– Plan. – Après avoir rappelé les principes (§ I), nous verrons le cas particulier de la renonciation des créanciers au rapport (§ II).
Créanciers du rapport
Créanciers du rapport
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Les principes
– La collectivité des héritiers. – L'article 857 du Code civil énonce que « le rapport n'est dû que par le cohéritier à son cohéritier ; il n'est pas dû aux légataires ni aux créanciers de la succession ». Tendant à garantir l'égalité entre les héritiers, le rapport ne peut jouer qu'en cas de pluralité d'héritiers et bénéficie à tous les héritiers ab intestat acceptants. L'héritier unique n'est donc pas tenu au rapport. Il en résulte que, dans le cadre liquidatif, le rapport est ajouté à la masse à partager après déduction du passif et des legs.
– La situation des créanciers. – Les créanciers successoraux ne peuvent pas demander le rapport des donations consenties par le défunt ni en profiter. Cela dit, dès lors que l'héritier aura accepté purement et simplement la succession, ils seront assimilés à ses créanciers personnels et pourront à ce titre demander le rapport par la voie oblique en vertu de l'article 1341-1 du Code civil. Par ailleurs, l'action paulienne est ouverte aux créanciers successoraux pour faire déclarer inopposables, à leur égard, les donations consenties par le défunt en fraude de leurs droits, en vertu de l'article 1341-2 du Code civil.
La renonciation au rapport
– Principe de l'obligation au rapport. – Le principe de l'obligation au rapport des libéralités en avancement de part successorale est posé à l'article 843, alinéa 1er du Code civil : « Tout héritier (…), doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt (…) à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ».
– Conséquences de la renonciation sur le plan civil. – Les règles relatives au rapport ne sont pas d'ordre public et le créancier d'un rapport peut donc renoncer à en bénéficier. Cette renonciation ne peut intervenir qu'après le décès pour ne pas constituer un pacte sur succession future. Il en résulte un double risque pour les héritiers.
D'une part, en cas de renonciation expresse, celle-ci pourra être considérée comme une donation indirecte. En effet, en dispensant le débiteur du rapport, la masse à partager va diminuer et corrélativement la part de chacun des cohéritiers sera réduite. Du côté du débiteur dispensé, il va pouvoir bénéficier de biens existants successoraux auxquels il n'aurait pas eu droit en raison du mécanisme du rapport en moins prenant.
D'autre part, si le rapport est éludé à la demande des héritiers lors du règlement de la succession, le notaire devra attirer leur attention sur les conséquences de l'imprescriptibilité de la demande en partage, à savoir la possibilité pour les créanciers du rapport, ou leurs héritiers en cas de décès de l'un d'eux, de toujours demander à en bénéficier dans le cadre d'un partage postérieur.
– Conséquences de la renonciation sur le plan fiscal. – L'administration fiscale pourra considérer la renonciation au rapport comme une donation indirecte passible des droits de donation.
– La renonciation à la dispense de rapport. – Selon une logique identique, mais inversée, il est admis que le bénéficiaire d'une donation hors part successorale, donc par définition dispensée de rapport, puisse renoncer à cet avantage. En conséquence, elle fera partie de la masse à partager et augmentera corrélativement les droits des cohéritiers. Là aussi, cette renonciation peut constituer une libéralité indirecte avec des conséquences civiles et fiscales.