– Plan. – Les outils du praticien sont variés. Outre ceux déjà annoncés, les dispositifs d'anticipation contractuelle seront analysés (Sous-section I) ainsi que les mécanismes du droit successoral international (Sous-section II).
Les outils de l'international
Les outils de l'international
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Les dispositifs d'anticipation contractuelle
– Le droit de retour conventionnel. – Prévue à l'article 951 du Code civil, la clause de droit de retour conventionnel est une des conditions les plus fréquentes des donations notariées. Elle est soumise à la loi du contrat et ne doit pas se confondre avec le droit de retour légal qui relève, quant à lui, de la loi successorale. La clause contractuelle s'applique alors même que le droit français n'est pas applicable à la dévolution successorale. Le notaire français doit en tenir compte quand bien même une loi étrangère serait compétente. À ce titre, la pratique notariale française tend à développer une clause optionnelle à l'instar du droit belge. Alors que la clause traditionnelle du droit de retour conventionnel s'exécute de plein droit, le droit de retour optionnel offrirait au donateur la faculté d'exercer ou non ce choix. La doctrine estime qu'elle est critiquable tant sur le plan civil que fiscal. Elle serait, d'une part, considérée civilement comme un pacte sur succession future. Purement potestative, cette clause serait également contraire à la lettre de l'article 951 du Code civil. D'autre part, la question de la taxation sur le plan fiscal demeure ouverte et mériterait d'être clarifiée220. Du point de vue de la loi applicable, il est raisonnable de s'interroger sur l'impact du caractère optionnel de la clause de droit de retour. Si le donateur choisit de la faire jouer, le retour est soumis à la loi du contrat. S'il y renonce post mortem, la transmission est alors soumise au droit successoral.
– Les clauses résiduelles. – La clause résiduelle va générer une transmission au profit d'un second bénéficiaire. Il est raisonnable de penser qu'elle est soumise à la loi du contrat et non à celle de la succession.
– Les avantages matrimoniaux. – Le droit français reconnaît le mécanisme des avantages matrimoniaux lesquels ne sont pas qualifiés de libéralités221. Ils sont rattachés à la loi du régime matrimonial des époux. Néanmoins, en présence d'enfants non issus des deux époux, ces avantages matrimoniaux sont soumis aux règles successorales de réduction par la voie de l'action en retranchement222. La solution d'articulation jurisprudentielle entre la loi du régime des époux et la loi successorale est la suivante : l'avantage est soumis à la loi du régime des époux, loi qui s'efface devant la loi successorale en présence d'une action en retranchement223.
Les instruments successoraux
– Testament international. – Le testament international doit être réinvesti par la profession notariale comme un outil attractif reconnu à l'international224. Reçu en la forme authentique, en minute, sous la forme d'un dépôt authentifiant, il assurera la dispense des formalités de contrôle de la qualité du légataire et sera compatible avec les droits étrangers, notamment les droits de common law.
– Le certificat d'héritier européen. – Le règlement (UE) no 650/2012 a introduit le certificat successoral européen (CSE) en reprenant le certificat international d'héritier créé par la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur l'administration de la succession225. L'objectif ambitieux a été de dépasser la diversité des actes justifiant la preuve de la qualité d'héritier « et de mettre en place une procédure commune à tous les États membres qui assure un règlement rapide, aisé et efficace d'une succession transfrontière au sein de l'Union européenne »226. Le certificat ne se substitue pas aux modes de preuve locaux des États membres. Le notaire français dispose toujours de la possibilité de dresser un acte de notoriété. Néanmoins, il pourra être amené à délivrer, en outre, un CSE227. Le constat des notaires internationalistes français à l'heure du dixième anniversaire de la création du CSE est que celui-ci a manqué son public228. La critique est aisée et l'art difficile, ici plus qu'ailleurs. Mettre au point un formulaire qui corresponde à l'attente de tous les États est sans doute fort complexe. L'idée est d'apporter des critiques constructives pour assurer à la nouvelle génération de CSE une attractivité renouvelée et de participer à l'innovation collective.
– Acte de notoriété et dévolutions étrangères. – Il est désormais courant, depuis l'entrée en vigueur du règlement (UE) no 650/2012 du 4 juillet 2012, qu'une loi étrangère soit applicable pour la dévolution d'actifs financiers et de biens immobiliers français. Même en faisant fi des situations délicates posées par une loi contraire à l'ordre public successoral, le notaire ressent un grand inconfort à relater dans ses actes une loi qui n'est pas la sienne229. La solution simple et créative consiste à prévoir un « dépôt authentifiant » de l'acte étranger justifiant de la qualité héréditaire – légalisé si nécessaire – et de sa traduction230. Une retranscription littérale selon la forme française devra être faite à la requête et sur déclarations des ayants droit. Dans la plupart des cas, le dépôt de pièces héréditaires comprendra le certificat d'héritier légalisé, sa traduction par un traducteur assermenté, l'acte de décès légalisé, la réponse du FCDDV européen, la copie légalisée du testament le cas échéant et précisera au vu des pièces, le nom des bénéficiaires et leurs quotités. Le notaire enregistrera une copie du testament, s'il existe, conformément à l'article 1000 du Code civil. Pour les systèmes anglo-saxons, l'acte de dépôt visera en outre l'acte judiciaire d'homologation, sa traduction, une attestation d'un juriste local mentionnant les héritiers et les quotités recueillies, la simple lecture du jugement d'homologation ne suffisant pas à désigner les ayants droit de la succession231.
– Nouvelles tribus : idéal unique et réalité plurielle. – Pour faire œuvre de prospective, il faut tout à la fois regarder le passé et réaffirmer l'identité présente de la famille. Les valeurs fondatrices de la société que sont la liberté, l'égalité et la fraternité prennent tout leur sens sous l'angle de la responsabilité des générations en vie et de celles à venir. L'éthique de la responsabilité à l'égard de soi-même, de son conjoint, partenaire, concubin, de ses enfants, de ses beaux-enfants, de ses proches, et plus globalement à l'égard d'une humanité fragile, apporte une réponse inspirante232. L'émergence des nouvelles tribus, dépeintes en lettres et en chiffres, pose un réel défi au notariat. En tant que praticiens au plus proche de la famille, conscients qu'elle est la cellule la plus précieuse de notre société, formant à la fois un idéal unique et une réalité plurielle, il est maintenant temps de chercher collectivement à définir cette voie étroite de ce que pourrait être notre droit.