– Partage ou licitation : la présentation du choix. – Quelle que soit sa genèse, l'accord relatif à la répartition d'un ou de plusieurs biens indivis entre les membres de l'ancien couple peut prendre deux formes : la licitation616 ou le partage. La distinction entre ces deux formes est malaisée en théorie617, de sorte que les praticiens ont tendance, en pratique, à utiliser indifféremment l'une ou l'autre, sous le regard bienveillant du fisc. De prime abord, s'agissant de mettre fin à une indivision par le biais d'une attribution entre coïndivisaires, et éventuellement de liquider les transferts de valeurs susceptibles d'être intervenus pendant la vie du couple, sous forme de créances personnelles ou de comptes d'indivision, il paraît cohérent d'opter pour un acte de « partage » plus élaboré, plutôt que pour un acte de « licitation », aux contours plus étriqués. Ce dernier est censé être réservé aux situations les plus simples, c'est-à-dire lorsque le règlement des intérêts patrimoniaux se limite à traiter du sort de l'immeuble indivis, sans questions liquidatives susceptibles de venir « polluer » les discussions. En pratique, toutefois, il n'en va pas toujours ainsi, principalement pour des raisons fiscales.
Les formes de l'accord
Les formes de l'accord
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Partage ou licitation : les raisons fiscales du choix. – L'on sait, sur le plan civil, qu'un effet déclaratif est attaché à tous les actes mettant fin à l'indivision, qu'il s'agisse d'un partage ou d'une licitation (C. civ., art. 883), de sorte que, quel que soit le lien conjugal initial, l'acte emporte un effet rétroactif au jour de la naissance de l'indivision. Or, il convient de rappeler que le législateur fiscal ne considère pas automatiquement le partage et la licitation comme des actes purement déclaratifs. Deux régimes distincts sont susceptibles de s'appliquer : le régime général (CGI, art. 747) et le régime spécial (CGI, art. 748).
Concernant les ex-époux et les ex-partenaires, le partage est appréhendé comme un acte purement déclaratif entraînant l'application du régime spécial. Ainsi ces partages ou licitations ne sont pas considérés comme translatifs de propriété à hauteur des soultes ou plus-values. Seul le droit de partage sera exigible au taux de 1,10 %. Conformément à l'article 748 du Code général des impôts, « l'imposition est liquidée sur la valeur nette de l'actif partagé déterminé sans déduction des soultes ou plus-values ». Deux conditions cumulatives s'imposent : la préexistence d'une indivision, qu'elle soit née avant ou en cours d'union, et que ce partage intervienne à la suite de la séparation effective618. S'agissant de la licitation entre ex-époux ou ex-partenaires, elle est également considérée comme purement translative (CGI, art. 748) et le droit de partage sera le seul droit d'enregistrement exigible. Néanmoins, il est ici rappelé que le taux de faveur prévu à l'article 746 du Code général des impôts est réservé aux partages619. C'est la raison pour laquelle le notaire privilégie généralement le partage pour les ex-époux et les ex-partenaires.
Concernant les ex-concubins, le partage est considéré comme translatif de propriété à hauteur des soultes ou plus-values (CGI, art. 747), de sorte qu'il ne bénéficie ni du régime de faveur de l'article 748 du Code général des impôts ni du taux réduit de l'article 746 du même code. Aussi, en cas de partage entre concubins, l'acte entraîne la perception du droit de partage sur l'actif net partagé au taux de 2,50 %, déduction faite des soultes, qui sont quant à elles imposées aux droits de mutation à titre onéreux selon la nature du bien partagé620. En cas de licitation, l'acte est assimilé à une vente et entraîne les droits de mutation à titre onéreux sur la part acquise. C'est la raison pour laquelle le notaire a tendance à conseiller la licitation aux ex-concubins.
