Objections en contexte international
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Raison d'être. – On comprend, à la lecture de ces développements, combien la proclamation d'une raison d'être de la réserve héréditaire est délicate. Faut-il la considérer uniquement dans l'ordre interne, dans l'ordre européen, oser la proclamer d'ordre public international ? Lui accorder une valeur constitutionnelle, un statut impératif ? Le mouvement de fondamentalisation du droit privé influencé par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) conduit à l'émergence d'un « droit des droits ». La tentation est grande, à première vue, de reconnaître à travers la réserve un « droit de l'homme à hériter » en participant à la proclamation d'un nouveau droit individuel. Mais, comme le relève justement Claire-Marie Péglion-Zika : « Tout désir ou besoin ne peut donner naissance à un droit consacré ». L'équilibre est à trouver entre la volonté toute-puissante d'un mort gouvernant les vivants et celle d'un héritier revendicatif et amer brandissant l'argument de la « légitime espérance ». On ne saurait donner raison ni au vieillard tyrannique décrit par Mirabeau ni à l'enfant prodigue réclamant son héritage. Le défi n'est plus « la conservation des biens dans la famille », mais bien « l'épanouissement des individus ». L'intérêt de la famille nous paraît supérieur à l'intérêt particulier du de cujus et à celui de ses ayants droit. Le vrai fondement de la réserve, c'est à notre sens celui de l'égalité garantissant l'esprit de famille dans sa dimension collective au service d'une cohésion sociale.
Les rebondissements des quinze dernières années sont la preuve qu'il existe un sujet d'importance. L'internationalisation des patrimoines et la professio juris ont éteint la légitimité du recours à la fraude à la loi, en plein déclin. Et certaines familles recomposées illustrent une configuration potentiellement tragique : lorsque le défunt marque une préférence (parfois pathologique) pour la dernière fratrie et fixe sa résidence habituelle dans un pays qui ne connaît pas la réserve. Pourtant, les notaires n'ont eu de cesse de rappeler l'inadéquation des critiques dont la réserve héréditaire fait l'objet. Et, comme le souligne elle-même la juge de la Haute Cour européenne : « le droit français s'est révélé être très attaché » à la réserve. La reconnaissance d'une réserve à valeur impérative irriguée par sa double ascendance romaine et coutumière pourrait se définir ainsi :
« Forte de ses racines séculaires, la réserve assure aux descendants appelés à la succession un droit à la dimension patrimoniale, affective et symbolique, portant sur une part des biens et droits successoraux de la personne décédée ».