Les dettes de l'indivisaire à l'égard de l'indivision

Les dettes de l'indivisaire à l'égard de l'indivision

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Sources des dettes. – L'un des indivisaires peut être débiteur à l'égard de l'indivision, soit qu'il a joui privativement d'un bien indivis (§ I), soit qu'il en a perçu des fruits et revenus (§ II), soit enfin qu'il l'a détérioré (§ III).

La jouissance privative d'un bien indivis

– L'occupation privative d'un bien indivis est en principe onéreuse. – L'article 815-9, alinéa 2 du Code civil dispose que : « L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité » et la Cour de cassation de préciser que « la jouissance privative d'un bien indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d'user de la chose »755. De cette définition, il résulte qu'il importe peu que l'occupation soit fondée sur un titre, ordonnance de non-conciliation ou convention entre époux, ou qu'elle soit spontanée756. Lorsque l'occupation est fondée sur un titre, il est indifférent, par ailleurs, que l'époux titulaire du droit n'en fasse pas usage, car, en tout état de cause, l'indivision est alors privée de faire fructifier le bien à son profit. La Cour de cassation a, en effet, posé en principe que l'indemnité étant due en contrepartie du droit pour l'indivisaire de jouir privativement du bien indivis, elle peut être exigée même en l'absence d'occupation effective des lieux757. De plus, le caractère inhabitable du bien ne semble pas pouvoir exonérer l'époux débiteur du règlement de son indemnité.
– L'occupation privative d'un bien indivis peut être gratuite. – Par exception, l'occupation privative d'un bien indivis peut cependant revêtir un caractère gratuit758. Cette gratuité peut être le fruit d'un accord entre les indivisaires759. Elle peut aussi résulter d'une décision judiciaire. L'on sait, en effet, que dans le cadre d'une procédure de divorce contentieux, le juge aux affaires familiales peut « attribuer à l'un des époux la jouissance du logement et du mobilier du ménage » en spécifiant le « caractère gratuit ou non » de cette jouissance (C. civ., art. 255, 4o), au titre des mesures provisoires, préconisées hier dans le cadre de l'ordonnance de non-conciliation et aujourd'hui dans le cadre de l'ordonnance sur mesures provisoires760.
En dehors d'une procédure de divorce, cette faculté est également désormais offerte au juge lorsqu'il est saisi d'une requête relative aux modalités d'exercice de l'autorité parentale (C. civ., art. 373-2-9-1, al. 1er). En cas de séparation des parents, qu'ils aient été mariés, partenaires ou concubins, le texte lui permet de statuer sur l'attribution provisoire de la jouissance du logement familial, étant ici précisé que « lorsque le bien appartient aux parents en indivision, la mesure peut être prorogée, à la demande de l'un ou l'autre des parents, si durant ce délai le tribunal a été saisi des opérations de liquidation partage par la partie la plus diligente » (C. civ., art. 373-2-9-1, al. 3). En dépit du silence du texte, à notre sens, rien n'empêche le juge de prévoir une occupation gratuite du bien, en estimant qu'elle constitue une modalité d'exécution en nature de l'obligation de contribuer à l'entretien des enfants qui pèse sur le conjoint de l'indivisaire occupant.

Occupation privative et SCI

Il arrive parfois que le juge, notamment dans le cadre de l'ordonnance sur mesures provisoires, accorde à l'un des époux la jouissance gratuite d'un bien qui dépend d'une SCI761. Dans ce cas, la gratuité n'est pas opposable à la société qui peut, en dépit des termes de l'ordonnance, et selon les règles prévues par les statuts, solliciter une indemnité pour jouissance privative. Rappelons à cet égard que la Cour de cassation considère que « lorsque les statuts d'une SCI n'indiquent pas dans l'objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par l'assemblée générale des associés, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts »762. En d'autres termes, dans le silence des statuts, l'occupation privative par l'un des associés est en principe onéreuse et le juge aux affaires familiales ne saurait contrevenir à ce principe.

La détérioration d'un bien indivis du fait d'un indivisaire

– Perte de valeur imputable à l'indivisaire. – L'article 815-13, alinéa 2 du Code civil dispose que « l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute ». Ce texte doit être entendu de manière extensive couvrant ainsi tant les dégradations matérielles du bien, qu'elles soient totales ou partielles, que la baisse de sa valeur économique, cette dernière pouvant être liée soit à une mauvaise gestion du bien indivis, soit à un détournement des fonds indivis par un indivisaire à des fins personnelles. Néanmoins ce système, inspiré du régime de la responsabilité civile, nécessite une faute de l'indivisaire, ce qui soulève fréquemment des difficultés de preuve dans les dossiers763.

La perception des fruits et revenus par un indivisaire

– Restitution des fruits et revenus par un indivisaire. – La règle, édictée à l'article 815-10, alinéa 2 du Code civil relève du bon sens juridique et rappelle que les fruits et revenus d'un bien indivis accroissent l'indivision. Il en découle que l'indivisaire qui perçoit seul des fruits et revenus provenant d'un bien indivis est redevable d'une dette à l'égard de l'indivision. Tous les fruits sont ici concernés, qu'ils soient naturels, industriels ou civils, ainsi que tous les revenus provenant d'un bien indivis frugifère tel un fonds de commerce, artisanal ou libéral, ou toutes parts de sociétés agricoles, civiles et commerciales764.