– Présomption fiscale. – Aux termes de la présomption de fictivité édictée par l'article 751 du Code général des impôts, les ventes avec réserve d'usufruit sont présumées, jusqu'à preuve du contraire, faire partie de la succession du vendeur. L'effet produit par cette présomption est de permettre à l'administration de réintégrer la valeur du bien en pleine propriété dans l'actif successoral taxable, les droits payés lors du démembrement de propriété par le nu-propriétaire étant imputables sur le montant de l'impôt de transmission par décès495. L'administration qui fonde son action sur ce texte n'a pas à suivre la procédure de l'abus de droit496. Il est à noter que les dispositions de l'article 751 ne concernent pas les ventes avec réserve du droit d'usage et d'habitation « à condition que les intéressés n'aient pas constitué, sous l'apparence d'un droit de cette nature, un véritable droit d'usufruit »
497. L'interposition d'une société entre le vendeur et le successible permet également de déjouer la présomption fiscale498.
Les précautions fiscales
Les précautions fiscales
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Abus de droit fiscal. – Cependant, rien n'interdit à l'administration d'invoquer l'abus de droit fiscal, du vivant du vendeur, ou après son décès si la vente lui paraît caractériser une donation déguisée499. Les circonstances suivantes peuvent être déterminantes : la proximité de la vente et du décès, les liens de parenté entre le vendeur et l'acquéreur, la situation de fortune du vendeur (démontrant par exemple que celui-ci ne se situait pas dans un état de besoin), la situation de fortune de l'acquéreur (démontrant par exemple que celui-ci ne disposait pas de la capacité financière de réaliser l'acquisition), la réalité du paiement du prix, etc.
500.
Les ventes situées en dehors du champ d'application de l'article 751 du Code général des impôts (vente avec réserve de droit d'usage et d'habitation, vente à une SCI) sont particulièrement exposées au grief de l'abus de droit puisqu'il s'agit du seul moyen pour l'administration de les contester. Le délai de reprise de l'administration est de six années en raison des recherches auxquelles elle doit se livrer pour caractériser l'abus de droit501. Les conséquences de la mise en œuvre de l'abus de droit fiscal sont redoutables : le rappel des droits de mutation à titre gratuit (qui peuvent atteindre 55 % lorsque le lien de parenté est éloigné, ou 60 % lorsque l'acquéreur est un tiers, telle une société familiale) est majoré d'une pénalité de 80 % ainsi que des intérêts de retard au taux de 0,20 % par mois.
Sur un plan pratique, la mise en œuvre de l'abus de droit expose le plus souvent l'acquéreur à revendre le bien pour financer le montant de l'impôt. Si la rectification fiscale intervient du vivant du vendeur, et qu'il est donc difficile d'envisager la vente du bien, l'acquéreur n'aura pas d'autre choix que de négocier avec l'administration un échéancier de paiement. On devine la tentation qui sera celle du contribuable d'engager la responsabilité du notaire qui ne l'aura pas suffisamment dissuadé de recourir à la vente familiale.