– La défaillance justifiée. – Dans les faits, les notaires sont parfois confrontés à un indivisaire défaillant, du fait d'une altération des facultés mentales et de la mise en œuvre d'un régime de protection, ou encore d'une absence. Dans ce cas, le premier réflexe est d'inviter le coïndivisaire diligent à s'orienter vers la voie judiciaire avec tous les effets financiers et psychologiques d'une telle procédure, qui peut s'annoncer éprouvante. En effet, l'article 835 du Code civil dispose que : « Si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties ». Au-delà du principe du consensualisme, cet article rappelle la nécessité du consentement libre et éclairé des parties, ce qui ne peut être le cas face à un indivisaire absent ou protégé. Le législateur a cependant prévu, sous certaines conditions, que : « Si un indivisaire est présumé absent ou, par suite d'éloignement, se trouve hors d'état de manifester sa volonté, un partage amiable peut intervenir dans les conditions prévues à l'article 116 » du Code civil (C. civ., art. 836).
La défaillance de l'un des indivisaires
La défaillance de l'un des indivisaires
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– La défaillance injustifiée : la rédaction d'un procès-verbal de carence. – Tout autre est la situation, plus fréquemment rencontrée, où le notaire se trouve confronté à un indivisaire volontairement défaillant, dont le silence génère un blocage des opérations liquidatives alors qu'aucune difficulté juridique ne semblait susceptible de venir gangrener le dossier. Concrètement, l'indivisaire « défaillant » dont il est question est donc celui qui pourrait signer le partage mais le bloque en ne répondant pas aux propositions formulées par son coïndivisaire « soit sciemment et dans un but d'obstruction, soit par simple désintérêt ou négligence »638.
En pareille occurrence, son notaire – ou son avocat – ayant tenté sans succès de nouer un dialogue avec son ex-époux, son ex-partenaire ou son ex-concubin, l'indivisaire diligent va alors convoquer ce dernier par acte extrajudiciaire à un rendez-vous chez le notaire, moyennant un délai de prévenance raisonnable et en précisant qu'à défaut de se présenter, il se verra contraint d'assigner en partage judiciaire. Partant, de deux choses l'une : soit la partie qui était récalcitrante est présente au rendez-vous, et les opérations de règlement amiable des intérêts patrimoniaux peuvent démarrer ou se poursuivre. Soit cette partie continue de jouer la politique de la chaise vide et le notaire peut alors dresser un procès-verbal de carence, auquel il va annexer un projet d'état liquidatif témoignant de la position liquidative de son client et précisant, le cas échéant, ses intentions quant à la répartition des biens. Ce procès-verbal de carence et les annexes témoignent à la fois du refus de l'indivisaire défaillant de s'accorder sur un partage amiable, et des diligences entreprises par son coïndivisaire pour tenter de le mettre en œuvre, ce qui permet à ce dernier d'assigner en partage judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 1360 du Code de procédure civile, et sans craindre une quelconque irrecevabilité639.
– La défaillance injustifiée : la désignation d'une personne qualifiée. – Au lieu d'assigner en partage judiciaire, la partie diligente peut choisir une autre option dans le but de régulariser un partage amiable malgré l'inertie d'une des parties et d'éviter ainsi le partage judiciaire. Il s'agit de faire représenter le défaillant par une personne qualifiée (C. civ., art. 837)640. Cette option, encore peu usitée, présente pourtant un intérêt majeur, au moins dans deux situations : d'une part, lorsque le règlement des intérêts patrimoniaux au sein de l'ancien couple se limite à des demandes de créances, auquel cas il peut être intéressant pour le créancier d'obtenir un titre exécutoire pour en poursuivre, le cas échéant, le règlement forcé et, d'autre part et surtout, lorsqu'il s'agit pour l'un des deux de sortir de l'indivision et de se voir titrer sur un bien indivis, qu'il occupe ou qu'il gère seul, parfois depuis des années641.