– Les spécificités attachées à la licitation. – En la forme, il appartient concrètement au notaire, s'agissant d'une licitation, de rédiger un acte de vente, lequel présente l'inconvénient, de prime abord, d'être plus hermétique que l'acte de partage à l'enchevêtrement des rapports pécuniaires qui ont pu exister entre les ex-concubins. Il n'y a rien d'insurmontable toutefois. Lorsqu'il s'agit, concomitamment à la licitation, de régler des créances entre ex-concubins et/ou des comptes d'indivision, le notaire doit prendre soin d'identifier et de valoriser ces derniers au sein d'une clause particulière de l'acte, avant in fine de les ajouter au prix de vente ou, au contraire, de les compenser en tout ou partie avec celui-ci. Lorsque le prêt souscrit initialement pour l'acquisition du bien n'a pas été apuré, le capital restant dû au jour de la licitation est pris en charge par l'acquéreur et vient, de la même façon, en déduction du prix qu'il doit verser à son coïndivisaire. Dans tous ces cas, il est important de signaler que le droit de vente reste assis sur la valeur de la quote-part acquise, et non sur le prix payé en définitive.
S'agissant des modalités de paiement du prix de cession, quatre hypothèses peuvent se présenter, savoir :
- Paiement comptant en totalité ou en partie : dans ce cas, le cessionnaire verse le prix de cession au cédant, si possible via la comptabilité du notaire, afin de constater sa quittance dans l'acte. Cette modalité ne pose aucune difficulté en pratique. Ce mode de paiement se conjugue régulièrement avec une autre modalité de paiement, notamment la reprise du passif à la charge du cédant.
- Paiement par reprise du passif à la charge du cédant : le prix de cession est alors calculé en prenant en compte la quote-part du prêt immobilier qui était due par le cédant et est mis à la charge du cessionnaire, lequel deviendra le seul débiteur de l'entière dette, sous réserve de l'accord du prêteur. Cet accord se manifeste par un accord de désolidarisation de la part de la banque, entraînant la délégation parfaite de la dette. L'obtention de l'accord sur la délégation parfaite n'est pas une condition de validité de cette modalité de paiement. Néanmoins, le notaire doit veiller à alerter les parties sur les conséquences de l'absence d'une telle désolidarisation. En effet, la prise en charge de l'intégralité du solde du prêt par le seul cessionnaire n'est alors pas opposable au prêteur, qui conserve la faculté de recouvrer sa créance auprès de n'importe quel débiteur.
- Paiement par compensation : cette modalité de paiement est expressément autorisée par les dispositions des articles 1347 et suivants du Code civil et impose l'existence d'une créance liquide et exigible du cessionnaire sur le cédant. Ces créances mentionnées et justifiées en exposé de l'acte de licitation sont de nature variée en pratique, comme une créance due au titre d'une surcontribution du cessionnaire sur certaines dettes communes (travaux, remboursement de prêt, etc.).
- Paiement à terme : cette modalité de paiement n'emporte pas la faveur de la pratique en raison des risques qu'elle fait encourir au cédant. Néanmoins, si cela permet d'aboutir à un règlement amiable, elle ne doit pas être écartée par principe. Mais elle devra être strictement encadrée, notamment sur ses modalités de versement et ses conséquences621, et garantie par une hypothèque légale spéciale du copartageant et par celle du vendeur622. Il y aura également lieu de prévoir une clause résolutoire en cas de non-paiement, qui n'est pas de droit.
– Les spécificités attachées au partage postérieur à la rupture. – À l'instar des époux qui divorcent par consentement mutuel623, il n'est pas rare dans les faits que les indivisaires s'entendent pour consacrer un partage inégal, dont le résultat diffère de celui auquel le notaire parvient après avoir procédé à une liquidation dans les règles de l'article La difficulté tient au fait que, au rebours du divorce sans juge, lorsque l'accord survient une fois la rupture consommée, le notaire ne peut pas (pour les concubins et partenaires) ou ne peut plus (pour les époux) se fonder sur une éventuelle prestation compensatoire pour causer juridiquement ce partage, qui déroge aux résultats de sa liquidation mathématique.
