Objections en contexte international
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Troisième phase. De l'ordre public successoral. – Le conflit successoral de l'affaire Colombier s'est alors déplacé sur le terrain de l'ordre public, avec un contentieux jumeau, l'affaire Jarre. Par deux arrêts Jarre et Colombier rendus le même jour, le 27 septembre 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, notamment pour le motif désormais célèbre : « (…) Mais attendu qu'une loiétrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ». La cour considère que les enfants exhérédés ne prétendent pas « se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin ».
De ce dispositif, les commentateurs déduisirent deux conséquences : primo, la réserve héréditaire n'est pas en soi d'ordre public international, mais d'ordre public interne et, secundo, la loi étrangère peut néanmoins être écartée lorsqu'un héritier exhérédé est « dans une situation de précarité économique ou de besoin ».
Dans le prolongement de l'arrêt, les commentateurs se sont alors accordés pour dire que la Cour de cassation avait fragilisé la réserve héréditaire. Elle s'est appuyée sur la construction juridique du for (en préjugeant maladroitement du recul de la réserve héréditaire en droit français), utilisant un fondement alimentaire très restrictif. Sous l'angle de l'égalité, il est à cet égard assez étrange de constater que les motifs de la QPC précitée ayant conduit à l'abrogation de l'article 2 de la loi de 1819 ont pour résultat la création de discriminations entre les enfants selon leur situation de précarité et l'union dont ils sont issus.
Le garde des Sceaux de l'époque, Mme Nicole Belloubet, s'est alors interrogé sur la place de la réserve en droit français et a sollicité, le 28 mars 2019, la création d'un groupe de travail dirigé par Cécile Pérès, professeur de droit privé à l'Université Panthéon-Assas (Paris 2) et Me Philippe Potentier, notaire à Louviers, président du 108e Congrès des notaires de France. Le groupe de travail a confié ses inquiétudes dans le rapport : « L'actuelle position de la Cour de cassation risque, de proche en proche, de précipiter le droit français vers un système inspiré des droits de common law, étranger à notre tradition juridique, construit de toutes pièces par le juge et remis entre ses seules mains ».