Des familles et des nombres

– Une statistique invisible. – Il existe une statistique que l'on ne trouvera dans aucun livre, ni dans aucune étude, mais dont le notariat doit témoigner. C'est celle portant sur le nombre de familles unies, quels que soient leur modèle de conjugalité et leurs épreuves de vie ; celle portant sur ces familles qui vont bien, qui s'entraident et qui s'aiment. Elles constituent l'immense majorité des clients. Certains prétendront que le prisme notarial déforme les chiffres, parce qu'en tant que professionnels, nous rencontrons surtout ceux qui ont des projets, signes d'une bonne santé économique et affective. En réalité, nous souhaitons aussi raconter l'histoire de personnes qui n'ont pas d'histoire, de ceux qui sont heureux tout simplement, de ceux qui se séparent sans se blesser, de ceux qui sont dans une peine partagée d'avoir perdu l'un des leurs, de ceux qui parviennent à communiquer dans les difficultés et à résoudre leurs désaccords, de ceux qui éprouvent la force de leur fraternité, parce que la famille est le premier lieu de la solidarité privée. Ils composent les chiffres de l'invisible qui n'intéressent pas les médias mais qui forment aussi et surtout le quotidien des études notariales. Selon les mots inspirants du doyen Carbonnier, « la famille (…) reste le lieu le plus usuel des sensations à dominance agréable qui retiennent l'homme, à tort ou à raison, dans la persévérance et la propagation de l'être »⁰²⁶. Aux côtés de ces familles unies, existent malheureusement des foyers qui sont des lieux de violence, d'inégalités, d'indifférence. « Familles je vous hais ! », écrivait André Gide, donnant à son propos, par l'emploi du pluriel, une portée générale et intemporelle. Le droit doit aussi être là pour prévenir ces maux, sanctionner les atteintes et tenter de guérir les blessures.

– Plan. – Pour revenir aux chiffres visibles, les tendances démographiques – naissance, vieillissement et mortalité – seront tout d'abord présentées (Chapitre I) pour analyser ensuite les chiffres des orientations sociologiques familiales (Chapitre II).