Aussi, la demande tendant à consacrer un partage déséquilibré entraîne-t-elle généralement un certain embarras chez le praticien qui craint les incidences fiscales du procédé, susceptible d'être analysé par l'administration fiscale comme une « donation » taxable au taux prohibitif de 60 %624. Dans une très grande majorité de cas, cette inégalité n'est pourtant pas causée par une intention libérale mais par un besoin impérieux de sortir d'une situation bloquée, quoi qu'il en coûte. Plutôt que de rechercher, voire de créer des concessions réciproques artificielles, ne suffirait-il pas d'assumer l'inégalité, qui n'est certes pas l'âme du partage mais qui pourrait, dans certains cas, en être la raison d'être, avec pour objectif d'éviter à terme les affres d'un partage judiciaire en cas d'impossibilité pour l'attributaire du bien indivis de verser la soulte ? En tout état de cause, il est certain que la requalification de l'acte en donation par l'administration fiscale impose à cette dernière de démontrer l'intention libérale de celui qui renonce à percevoir tout ou partie de sa soulte. Or, d'un point de vue factuel, l'intention libérale se conjugue mal avec le contexte d'une séparation.
Lorsque l'inégalité se justifie par des concessions réciproques réelles, le notaire peut recourir à la transaction au sens de l'article 2044 du Code civil, selon lequel : « La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent d'une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ». Pour éviter toute remise en cause du caractère transactionnel de l'accord, le notaire doit alors veiller à effectuer une liquidation complète des intérêts patrimoniaux afin de déterminer les droits réels de chacun, avant de constater la renonciation à un droit en tout ou partie, de noter les concessions réciproques de chacun et enfin de finaliser, par une transaction, l'accord déséquilibré. Il est essentiel que les concessions réciproques soient listées et détaillées, faute de quoi la transaction est fragilisée et encourt la nullité.
S'agissant des partenaires, l'article 515-7 du Code civil prévoit une règle originale de règlement des créances entre eux, en précisant que : « Ces créances peuvent être compensées avec les avantages que leur titulaire a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante ». Ce mécanisme, peu connu en pratique, mériterait certainement d'être utilisé plus souvent en raison de la souplesse qu'il peut inculquer au règlement des intérêts patrimoniaux des ex-partenaires. Il peut en effet permettre de justifier le partage inégal auquel ces derniers souhaitent procéder. Comme le rappelle notre confrère Wilfried Baby, dans sa thèse626, « cette disposition à vocation d'équité est le fruit de la théorie jurisprudentielle des libéralités rémunératoires qui s'est notamment développée entre séparés de biens. Celle-ci a permis au juge de maintenir des donations de biens présents entre époux, alors révocables, sur le fondement de leur caractère onéreux. Il constatait dans ces hypothèses que la donation était en réalité destinée à compenser les avantages retirés par l'époux « donateur » de la vie commune à la hauteur prévue ou qu'il avait au contraire profité de la participation de l'autre au-delà de ce à quoi il était tenu ». Cet outil apparaît comme un moyen offert au liquidateur de causer un avantage consenti par l'un des ex-partenaires au moment de la rupture, notamment dans la situation classique dans laquelle l'un d'entre eux dispose d'une rémunération supérieure à l'autre.
S'agissant des concubins, la Cour de cassation considère que la rupture du concubinage n'est pas constitutive en soi d'une faute susceptible d'ouvrir le droit à une réparation dans les conditions de droit commun des articles 1240 et 1241 du Code civil627. Néanmoins, la jurisprudence reconnaît un éventuel droit à réparation au profit du concubin « lorsqu'il existe des circonstances de nature à établir une faute de son auteur »628. En tout état de cause, la reconnaissance d'une telle réparation et sa valorisation ne relève pas de la compétence du notaire liquidateur. Seul un juge peut faire droit à une telle demande. En revanche, si un jugement reconnaît l'existence de dommages-intérêts et en fixe le montant, ces derniers pourront, le cas échéant, se compenser, en tout ou partie, avec la soulte qui peut être due à l'occasion du partage.
Le spectre de l'action en complément de parts
L'article 2052 du Code civil dispose que : « La transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet ». Le texte semble écarter toute remise en cause de l'acte de partage fondé sur une transaction. Néanmoins, la jurisprudence s'est montrée moins catégorique en estimant que l'action en complément de part était possible à l'encontre d'une transaction ayant fait cesser l'indivision, laquelle n'avait d'autorité de chose jugée qu'à condition qu'aucune des parties n'ait été lésée de ses droits de plus du quart625. Il en découle qu'un partage transactionnel avec des concessions réciproques peut être remis en cause sur ce fondement. Aussi, le notaire doit être attentif à la valorisation des biens ou des flux financiers et doit veiller à faire renoncer à cette action postérieurement à l'acte.