– Des caractères multiples. – Outre sa nature hybride, la reconnaissance présente par ailleurs différents caractères qui ont une influence sur la pratique notariale.
Les différents caractères de la reconnaissance
Les différents caractères de la reconnaissance
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Un acte solennel. – Selon l'article 316 du Code civil, la reconnaissance exige l'établissement d'un acte authentique. Si elle est reçue principalement par l'officier d'état civil, soit dans un acte spécifique, soit consignée dans l'acte de naissance lui-même, elle peut l'être également par acte notarié833. Dans ce cas, celui-ci peut avoir pour objet la reconnaissance stricto sensu mais peut aussi figurer dans un autre acte tel qu'un contrat de mariage, une donation ou un testament authentique834. Une reconnaissance établie par acte sous signature privée est nulle. Elle est établie obligatoirement en minute – et non en brevet – afin que l'original soit conservé par le notaire.
Les avantages et inconvénients de la reconnaissance par acte notarié
La reconnaissance par acte notarié présente des avantages. Outre les conseils délivrés par le notaire aux clients sur les conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales de l'établissement de la filiation, elle présente l'intérêt de pouvoir demeurer discrète puisqu'elle peut ne pas être portée sur l'acte de naissance de l'enfant si tel est le souhait du client. En effet, « la publicité de l'acte de reconnaissance notarié en marge de l'acte de naissance ne revêt pas (…) de caractère automatique »835. La reconnaissance reste bien entendu valable et irrévocable. Toutefois, elle n'est pas portée à la connaissance de l'enfant, ni de l'autre parent, ni d'aucun tiers. Il est donc possible pour son auteur de la dissimuler. Cette pratique présente néanmoins deux inconvénients majeurs :
• d'une part, elle laisse la branche paternelle vacante de sorte qu'une reconnaissance établie par un tiers, même postérieurement à l'acte notarié, pourrait être inscrite en premier sur l'acte de naissance de l'enfant. Il serait alors nécessaire pour l'auteur de la reconnaissance par acte authentique d'exercer une action judiciaire en contestation de la filiation pour établir sa propre filiation. À défaut, la reconnaissance notariée ne pourra pas produire ses effets ;
• d'autre part, si la reconnaissance est établie par acte séparé sans être portée en marge de l'acte de naissance de l'enfant, elle risque de ne jamais produire ses effets836.
Une reconnaissance volontaire faite par acte notarié n'est pas une disposition de dernières volontés de sorte qu'elle ne devrait pas, en principe, être inscrite au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV)837. Toutefois, s'agissant d'un acte qui entraînera des conséquences sur la dévolution et le règlement d'une succession, il est vivement recommandé de l'inscrire audit fichier pour le retrouver le moment venu dans l'hypothèse où l'auteur de la reconnaissance refuserait de la faire inscrire en marge de l'acte de naissance de l'enfant838. Cette inscription au FCDDV nécessite bien évidemment l'accord de l'auteur de la reconnaissance.
– Un acte unilatéral. – L'acte de reconnaissance est établi sur la déclaration de son auteur. Seul celui qui se prétend parent de l'enfant peut être à l'initiative de la reconnaissance. Elle ne peut donc pas être réalisée par un parent du père ou de la mère, ni même par les héritiers.
L'autre parent est-il informé de la reconnaissance ?
Le consentement de l'autre parent n'est pas exigé dans l'acte de reconnaissance, ni même celui de l'enfant. Cet acte pourrait donc être établi contre leur gré. Toutefois, si l'autre parent n'a pas à intervenir à l'acte de reconnaissance, il en est tout de même informé. En effet, selon l'article 57-1 du Code civil, l'officier d'état civil du lieu de naissance d'un enfant doit aviser l'autre parent lorsqu'il porte la mention de la reconnaissance dudit enfant en marge de l'acte de naissance. Cette information a lieu par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, adressée au domicile du parent figurant dans l'acte de naissance de l'enfant. Si le parent ne peut pas être avisé, l'officier d'état civil doit en informer le procureur de la République qui fait alors procéder aux diligences nécessaires pour retrouver et prévenir le parent.
– Un acte strictement personnel. – La reconnaissance d'un enfant est considérée comme un acte strictement personnel. En conséquence, une reconnaissance peut être réalisée par un mineur ou une personne majeure soumise à un régime de protection sans jamais donner lieu à assistance ou représentation839. Toutefois, le notaire refusera de la recueillir si le comparant apparaît manifestement hors d'état de comprendre la portée de ses actes.