Concrètement, dûment informée de cette faculté par son notaire, la partie diligente qui fait ce choix doit alors convoquer son coïndivisaire par acte extrajudiciaire à un rendez-vous chez le notaire. Cette convocation devra préciser qu'à défaut de se présenter ou d'avoir constitué mandataire dans les trois mois, l'époux diligent se réserve la possibilité soit de demander au juge de désigner une personne qualifiée pour le représenter, soit d'assigner en partage judiciaire.
Si, sur la sommation d'avoir à comparaître dans le délai de trois mois, la partie qui était récalcitrante est présente, les opérations de partage amiable peuvent débuter ou se poursuivre. Si la partie qui a été sommée est défaillante, l'indivisaire diligent demande au notaire d'établir un procès-verbal de carence témoignant du fait que le défaillant a été mis en demeure de se faire représenter depuis au moins trois mois. Le second original de la mise en demeure est annexé au procès-verbal du notaire. Avec le procès-verbal et son annexe, cet indivisaire déposera une requête auprès du président du tribunal judiciaire afin qu'il désigne une personne qualifiée pour représenter le récalcitrant au partage amiable (C. civ., art. 837, al. 2 et CPC, art. 1379). Dans les faits, cette personne qualifiée est généralement un avocat ayant suivi une formation labellisante et diplômante642. Il s'agit parfois d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ou d'un administrateur judiciaire. Rien n'empêche qu'il s'agisse d'un notaire.
Une fois la personne qualifiée désignée, elle représente l'indivisaire dans les opérations « jusqu'à la réalisation complète du partage ». Elle est désormais « l'interface »643 entre le notaire et l'indivisaire défaillant. Dans le cadre de sa mission, et sans défendre aveuglément les intérêts de l'indivisaire représenté, la personne qualifiée doit cependant à tout le moins vérifier que l'état liquidatif établi par le notaire est conforme aux règles légales. Dans cette optique, elle doit solliciter la communication de toute pièce utile, témoignant de la valeur d'un bien à partager ou d'une demande de créance sollicitée par l'indivisaire diligent, et faire part au notaire de ses observations éventuelles, le tout – faut-il le rappeler – sans détenir par définition ni instructions, ni informations de l'indivisaire qu'il représente, dans la mesure où ce dernier est par définition taisant. C'est là du reste toute la difficulté de sa tâche.
Une fois que le projet d'état liquidatif établi par le notaire recueille l'adhésion tant du copartageant présent que de la personne qualifiée, celle-ci devra le transmettre au juge qui l'a désignée pour approbation. Conformément à la lettre de l'article 1358 du Code de procédure civile, cette autorisation est rendue en dernier ressort. Aussi, le partage amiable pourra être régularisé dès l'obtention de cette décision.
La rémunération de la personne qualifiée
Le juge prévoit généralement, à l'instar d'une expertise, une provision à valoir sur les frais et honoraires du mandataire, à la charge des deux parties, chacun pour moitié, en précisant, d'une part, qu'à défaut pour l'une d'entre elles (l'indivisaire défaillant) de consigner sa quote-part, ce qui est très généralement le cas, l'autre (l'indivisaire diligent) pourra y procéder et, d'autre part, que les frais de représentation seront prélevés en frais privilégiés de partage et s'imputeront prioritairement sur l'indivisaire défaillant. Dans les faits, il est évident que le coût de cette désignation est souvent supporté par l'indivisaire diligent. C'est le prix à payer pour qu'il puisse sortir de l'impasse procédurale dans laquelle il se trouve en raison de la passivité son copartageant.
du défaillant qui ne l'est plus ?
Eu égard à son attitude, et afin de débloquer les opérations de partage, le défaillant se voit ainsi imposer un mandataire. Il est en quelque sorte dessaisi de ses droits. Désormais, s'il réapparaît et désire à nouveau participer aux opérations, dans un but amiable ou avec la volonté d'en découdre, ce sera sous l'égide de la personne qualifiée, sauf à solliciter du juge la révocation de cette dernière. S'il veut éviter de se voir opposer une fin de non-recevoir, il doit alors témoigner auprès du juge de sa volonté réelle de reprendre en main son destin patrimonial car il ne saurait être question de lui permettre d'enliser à nouveau des opérations qui avaient difficilement retrouvé de la fluidité avec la désignation de son représentant.