– Plan. – Il arrive fréquemment qu'une donation ne porte pas sur la pleine et entière propriété d'un bien mais uniquement sur un droit démembré de celui-ci, nue-propriété (§ I) ou usufruit (§ II).
Donation et démembrement de propriété
Donation et démembrement de propriété
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Donation de la nue-propriété
– Extinction ou non de l'usufruit au jour du décès. – Lorsque la donation n'a porté que sur la nue-propriété d'un bien, il y a lieu de rechercher si, au jour du décès, l'usufruit existe toujours ou s'il s'est éteint. Si l'auteur de la libéralité s'était réservé l'usufruit du bien, à son décès son usufruit s'éteint et, par conséquent, il sera retenu la valeur en pleine propriété du bien. En revanche, si l'usufruitier est une autre personne que le défunt et est toujours en vie, seule la valeur de la nue-propriété sera retenue.
Donation d'usufruit
– La délicate question du montant du rapport. – Par principe, dans la mesure où elle a été faite en avancement de part successorale, la donation d'usufruit doit être rapportée à la masse à partager.
Plus délicate est la détermination du montant à prendre en compte. On songe particulièrement aux cas de donation d'un usufruit temporaire ou d'un abandon d'usufruit au profit du nu-propriétaire postérieurement à la donation de la nue-propriété. La question se pose pour le rapport mais également et de la même façon pour la réunion fictive.
En doctrine, les solutions présentées divergent. D'un côté, certains auteurs640 considèrent que si l'usufruit est éteint à l'ouverture de la succession, la valeur à retenir est égale à zéro. En effet, l'article 860, alinéa 1 du Code civil dispose que : « Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ». Or, l'usufruit n'existant plus au moment du partage, puisqu'il s'éteint au décès du disposant, sa valeur est égale à zéro. Pour le professeur Michel Grimaldi, cette solution est le « corollaire de ce qu'une donation en nue-propriété est rapportable pour la valeur de la toute propriété lorsque l'usufruit, tel celui que s'était réservé le donateur, est éteint à la date de l'ouverture de la succession »641.
Cette solution peut être discutable dans le sens où elle conduit à exempter du rapport la donation d'un usufruit alors que le législateur est venu expressément consacrer le caractère rapportable des fruits et revenus (C. civ., art. 851, al. 2).
Selon une autre analyse642, il y aurait lieu de rapporter les fruits réellement perçus par le gratifié pendant la durée de la jouissance. Le mérite de cette méthode est de rendre ainsi exactement compte de l'avantage reçu. L'inconvénient soulevé par notre confrère Michel Mathieu est que l'addition des revenus sur une longue période pourrait aboutir à ce que le donataire d'usufruit doive rendre plus compte que le donataire de la pleine propriété du même bien643.
C'est la raison pour laquelle il présente une autre méthode consistant à estimer la valeur économique de l'usufruit donné : « Il est possible de procéder exclusivement à une estimation « économique » de l'usufruit prenant en compte le plus possible de critères significatifs, notamment l'âge de l'usufruitier à la date de la donation et le produit annuel estimé de l'usufruit auquel s'appliqueraient les taux de capitalisation généralement pratiqués par les compagnies d'assurances ».
En l'absence de solution clairement définie en jurisprudence comme en doctrine, les parties devront s'entendre sur la méthode à adopter.