Une reconnaissance par procuration authentique ?
La reconnaissance n'exigeant pas la comparution personnelle de son auteur en application de l'article 62 du Code civil dans sa version antérieure à la loi du 5 mars 2002, il a déjà été admis qu'elle pouvait être souscrite par un mandataire titulaire d'une procuration840. Conformément à l'article 36 du Code civil inchangé depuis, la procuration doit alors être spéciale, c'est-à-dire préciser l'objet du mandat, et authentique841. Or, depuis la loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, un sixième alinéa a été ajouté à l'article 62 du Code civil842. Depuis, lors de l'établissement de la reconnaissance, il est obligatoirement fait lecture à son auteur des articles 371-1 et 371-2 du Code civil. Si la doctrine s'accorde majoritairement pour indiquer que la reconnaissance peut encore être reçue en vertu d'une procuration authentique843, la circulaire du 28 octobre 2011 précise qu'« il ne paraît plus possible, sous réserve de l'interprétation des tribunaux, de considérer que l'auteur de la reconnaissance puisse se faire représenter par procuration spéciale et authentique en application de l'article 36 du Code civil »844. Il est recommandé au notaire sollicité par un client dont la demande porterait sur une procuration authentique en vue de la reconnaissance d'un enfant d'établir directement l'acte de reconnaissance en la forme authentique de sorte qu'il procédera lui-même à la lecture des articles 371-1 et 371-2 du Code civil à l'auteur de la reconnaissance845. Si la reconnaissance reçue par l'officier d'état civil est gratuite, elle est soumise au tarif lorsqu'elle est recueillie par acte notarié846. En outre, ce dernier est soumis au droit fixe d'enregistrement de 125 €847.
– Un acte encore discrétionnaire ? – La reconnaissance est en principe un acte discrétionnaire. Il est généralement admis qu'il n'y a aucune obligation à établir la filiation à l'égard d'un enfant, ni de faute à le reconnaître tardivement, voire à ne pas le reconnaître du tout848. La contrepartie de cette liberté réside dans la possibilité pour la mère comme pour l'enfant d'exercer une action en recherche de paternité849. Cependant, des juridictions du fond ont condamné, à plusieurs reprises, des pères à verser des dommages et intérêts à l'enfant reconnu sur le fondement de la responsabilité civile850. Les juges justifient les versements de ces dommages et intérêts « sur l'attitude blessante [du père] lors de l'instance en reconnaissance »851, voire sur le comportement considéré comme fautif « de s'abstenir de reconnaître [l'enfant] et surtout de ne pourvoir ni à son éducation, ni à son entretien » alors qu'il [le père] n'avait aucun doute sur sa paternité852. En conséquence, le parent a le droit de ne pas reconnaître son enfant, mais « le non-exercice de ce droit peut dégénérer en abus en fonction des circonstances de l'espèce »853. Dès lors, « ces décisions de justice, qui reconnaissent ouvertement qu'un parent qui refuse de reconnaître son enfant puisse voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, bouleversent la nature même de la reconnaissance d'enfant, car celle-ci cesse d'être totalement discrétionnaire »854.
– Un acte irrévocable. – La reconnaissance s'analyse juridiquement comme un aveu. Par conséquent, elle ne peut pas être rétractée, « même formulée en accord avec la mère »855. L'auteur de la reconnaissance, tout comme l'autre parent ou l'enfant, peut en revanche la contester856.
La reconnaissance contenue dans un testament authentique
La reconnaissance peut être contenue dans un testament authentique. Si ce dernier peut toujours être révoqué en tout ou partie par le testateur, la reconnaissance indiquée dans le testament authentique sera maintenue en raison de son caractère irrévocable. Celle-ci devra d'ailleurs être portée à la connaissance de l'enfant reconnu au décès du testateur. Il est donc recommandé d'inscrire ce testament authentique au FCDDV. Néanmoins, lorsque le testateur révoque son testament, il est d'usage de demander la radiation de celui-ci audit fichier. Avant de procéder à la radiation d'un testament authentique, le notaire a tout intérêt à lire le contenu de celui-ci. En effet, s'il contient une reconnaissance d'enfant, il est primordial de maintenir l'inscription de ce testament authentique au FCDDV, même si le testament est révoqué, afin d'en avoir connaissance au décès du testateur.