La contractualisation et le couple

La contractualisation et le couple

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Lors de la formation du couple. – À l'égard des personnes mariées, certaines règles ne peuvent faire l'objet de conventions matrimoniales. En effet, selon l'article 1387 du Code civil, « la loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales (…) pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent ». De même, l'article 1388 du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage ». Les époux ne peuvent donc pas écarter, par contrat de mariage, les règles impératives du régime primaire posées aux articles 212 à 226 du Code civil141. Excepté ces limites, le contrat de mariage permet aux futurs époux de définir librement le fonctionnement de leur vie patrimoniale. Cette liberté porte sur le choix du régime matrimonial. Celui-ci peut s'exercer sur le régime légal ou sur l'un des régimes conventionnels du Code civil, ou encore sur un régime dessiné « sur-mesure » par les époux eux-mêmes. Sur les avantages matrimoniaux, la loi no 2024-494 du 31 mai 2024 sur la justice patrimoniale est venue compléter l'alinéa 2 de l'article 265 du Code civil en offrant dorénavant la possibilité aux époux de rendre irrévocable un avantage matrimonial ne prenant effet qu'à la dissolution du régime ou au décès142.
Le Pacs est l'une des manifestations les plus importantes de ce mouvement de contractualisation. Le couple s'unit et définit les règles de sa vie conjugale. Toutefois, si les candidats au mariage ont toujours eu la possibilité de planifier relativement librement les règles qui leur sont applicables par contrat de mariage, les partenaires doivent en revanche définir leur droit conjugal selon des règles encore très encadrées. Il serait sans doute bienvenu que cette union naturellement « contractuelle » puisse se contractualiser avec plus de flexibilité.
Quant à la convention de concubinage, elle demeure encore marginale, sans doute parce qu'elle s'oppose à la volonté des concubins de se placer « hors du droit ».
– Au cours de la vie de couple. – Au cours de l'union, il n'a pas toujours été possible aux époux de changer de régime matrimonial. En effet, le Code civil de 1804 avait repris le principe d'immutabilité absolue du régime matrimonial143. Le contrat de mariage était considéré comme un pacte de famille conclu entre les futurs époux et leurs parents qu'il était impossible de modifier au cours de l'union. L'immutabilité des régimes matrimoniaux a progressivement reculé en une trentaine d'années. La loi no 65-570 du 13 juillet 1965 a permis aux époux d'aménager leur régime matrimonial, voire de le modifier totalement, dans l'intérêt de la famille, sous le contrôle systématique du juge144. En droit international, la possibilité offerte aux époux de désigner librement la loi applicable et la nature du régime matrimonial, avant comme après le mariage sans contrôle judiciaire145, a précédé la libéralisation opérée par la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 en supprimant l'homologation judiciaire systématique. Le changement de régime matrimonial en droit interne, sans doute sous l'effet notamment du droit international, s'est progressivement libéralisé offrant un champ contractuel plus important146.
Si les partenaires sont libres de modifier, à tout moment, les termes de leur convention de Pacs, la notion même de changement n'a pas vraiment de sens pour les concubins, qui peuvent contractualiser sans contraintes de procédure, ni de délai.
– À l'heure de la rupture. – C'est sans doute en matière de divorce que la contractualisation s'est opérée de manière plus profonde. Jusqu'à une période assez récente, le divorce était une institution essentiellement judiciaire, à caractère contentieux, soumise à une procédure stricte. L'évolution vers une contractualisation s'est faite progressivement. Tout d'abord, la loi no 75-617 du 11 juillet 1975 a introduit la pluralité des causes de divorce en ajoutant à la faute, le consentement mutuel et la rupture de la vie commune147. Peu à peu, le divorce pour faute a cédé le pas au divorce par consentement mutuel lui conférant un caractère non dramatique. Puis, la loi no 2004-439 du 26 mai 2004 a maintenu quatre causes de divorce en favorisant, à chaque étape, le règlement conventionnel, dans un esprit pacificateur148. Enfin, la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxi e siècle a apporté une innovation majeure en permettant aux époux de divorcer par consentement mutuel sans recourir au juge149. La procédure de divorce s'est ainsi contractualisée et déjudiciarisée. Le divorce n'est dès lors plus prononcé par le juge mais constaté par le notaire. Les époux se mettent d'accord sur le principe du divorce et ses conséquences au sein d'une convention sous signature privée contresignée par leurs avocats et déposée au rang des minutes d'un notaire150.
En présence d'un Pacs, la rupture du lien peut se contractualiser par un commun accord entre les partenaires. Elle peut aussi résulter d'une déclaration unilatérale. Par ailleurs, « les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité »151. Le juge ne statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture qu'à défaut d'accord entre les partenaires.