– Le droit positif. – Les partenaires ne sont pas héritiers l'un de l'autre mais jouissent sur la résidence principale de certains droits. S'agissant du logement appartenant aux partenaires ou dépendant totalement de la succession, le survivant bénéficie du droit d'usage et d'habitation gratuit d'une année de l'article 763 du Code civil333. Ce droit temporaire n'est pas d'ordre public et peut être écarté par simple testament olographe. S'agissant du logement dont le défunt était locataire, le partenaire, qu'il soit cosignataire du contrat de location ou non signataire, peut revendiquer auprès du bailleur la cotitularité334 et bénéficier au décès du transfert à son profit du bail. Outre ces droits supplétifs, le couple demeure libre de se protéger réciproquement par libéralité, convention d'indivision, ou attribution préférentielle pour sécuriser plus durablement le droit au logement du survivant335. Celui-ci peut ainsi bénéficier d'un legs en usufruit, de l'attribution préférentielle du logement de l'article 515-6 du Code civil, ou de la faculté de rachat de l'article 1873-13 du même code.
Les droits sur le logement
Les droits sur le logement
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Vers un droit viager au logement ? – Émerge des débats contemporains l'idée d'un droit commun du couple impératif, s'imposant à tous sans manifestation de volonté. La protection du logement est présentée traditionnellement comme un droit inhérent à celle des individus. Le logement est en effet le lieu de vie de la famille, un cadre à pérenniser, dont la stabilité assure sa sécurité. « De plus en plus, le droit au logement (ou à l'habitat) s'affirme comme un droit de l'homme (…) et le droit du logement comme une spécialité. L'un et l'autre, cependant, sont en cheville avec le droit de la famille. C'est tout naturel : les logements, comme les nids, ont une vocation familiale. Un prince soucieux de la reproduction de ses sujets ne peut que s'inquiéter s'ils n'ont le clos et le couvert »336.
Aussi pourrait-il être tentant, conformément au mouvement de fondamentalisation du droit privé influencé par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme, de reconnaître au survivant du couple, indépendamment du statut marital, un droit d'usage viager équivalent à celui du conjoint survivant de l'article 764 du Code civil337. En cohérence avec l'émergence d'un « droit des droits » naîtrait un nouveau droit individuel, droit à hériter en propriété ou en jouissance du logement338.
– Une idée contradictoire avec le pluralisme des modèles. – « À chacun sa famille, à chacun son droit »339, écrivait en 1978 le doyen Carbonnier. Dès lors que le choix a été fait de sauvegarder la diversité des régimes de conjugalité, il serait incohérent d'aligner les droits des époux et des partenaires340. Le professeur Yves Lequette relève à ce propos le risque de glisser « d'un pluralisme à un monisme dégradé »341. La diversité des situations, le lien fondamentalement électif imposent de laisser à l'appréciation des partenaires le degré de protection qu'ils souhaitent342.
Il convient en outre de relever que la plupart des successions ne comportent pas de biens immobiliers, et nombreuses sont celles qui ne comprennent que le logement et un compte d'épargne. Prescrire un droit au logement supplétif de volonté sur le plus important actif de la succession pourrait revenir à priver les réservataires de leur héritage et contraindrait les partenaires qui voudraient l'éviter à une manifestation de volonté contraire. Me Jacques Combret a considéré que le dispositif actuel était équilibré : « Donner un accès plus important à la résidence principale porterait atteinte à la réserve des descendants »343.
Alors qu'advient-il de ce « nid » décrit par Jean Carbonnier, lieu d'éducation et d'amour
344 au décès du prémourant ? Doit-on se résigner au nom du pluralisme à ne pas le défendre en présence de partenaires pacsés ? La question paraît rhétorique ou la réponse décalée. Il convient, à notre sens, de raisonner non pas uniquement à travers le regard du partenaire survivant, mais pour le bien-être collectif de toute la famille. C'est le « logement de la famille » que l'on entend protéger, et non le « logement du survivant du couple » au détriment des enfants. En l'absence de dispositions testamentaires le toit revient aux descendants et, s'ils sont communs (enfants issus du couple), l'expérience notariale prouve que les enfants continueront de le partager avec leur père ou mère le temps de leur minorité, de leurs études ou plus. S'ils sont issus d'une union antérieure, n'est-il pas juste qu'ils héritent de leur auteur, ou fassent eux-mêmes le choix de laisser leur belle-mère ou beau-père rester dans les lieux, en exécutant une obligation qu'ils jugeraient naturelle ?