Règles civiles

Règles civiles

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Recensement des éléments du passif. – Le liquidateur doit recenser les dettes à l'égard des tiers qui grèvent les biens indivis, notamment les dettes d'emprunts immobiliers812. Une vision extensive du passif indivis doit être adoptée par le notaire liquidateur. Il importe peu, en effet, que la dette ait été souscrite par un époux seul ou par les deux époux conjointement ou solidairement, dès lors qu'elle a été souscrite régulièrement. Cette pétition de principe est souvent source d'erreurs en pratique lorsque la dette est née du chef de l'un des indivisaires. Elle s'appuie pourtant sur la distinction classique entre l'obligation et la contribution à la dette :
  • lorsque l'un des indivisaires a souscrit un prêt à son seul nom, pour financer l'achat ou des travaux relatifs à un bien indivis, et sauf à ce que l'établissement prêteur ait exigé l'engagement de l'autre indivisaire, l'emprunteur est seul tenu à l'égard de la banque au stade de l'obligation à la dette ;
  • en revanche, dans ses rapports entre coïndivisaires, c'est-à-dire au stade de la contribution à la dette, et parce que l'objet du prêt est relatif à un bien indivis, le prêt en question doit figurer au passif de l'indivision.
Sont également indivises les dettes dont la masse indivise peut être débitrice à l'égard des indivisaires. Doit ainsi être porté au passif de l'indivision le solde du compte d'indivision de l'époux lorsque la balance lui est favorable. Par symétrie avec l'actif indivis, il convient de souligner que les dettes se valorisent à la date de la jouissance divise.
– Cas de l'emprunt grevant un bien indivis dans des proportions inégales. – Il arrive que les époux acquièrent un bien en indivision dans des quotités différentes. En pareille hypothèse, les dettes grevant ce bien suivent par principe les quotités indivises. Ainsi, par exemple, si un bien est indivis à hauteur de 60 % au profit de madame et à hauteur de 40 % au profit de monsieur, les dettes indivises doivent être assumées par chacun selon ses droits dans l'indivision, c'est-à-dire à hauteur de 60 % par madame et à hauteur de 40 % par monsieur. Cette hypothèse ne soulève aucune difficulté liquidative.
La règle devient en revanche une source de difficultés dans le cas fréquent où les droits des indivisaires sur un bien immobilier ont été déterminés en prenant en compte leurs apports, souvent inégalitaires, mais avec une prise en charge de l'emprunt qui a été souscrit en vue de l'acquisition, par moitié. Ainsi, par exemple, monsieur et madame ont acquis un bien indivis à concurrence de 40 % et 60 % en raison de l'existence d'un apport réalisé par cette dernière, mais il est indiqué dans l'acte d'acquisition que le prêt sera remboursé à concurrence de moitié chacun. Au moment de la séparation, il arrive alors que l'indivisaire dont les droits sont les plus faibles estime que le capital restant dû au titre de l'emprunt doit être assumé en suivant les quotités stipulées dans l'acte, cependant que l'autre prétend que l'emprunt doit être tenu pour indivis par moitié.
Lorsqu'un bien indivis est acquis dans une proportion, alors que le prêt est spécifié remboursé dans des proportions différentes, deux méthodes liquidatives peuvent être préconisées, savoir :
  • la première consiste à déduire de l'actif brut le montant du solde du prêt et ensuite à déterminer les droits de chacun au vu des quotes-parts de propriété (liquidation classique) ;
  • la seconde consiste à liquider l'actif suivant les proportions d'achat tandis que le passif obéit à ses propres règles, selon la charge pesant sur chacun (liquidation distributive813).
Si l'acte d'acquisition prévoit expressément le traitement liquidatif de l'emprunt, sans qu'importe qu'il consacre la première ou la seconde méthode, le notaire se contente de suivre les prescriptions contenues dans l'acte. Mais, (trop) souvent, le titre de propriété se borne à mentionner les quotités indivises, sans préciser la manière dont elles ont été déterminées. C'est cette situation qu'il y a lieu de régler, car les deux méthodes de calcul n'aboutissent pas au même résultat.

Méthode liquidative classique versus méthode liquidative distributive

Un exemple permettra de mieux illustrer nos propos. M. A et M<sup>me</sup> B ont acquis un immeuble à concurrence de 40 % pour monsieur et 60 % pour madame moyennant un prix de 400 000,00 € financé au moyen d'un apport de monsieur seul et à l'aide d'un prêt consenti aux deux indivisaires d'un montant de 200 000,00 € remboursable à concurrence de moitié chacun. À la date de la jouissance divise, l'immeuble indivis vaut 600 000,00 € et il reste dû sur le prêt la somme de 150 000,00 €. Quels sont les droits des parties ?

<strong>MÉTHODE CLASSIQUE</strong>

Actif = 600 000,00 €

Passif = 150 000,00 €

Actif net = 450 000,00 €

Droits des parties :

Monsieur à droit à 40 % de l'actif net indivis = 180 000,00 €

Madame a droit à 60 % de l'actif net indivis = 270 000,00 €

<strong>MÉTHODE DISTRIBUTIVE</strong>

Actif = 600 000,00 €

Revenant à monsieur à concurrence de 40 % = 240 000,00 €

Revenant à madame à concurrence de 60 % = 360 000,00 €

Passif = -150 000,00 €

Supporté par monsieur à concurrence de 50 % = -75 000,00 €

Supporté par madame à concurrence de 50 % = -75 000,00 €

Droits des parties :

Monsieur = 240 000 € – 75 000 € = 165 000,00 €

Madame = 360 000,00 € – 75 000,00 € = 285 000,00 €

– Position de la Cour de cassation. – Par un arrêt en date du 5 octobre 2016814, la Cour de cassation a eu l'occasion de revenir sur ce problème et a considéré que l'emprunt doit être tenu pour indivis dans les proportions portées dans le titre de propriété. Appliquée à l'exemple donné ci-dessus, cette solution revient à dire que l'emprunt doit être tenu pour indivis dans des proportions de 60/40. La solution s'impose logiquement : dans un contexte conflictuel, dès lors que le titre de propriété fixe clairement des quotités indivises sans comporter aucune précision sur leurs modalités de détermination, il n'y a pas lieu d'interpréter cette clause claire et précise mais de l'appliquer. Rien n'empêche cependant le notaire, selon nous, dans une optique transactionnelle et lorsqu'il ressort clairement des données du dossier que les proportions d'acquisition ont été calculées ab initio en tenant compte d'un remboursement du prêt par moitié, de proposer une liquidation distributive, sous peine de contrevenir à l'accord de volonté exprimé par les indivisaires au moment de l'achat et de faire le jeu de la mauvaise foi de l'un d'eux au moment de la séparation.

Le devoir de conseil du notaire à l'occasion des acquisitions immobilières

Le notaire, rédacteur de l'acte d'achat, se doit d'attirer l'attention des parties qui acquièrent en indivision un bien immobilier au moyen, en tout ou partie, d'un financement bancaire, sur les incidences liquidatives qui en découlent : s'ils entendent que l'emprunt soit assumé dans des proportions autres que celles de leurs droits indivis, il convient en effet de le mentionner expressément dans le titre de propriété. En somme, il ne faut donc pas hésiter à consacrer de larges développements dans l'acte sur les modalités de détermination des quotités indivises dès lors qu'elles ne sont pas égales815.