Trois points d'attention

Trois points d'attention

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– La forme et la date de la convention de démembrement. – Elle sera établie par acte notarié ou acte sous seing privé enregistré en recette. Pour la date à laquelle il convient d'intervenir, le notaire distinguera les cas suivants.
Lorsque la convention est dressée dans le cadre d'une succession, elle sera signée lors de l'établissement de l'acte d'option et de l'acte de cantonnement éventuel, à l'issue du règlement final.
En revanche, si elle est rendue nécessaire par le dénouement d'un contrat d'assurance-vie avec clause démembrée (avec ou sans obligation d'emploi), la convention interviendra lors des opérations de déblocage dudit contrat.
Tandis que s'il s'agit de fonds provenant de l'arbitrage d'un bien successoral démembré, la décision de faire naître un quasi-usufruit devra être préalable à la cession. Elle sera idéalement dressée entre la promesse et la vente, ou à défaut devra relater la date à laquelle la décision a été prise.
S'il s'agit d'une opération d'affectation du résultat, report à nouveau et réserves, ayant lieu dans le cadre sociétaire, la décision sera mentionnée à la fois dans la résolution de l'assemblée et dans une convention subséquente à la décision collective.
Le cas des biens donnés (puis vendus) est bien plus complexe. Pendant plusieurs années, il a été conseillé d'anticiper au sein même de l'acte de donation la convention de quasi-usufruit dans l'hypothèse de la cession ultérieure du bien. Or le nouvel article 774 bis du Code général des impôts a introduit de nouvelles données en admettant la déductibilité de la dette sous réserve de justifier que celle-ci n'a pas été contractée dans un objectif principalement fiscal. L'instruction fiscale du 26 septembre 20241179 a énoncé trois critères utilisables par la méthode du faisceau d'indices :
  • le temps écoulé entre la donation et la cession ;
  • les motivations patrimoniales ayant conduit à la cession et au quasi-usufruit ;
  • le degré de latitude de l'usufruitier.
Ainsi, la convention ne saurait désormais être fixée ab initio. Catherine Orlhac conseille, dès lors, de prévoir dans l'acte de donation une faculté de remploi en démembrement. Au jour de la cession, les parties seront libres soit d'une répartition conforme à leurs droits, soit d'un report sur un autre bien démembré, soit d'un quasi-usufruit si les conditions de l'instruction fiscale sont remplies.
– Mode d'emploi pour sortir d'une ancienne convention de quasi-usufruit devenue douteuse. – Nous sommes nombreux à avoir signé des actes de donation comprenant ab initio une convention de quasi-usufruit applicable en cas de cession, en accord avec les préconisations de la doctrine et de la jurisprudence d'alors. S'il est possible de changer la pratique à l'avenir, il est en revanche bien plus complexe de revenir sur des actes de donation ou de convention déjà établis. La question est néanmoins suffisamment grave pour qu'elle soit envisagée sérieusement, malgré l'inconfort que cela procure au praticien. Nous analyserons le cas où le bien n'a pas été vendu et le cas où, ayant été vendu, le quasi-usufruit litigieux est déjà né.
Si le bien donné n'a pas été vendu, il pourrait être conseillé de revenir sur l'acte de donation pour insérer, en cas de cession, une faculté d'emploi des fonds en lieu et place de la convention de quasi-usufruit initiale. Lors de la vente subséquente, le quasi-usufruit sera évité et ne sera réservé, avec d'infinies précautions, qu'aux cas particuliers du financement des dépenses courantes du titulaire, en l'absence de solutions alternatives. On lui préférera un placement sur support démembré (compte usufruit/ nue-propriété), ou une conversion en rente viagère.
Si le bien a déjà été vendu et qu'un quasi-usufruit douteux est né, il est indispensable de conseiller aux parties de sortir de l'opération. Dans l'hypothèse où la somme n'aurait pas été réinvestie, elles pourraient s'entendre pour basculer sur un démembrement classique. Mais, si la somme a déjà été réinvestie, la première voie serait celle du remboursement anticipé, soit sous la forme d'une somme d'argent (somme fixée à la valeur capitalisée de la nue-propriété), soit sous la forme de la remise de la nue-propriété d'un bien en nature (par dation en paiement, on reporterait le démembrement sur un autre bien, voire sur les biens investis). La seconde voie, en présence d'un réinvestissement d'ores et déjà réalisé, pourrait être une renonciation pure et simple au quasi-usufruit de manière anticipée. L'opération, selon certains auteurs, permettrait au titulaire de conserver « la jouissance sous la forme d'un usufruit ordinaire »1180. Ces points seront très probablement abordés par la doctrine dans les mois à venir.
– Évaluation de la dette de restitution du quasi-usufruitier. – Le dernier point d'attention est plus technique. L'évaluation de la créance de restitution obéit à la règle du nominalisme monétaire (C. civ., art. 1895), lorsque le quasi-usufruit est légal et s'exerce à titre naturel (C. civ., art. 587). Il est néanmoins possible de prévoir par convention une réévaluation de la dette pour se prémunir de la dépréciation monétaire de deux manières :
  • la première est de prévoir une clause d'indexation par référence à des indices (selon les règles de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier) en lien avec l'objet de la convention. Il sera donc utile, comme le rappellent les auteurs précités, de préconstituer la preuve de l'affectation des sommes dans la convention1181 pour faciliter le lien. Il semblerait, selon la jurisprudence, que la clause joue à la hausse comme à la baisse, sans qu'il soit possible de prévoir une valeur nominale minimum ;
  • la seconde est de retenir la technique de la revalorisation en dette de valeur en rapport avec l'actif sous-jacent. Selon cette méthode, il semblerait qu'une valeur plancher soit envisageable. Cette seconde voie nous semble plus protectrice des intérêts du nu-propriétaire.

Dix précautions pratiques pour rédiger une convention de démembrement

1) Établir une convention mixte de démembrement équilibrée et appropriée à chaque classe d'actif (quasi-usufruit avec dispense d'emploi et usufruit avec obligation d'emploi) par acte notarié.
2) Limiter la portée de la convention aux actifs situés en France et ayant vocation à y rester.
3) En présence de non-résidents, vérifier l'opposabilité de la convention au civil et au fiscal dans les pays concernés.
4) Proscrire le quasi-usufruit sur le bon de capitalisation, lui préférer un usufruit classique.
5) Interdire au bénéficiaire de remployer les fonds en quasi-usufruit dans un contrat d'assurance-vie et un bon de capitalisation.
6) Choisir de manière appropriée la méthode de réévaluation conformément à l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier.
7) Prévoir la mise en place d'une garantie en famille recomposée, notamment en présence d'un conjoint usufruitier jeune (à défaut de dispense par le défunt).
8) Inscrire la convention au fichier central des dispositions de dernières volontés.
9) Rappeler les sources du démembrement en exposé (succession, contrat de mariage, bénéfice d'assurance-vie, vente d'un actif successoral démembré, distribution en cadre sociétaire, donation).
10) Éviter le quasi-usufruit sur fonds provenant d'une donation d'actif démembré et lui préférer une clause d'emploi avec le maintien d'un usufruit traditionnel.