier du tout (C. civ., art. 757-2). Les collatéraux privilégiés sont exclus, sous réserve du droit de retour légal, supplétif de volonté248.
En présence d'enfant, ces droits sont supplétifs de volonté. Le conjoint peut en être exhérédé dans les conditions de droit commun. En l'absence d'enfant, il devient réservataire au taux invariable d'un quart (C. civ., art. 914-1).
– Les droits sur le logement. – La conservation du toit a été une des priorités de la réforme. La loi a reconnu au conjoint des droits de deux types sur le logement, le droit temporaire d'un an (C. civ., art. 763) et le droit viager (C. civ., art. 764 à 766). Le droit temporaire est un effet direct du mariage et revêt un caractère d'ordre public. Le droit viager se confond le plus souvent avec le bénéfice de l'usufruit. Le conjoint peut en être privé par testament authentique. Nous reviendrons brièvement en deuxième partie, sur leur régime qui ont été étudiés de manière approfondie par plusieurs Congrès des notaires de France249.
– Le droit à pension. – L'article 767 du Code civil octroie en outre au conjoint dans le besoin un droit alimentaire.