– Couples mariés, régimes matrimoniaux. – La créativité notariale en matière d'organisation patrimoniale familiale s'exprime au sein du couple marié notamment au travers des régimes matrimoniaux. Le contrat de mariage « sur mesure » est l'un des champs créatifs. Si le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts ou la séparation de biens constituent la base du droit français, de nombreuses familles choisissent d'opter pour des solutions plus appropriées permettant une protection par la voie des avantages matrimoniaux185. Pourtant cette ingénierie est encore assez mal connue. Un sondage réalisé en septembre 2024 par le Groupe IFOP pour l'Institut d'études juridique du CSN révèle, outre une forte volonté d'indépendance patrimoniale186, une méconnaissance générale des règles relatives aux régimes matrimoniaux187. Le 118e Congrès des notaires avait proposé, en 2022, une solution inventive pour y remédier : la création d'un certificat prénuptial188.
L'organisation patrimoniale
L'organisation patrimoniale
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Au sein du couple
– Couples pacsés, concubins et protection du logement. – Accompagner les couples non mariés conduit souvent le notaire à planifier la protection et la transmission du logement. Si la clause de tontine s'avère aujourd'hui une solution complexe à éviter, d'autres voies sont à explorer. L'achat démembré avec constitution d'un usufruit successif, la convention d'indivision avec faculté de rachat de l'article 1873-1 du Code civil ou la société civile dont les statuts assurent une flexibilité indéniable sont des outils permettant d'assurer la protection du logement. Ils présentent tous des avantages et des inconvénients que les clients doivent appréhender. Le regard et le conseil du notaire sont, à cet égard, très précieux. Ils permettent d'anticiper ces questions et de trouver avec les familles la meilleure solution pour répondre à leur projet. Ces outils seront étudiés dans les travaux du 121e Congrès de manière approfondie. Ils permettent en effet d'apporter des solutions à ceux qui ont fait le choix de ne pas se marier.
À l'égard des parents et beaux-parents
– Une convention organisant les modalités d'exercice de l'autorité parentale par acte authentique ? – La convention prévue à l'article 373-2-7 du Code civil pour organiser les modalités d'exercice de l'autorité parentale et fixer la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants est établie par les avocats. Les parents ont la possibilité de la soumettre à l'homologation du juge afin qu'elle produise ses effets à l'égard des tiers ainsi qu'entre eux en cas de désaccord postérieur. Serait-il possible d'envisager que celle-ci soit conclue en la forme notariée ? Elle aurait ainsi force exécutoire sans pour autant recourir au juge. Toute la complexité pour le notaire résiderait dans le fait, non pas de s'assurer du consentement libre et éclairé des parents, mais de vérifier qu'elle préserve suffisamment l'intérêt de l'enfant entendu de manière très générale. Si cette notion figure dans les textes de loi, dans les conventions internationales et dans la jurisprudence, elle n'est pas définie. Aucun critère n'est d'ailleurs posé pour tenter de la cerner189. Il s'agit d'une « notion à contenu variable »190, « fuyante »191, « insaisissable »192, qui constitue néanmoins « la pierre angulaire » de l'autorité parentale193. Comme l'écrivait Carbonnier, cette notion de l'intérêt de l'enfant « fait figure de formule magique »194, laissant à ceux qui doivent se prononcer, dans l'intérêt de l'enfant, un large pouvoir d'appréciation. Tout au plus, est-il précisé dans la Convention internationale relative aux droits de l'enfant en date du 20 novembre 1989 que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale »195, de sorte que dans la balance des intérêts en cause – ceux du ou des parents face à ceux de l'enfant –, l'intérêt de l'enfant doit être privilégié. À la lecture de ces lignes, certains diront que l'appréciation de l'intérêt de l'enfant doit demeurer dans la sphère du juge aux affaires familiales. Néanmoins, le notaire, habitué à ces notions qui font appel à une certaine subjectivité196, pourrait être un professionnel du droit compétent pour établir de telles conventions dans le cadre par exemple d'une famille plurielle, loin de tout contentieux, et avant même la naissance de l'enfant.
