Résolution des difficultés

Résolution des difficultés

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Objectifs poursuivis. – Les questions pratiques étudiées font émerger les pistes de prospectives. Les familles plurielles, qu'elles soient traditionnelles, recomposées, monoparentales, homosexuelles, avec un conjoint survivant marié en premières, secondes ou même en troisièmes noces, ou bien avec un conjoint non marié, pacsé, concubin, avec ou sans enfant, famille franco-française comme internationale, ont toutes, malgré leur pluralisme, un point commun. Elles recherchent plus de cohérence (Sous-section I), plus d'efficacité (Sous-section II), moins d'interdépendance entre les groupes familiaux pour qu'à la douleur du deuil ne s'ajoute pas celle de la succession.

Une recherche de cohérence

– L'alignement de tous les régimes relatifs aux fruits. – Nous sommes profondément attachés au système de la continuation de la personne, fondement de la saisine héréditaire de droit latin. Néanmoins la complexité du système du Code civil distinguant artificiellement possession et propriété, imposant trois niveaux de saisine (de plein droit, après contrôle, après délivrance), prescrivant selon le titre et la qualité des différences d'obligations aux dettes et de droits aux fruits, manque assurément de lisibilité. Mais le risque est grand de déséquilibrer l'ensemble.
Une proposition, qui ne dénaturerait pas l'édifice et marque par sa simplicité, semble s'imposer : pourquoi ne pas aligner tous les régimes relatifs aux fruits ? Il serait bienvenu que la loi permette aux légataires particuliers d'avoir droit aux fruits dès le décès si la demande en délivrance était présentée dans l'année. De nombreux auteurs se sont étonnés du régime actuel : « On peut s'interroger sur le bien-fondé des règles légales. Pourquoi tout légataire n'acquiert-il pas les fruits dès le décès, puisque, dès ce jour, il est propriétaire – sauf naturellement, à laisser aux héritiers possesseurs de bonne foi ceux qu'ils n'auraient perçus ? »426.
– Une recommandation de pratique uniforme pour le conjoint survivant. – Les développements qui précèdent ont fait émerger, autour de la saisine héréditaire du conjoint, deux doutes qu'il convient de lever par une pratique uniforme, voire une intervention législative.
Le premier doute est relatif au contrôle de la qualité de légataire du conjoint institué par testament olographe427. À noter, en outre, que l'envoi en possession (sous sa nouvelle forme) n'empêche nullement toute action en nullité du testament, même après le délai d'opposition. Le conjoint est héritier, saisi de plein droit. Les formalités de l'article 1007 du Code civil, dans son cas, nous paraissent superfétatoires. L'examen de la « vulnérabilité du titre » n'a pas de sens à l'égard des proches du défunt, héritiers saisis.
La seconde incertitude concerne la saisine du conjoint. C'est un vieux serpent de mer qui ressurgit à intervalles réguliers, dont nous entendons tordre le cou définitivement. Sur le fondement de décisions judiciaires isolées428, un doute subsiste sur le statut du conjoint exhérédé ou renonçant à ses droits légaux, au bénéfice d'une libéralité. En raison du principe d'absence de cumul entre la vocation légale et les libéralités dont il a bénéficié, posé par la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 précitée, la question se pose de nouveau. Il nous paraît peu raisonnable de prétendre que le conjoint perde la saisine parce qu'il est gratifié. Le testateur n'a pas entendu lui retirer la saisine, tout en lui conférant une vocation successorale. À ce sujet, le comité de consultation du CRIDON de Paris, le 6 juillet 2022, a formulé l'observation suivante : « Il serait permis de considérer que l'exhérédation explicite d'un héritier non réservataire ne lui fait pas perdre la saisine lorsqu'il ressort d'une recherche de la volonté du défunt que ce dernier n'avait pas pour finalité d'exclure définitivement l'héritier de la succession dans la mesure où ce dernier conserve une vocation successorale en raison du bénéfice du legs dont il a été gratifié ». Dont acte.
– Une suggestion plus prospective pour le légataire héritier. – Le sujet, bien que voisin des précédents, est plus délicat dans la mesure où la suggestion va à l'encontre d'une jurisprudence constante429. Lorsque l'héritier est légataire et tire du testament olographe une vocation supérieure à sa vocation légale, la Cour de cassation préconise un contrôle de l'article 1007 du Code civil430. Du point de vue de la pratique notariale, si l'on compare la situation d'un héritier légataire à titre universel ou à titre particulier, dispensé d'envoi en possession et de délivrance de legs avec celle du légataire universel héritier, la solution actuelle paraît difficile à justifier. La question a nettement moins d'incidence depuis la réforme de 2016 qui a largement simplifié et raccourci la procédure431.
Néanmoins ne pourrait-on pas, sur le fondement de l'indivisibilité de la saisine, faire prévaloir la qualité d'héritier saisi de plein droit sur celle de gratifié vulnérable ? Ceci nécessiterait une modification de l'article 1007 du Code civil pour préciser que le légataire héritier est toujours dispensé du contrôle quelle que soit la portée de la libéralité.

Une recherche d'efficacité

– Une proposition audacieuse pour sortir d'une impasse. – S'il est une situation particulièrement désastreuse, c'est bien celle résultant d'un testament mal rédigé, sans légataire universel, ni héritiers réservataires, répartissant par une série de legs (particuliers et à titre universel) la totalité du patrimoine. Dans cette configuration, la recherche des héritiers du sang, à la vocation héréditaire subsidiaire, mène souvent à une impasse et plonge la gestion de l'hérédité dans l'inertie432.
En l'absence d'héritier à réserve, les légataires conjoints de tous les biens, droits, obligations et dettes de la succession (actif comme passif) seraient soumis non à une délivrance mais un contrôle notarié de l'article 1007 du Code civil433. La proposition est audacieuse parce qu'elle déplace la police de l'hérédité entre les mains du notaire qui vérifierait le caractère universel des dispositions de dernières volontés.
– Une consécration légale d'une jurisprudence ancienne. – S'agissant de la pluralité de legs particuliers absorbant la totalité de l'actif, elle ne saurait échapper à la formalité de la délivrance434. Une voie envisageable pourrait être d'assujettir la délivrance de legs à la signature des seuls héritiers « connus » au jour de la demande435. Nous évoquerons cette solution dans le chapitre suivant.