Les quotités de propriété : préserver ses intérêts financiers

Les quotités de propriété : préserver ses intérêts financiers

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Préserver les intérêts financiers du couple. – Lorsqu'ils acquièrent un bien en indivision, la plupart des couples prévoient un achat dans des proportions par moitié, alors même que leur financement n'est pas égalitaire. Prévoir des quotités de propriété au moment de l'acquisition permet de préserver les intérêts financiers du couple. Dans cette hypothèse, la propriété reflète exactement le financement. Les quotes-parts correspondent à l'apport respectif des époux. Cette modalité d'acquisition est adaptée lorsque le bien est financé comptant (Cas pratique 1). Il en est de même lorsque les modalités de remboursement de l'emprunt permettant le financement de l'acquisition respectent scrupuleusement les proportions convenues aux termes de l'acte (Cas pratique 2). Elle permet de prévoir, dès l'acquisition, la proportion du prix payée par chacun et les modalités de remboursement des sommes empruntées001.
L'hypothèse visée est celle de l'acquisition par des concubins, des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ayant choisi un régime de séparation de biens ou d'époux mariés sous le régime de la séparation de biens.

Cas pratique 1

M. et M<sup>me</sup> X achètent un bien pour un prix de 100 000 €. Le bien est financé comptant sans emprunt. M. X effectue un apport de 30 000 € et M<sup>me</sup> X un apport de 70 000 €.

Solution 1 : Dans l'acte d'acquisition, les proportions d'acquisition respectent les proportions de financement. Monsieur est propriétaire à hauteur de 30 % et madame à hauteur de 70 % du bien en indivision.

Solution 2 : Madame et monsieur sont propriétaires indivis à hauteur de 50 % chacun. Il est constaté, par ailleurs, soit que madame détient une créance de 20 000 € contre monsieur, soit que madame consent une donation de 20 000 € au profit de monsieur.

Cas pratique 2

M. et M<sup>me</sup> X achètent un bien pour un prix de 100 000 €. Le bien est financé en totalité au moyen d'un emprunt. Les acquéreurs s'engagent à rembourser le prêt à hauteur de 70 % pour madame et 30 % pour monsieur, correspondant à leurs revenus respectifs. Dans l'acte d'acquisition, les proportions d'acquisition sont les suivantes : monsieur est propriétaire à hauteur de 30 % et madame à hauteur de 70 % du bien en indivision.

Toutefois, lorsque le financement est détaché de la propriété, l'existence de quotités d'acquisition peut susciter des difficultés à la clôture de l'indivision.

– La prise en compte du financement de l'acquisition du bien indivis à l'aide d'un emprunt. – L'évolution de la famille et les aléas de la vie peuvent conduire à modifier les modalités de financement initialement prévues. En cas de séparation du couple, l'indivision est liquidée et le bien acquis est vendu ou partagé.
Lorsque le financement de l'acquisition est assuré par un emprunt, l'indivisaire solvens est susceptible de bénéficier d'une créance sur le fondement de l'article 815-13 du Code civil002. À ce propos, il convient de rappeler que la jurisprudence retient une interprétation extensive de la notion de « dépense de conservation » visée par le texte, qui englobe l'emprunt souscrit pour financer l'achat d'un bien indivis. Par un avis rendu le 5 juillet 2023, la Cour de cassation étend le domaine des dépenses de conservation d'un bien indivis au remboursement anticipé, par l'un des indivisaires, du prêt ayant servi à l'acquisition du bien immobilier003.
En pratique, l'indivisaire ayant remboursé le crédit finançant l'acquisition d'un bien indivis à l'aide de fonds personnels peut donc réclamer une indemnité à l'indivision sur le fondement de l'article 815-13 du Code civil.
Cela étant, ce droit à créance est généralement écarté, en présence d'époux séparés de biens, sur le fondement de l'obligation de contribuer aux charges du mariage (C. civ., art. 214). En effet, la Cour de cassation considère désormais que le financement résultant du remboursement d'un emprunt souscrit pour payer le prix finançant le logement de la famille tombe sous le coup de la contribution aux charges du mariage004. Et la solution a été étendue aux partenaires pacsés, sur le fondement de l'aide matérielle réciproque (C. civ., art. 515-4)005. De la même manière, la Haute juridiction considère que la demande de créance de l'époux solvens peut être neutralisée par l'obligation contributive de l'article 214 du Code civil lorsque l'emprunt en question a permis le financement de la résidence secondaire006, ou la notion de contribution aux dépenses de la vie commune pour les concubins007.
– La prise en compte du financement de l'acquisition au comptant. – Au moment de la rupture, le débat porte parfois sur l'apport au comptant.
En présence d'une clause de reprise des apports, le créancier de l'apport récupère le montant de l'apport au nominal. L'existence d'une dépréciation de la valeur du bien n'a aucune incidence sur le montant de la reprise.
En l'absence d'une telle clause, l'époux qui a financé l'apport totalement ou, à tout le moins, au-delà de sa quote-part, cherche à le récupérer en sollicitant une créance, si possible revalorisée, à l'encontre de son coïndivisaire. La Cour de cassation, interrogée sur le point de savoir si le mouvement de valeurs invoqué par le demandeur constituait une créance à l'encontre de l'indivision ou une créance personnelle, a privilégié la seconde option. La solution retenue, sans incidence concrète pour les époux ou les partenaires dans la mesure où tant les comptes d'indivision (C. civ., art. 815-13) que les créances personnelles (C. civ., art. 1479 et 1543) obéissent au principe de la dette de valeur, n'est pas anodine sur un plan pratique pour les concubins dont les créances l'un envers l'autre ne sont pas revalorisées.
C'est donc une créance à l'encontre de son coïndivisaire, et non une créance à l'encontre de l'indivision, que l'époux, partenaire ou concubin solvens peut invoquer, au moment de la désunion, pour récupérer sa mise initiale. Par ailleurs, rappelons que les coïndivisaires ne peuvent invoquer la contribution aux charges du mariage008. À défaut, l'existence d'une libéralité ou d'une donation rémunératoire peut être invoquée par l'indivisaire défendeur.

Cas pratique 3

Monsieur et madame achètent un bien immobilier pour un prix de 100 000 €. Madame réalise un apport de 40 000 €. Le surplus est financé au moyen d'un prêt de 60 000 €. Les proportions d'acquisition prévues dans le contrat sont les suivantes : madame est propriétaire indivise à concurrence de 70 % et monsieur à concurrence de 30 %. Chacun s'engage à rembourser le prêt à concurrence de 50 %. À l'issue du remboursement du prêt, les modalités de remboursement du prêt sont les suivantes : monsieur a remboursé 45 000 € du prêt et madame 15 000 €. La valeur du bien au jour du partage est de 130 000 €.

L'apport ayant été pris en compte pour la détermination des proportions d'acquisition, aucune créance entre époux ne naît de ce fait.

Concernant le remboursement du prêt, une créance entre époux naît au profit de monsieur. Il aurait dû contribuer au remboursement du prêt à hauteur de 30 000 €. En réalité, il a déboursé la somme de 45 000 €. En conséquence, une créance entre époux existe au profit de monsieur. Celle-ci ne peut être inférieure au profit subsistant. Il devait contribuer à hauteur de 30 000 €. Or il a contribué à hauteur de 45 000 €. La dépense faite est de 45 000 – 30 000 = 15 000 €.

Le profit subsistant est de 15 000 / 70 000 (1 30 000 € × 70 %) = 195 00 €.