– Un mandat d'éducation quotidienne pour le beau-parent. – Un tel mandat, reposant sur la volonté individuelle, a déjà été évoqué par le 113e Congrès des notaires reprenant les travaux formulés dans le rapport Filiation, origines, parentalité
197. Il permettrait ainsi au beau-parent d'accomplir les actes usuels de l'autorité parentale sur la personne de l'enfant de son conjoint, partenaire ou concubin.
– Un pacte de responsabilités en dehors de la famille ? – La famille n'est plus aujourd'hui le seul modèle de solidarité. En Allemagne, une nouvelle institution juridique a été présentée par le ministre de la Justice en février 2024 sous le nom de « communauté de responsabilité »198, qui s'inscrit au-delà du cadre des relations amoureuses ou du mariage. Celle-ci consiste, pour des personnes qui assument entre elles des responsabilités, à sécuriser leurs relations par l'établissement d'un acte notarié199. Cette communauté composée de six personnes au maximum, s'adresserait aux amis en colocation, aux personnes âgées ou aux parents seuls avec leurs enfants… En France, Jean Hauser avait proposé, avant l'adoption du Pacs, le pacte d'intérêt commun (PIC) ouvert aux fratries200. Celui-ci n'a pas été retenu. Était-il alors trop osé pour l'époque ? Aujourd'hui, des auteurs réfléchissent à la création d'actes d'intérêt commun pour régir la situation de ceux qui vivent dans un même lieu sans pour autant partager une vie de couple et dont l'objectif est de s'entraider dans le quotidien. Pour eux, « le choix de l'acte notarié est évident : le notaire s'assurera du consentement et de la capacité de l'ensemble des personnes engagées »201.
Au regard de la planification de la transmission
– Une inventivité, historiquement source de droit. – L'inventivité notariale, source de droit selon les termes du professeur Malaurie202, s'est historiquement exercée en matière successorale203. Le notaire, tel un fantassin du droit, a toujours agi en première ligne, créant une pratique qui, de temps à autre, a précédé la norme. Peuvent être cités, à titre d'exemple, l'acte de notoriété, la donation entre époux, le legs de
residuo. Cette pratique continue parfois d'être inconnue comme la délivrance de legs verbal ou l'interprétation testamentaire. Elle est plus rarement contra legem comme le droit de retour optionnel ou certaines formes de cantonnement204.
– Les contrats d'anticipation successorale. – En matière d'anticipation successorale, les exemples sont si foisonnants qu'ils ne peuvent être listés de manière exhaustive. Sont mentionnés le mandat à effet posthume, le testament, la donation entre époux, les donations et les donations-partages avec ses clauses associées – transgénérationnelle, résiduelle, conjonctive –, la désignation du bénéficiaire de l'identité numérique205, la désignation d'une loi applicable206, les clauses concernant les bénéficiaires d'assurance-vie…
– La transmission au décès. – Lors du règlement d'une succession, la multiplicité des options ainsi que le cantonnement présentent des intérêts qui ne sont pas assez exploités en pratique207. Les premières sont si nombreuses qu'elles assurent une dévolution choisie si le notaire prend le soin de les proposer lors de la transmission208, tandis que le second permet le saut de génération si utile compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie.
– La détention collective post-transmission. – Enfin, s'agissant de la période de gestion collective, les conventions d'indivision peuvent notamment permettre de sélectionner les futurs coïndivisaires par un mécanisme assez proche de la clause d'agrément. Elles ne sont que très rarement proposées par les praticiens. De même, les statuts des sociétés familiales offrent la possibilité de prévoir qu'elles ne se poursuivront, au décès de l'un des associés, qu'avec les associés restants, ce qui permet d'exclure les ayants droit qui n'auront droit qu'à la valeur des titres. Quant aux conventions de démembrement, elles permettent de distinguer les liquidités soumises à un quasi-usufruit des autres actifs conditionnés à une obligation d'emploi.
– Une convention pour les maisons de famille. – Certains notaires accompagnent les familles pour la mise en place de règlements de vie pour les maisons de famille, lieux de rassemblement saisonnier. La convention peut prévoir la planification dans le temps (répartition des semaines d'occupation) et l'espace (avec des pièces de vie commune et parties privatives), voire le modus operandi pour la fixation du budget avec la désignation d'un mandataire annuel. Plus proche d'un règlement intérieur que d'une convention d'indivision, elle est un instrument de pacification très créatif, destiné à gérer la période de détention collective.